Lors de notre visite à l’Ashmolean Museum nous avons découvert, dans les sous-sols du musée, un espace d’exposition dédié à la présentation des collections et à l’explicitation de la pratique de la conservation-restauration. En plus de donner de la visibilité à une action généralement méconnue du grand public, tout ce qui fait l’attractivité de ce parcours est qu’il est également doté de plusieurs dispositifs interactifs et de manipulations.

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L’Ashmolean Museum d’Oxford

L’actuel Ashmolean Museum d’Oxford a été fondé au tout début du XXe siècle sur la fusion des anciennes collections du musée éponyme et des collections d’art de l’Université de la ville, jusqu’alors présentées dans la Bodleian Library. Le musée compte une grande variété de départements : d’antiquités, d’art oriental, d’art occidental (du Moyen-âge à nos jours), de numismatique ou encore de moulages. Toutefois, nous nous intéresserons ici plus spécifiquement à la façon dont le musée évoque au sein même de ses espaces d’expositions deux de ses missions essentielles : la conservation et la restauration.

Sensibiliser les publics

« Merci de ne pas toucher », « Flashinterdit » …sont autant de recommandations auxquelles sont confrontés les visiteurs. Une fois sortis des réserves les objets sont en effet exposés à un certain nombre de risques, autant liés aux visiteurs qu’à l’atmosphère ou encore à la température de la pièce. D’une certaine manière les réserves restent encore les lieux les plus sûrs pour assurer leur bonne conservation, mais cela est loin d’être une solution à long terme. Ainsi, il est légitime de se demander si dicter de simples consignes aux visiteurs est vraiment la seule solution pour garantir à la fois la bonne préservation des objets et leur exposition au public ?

Grâce à ces différents dispositifs, le parti pris de l’Ashmolean Museum est plutôt de donner des clefs de compréhension aux visiteurs afin de les sensibiliser aux enjeux de la conservation-restauration.

« Objects are fragile »

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Capture2Dans un petit cadre doré accroché au mur, sont disposées deux plaques, une de métal et une de calcaire. Les visiteurs sont explicitement incités à toucher la partie non protégée des plaques : « Please touch ! »,faisant ainsi augmenter le compteur. Par ce geste très simple, et en comparant avec les parties protégées, on découvre alors les dégâts que peut engendrer le toucher sur la matière.A travers des textes explicatifs, des photographies et différentes manipulations les visiteurs découvrent les problématiques auxquelles sont confrontées quotidiennement les institutions muséales. Sont aussi dévoilés plus spécifiquement une profession, ses techniques et ses problématiques amenant les visiteurs à percevoir le musée autrement qu’un simple lieu d’exposition. Plutôt rare dans un musée de type beaux-arts, cette proposition de parcours se révèle très accessible et ludique. Faire entrer les visiteurs dans l’envers du décor semble cependant s’inscrire dans une tendance de plus en plus présente au sein des structures muséales ou culturelles, rappelons nous l’exemple de l’Artothèque de Mons !

 

Faire entrer les publics dans les coulisses du musée

 

En pénétrant dans les « coulisses » du musée, les visiteurs expérimentent par eux-mêmes les techniques et les méthodes de la conservation-restauration.  

« Exploringwith light »

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Face aux visiteurs se présentent trois objets, placés dans des vitrines. En dessous de chacune d’elles sont disposés des capteurs devant lesquels les visiteurs sont invités à passer leur main. Par cette action, ils activent différents types de lumière sur l’objet. Leur est aussi explicitée par de courts textes, la fonctionnalité de chacune. Pour exemple la lumière UV qui révèle les différences de matériaux, permet potentiellement de découvrir des restaurations antérieures. Les visiteurs sont sollicités pour trouver par eux-mêmes si la sculpture a été réparée ou non par plusieurs questions : « Do you think this piece might have been repaired ? »

 

 « Conservation Lab »

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Capture4Entrons maintenant dans le laboratoire du conservateur pour en apprendre un peu plus sur les objets, et peut-être faire de nouvelles découvertes !

À l’aide d’un petit carnet et de deux loupes les visiteurs sont conviés à examiner les objets sous vitrine. Pour chaque objet ils sont guidés dans leur expertise grâce à plusieurs questions qui leurs sont posées : « What other colours do you see ? What materiel do you think this knife is madeof ? ». Cesdispositifs permettent aux visiteurs de comprendre les gestes qu’implique la conservation-restauration. Ils ne font cependant pas qu’expérimenter. En effet, par différents questionnements qui leurs sont directement adressés, ils sont également amenés à établir leur propre réflexion sur les enjeux de la conservation-restauration et à prendre conscience de son rôle crucial dans la transmission du patrimoine.

Certaines institutions vont même plus loin dans la démarche notamment en réalisant des restaurations face aux visiteurs. Comme en 2009-2010, au Musée des Beaux-Arts de Tourcoing (MUba Eugène Leroy) où des restaurateurs effectuaient leur travail directement dans les espaces d’exposition, confrontant ainsi les visiteurs à la réalité de ce type d’intervention.

D’autre part, que cela soit à l’Artothèque de Mons ou encore au Louvre-Lens, les institutions tendent de plus en plus à ouvrir leurs réserves ou simplement à les rendre visibles au public. Un argument d’attrait qui est indéniable pour les visiteurs, toujours désireux de voir ce qui est habituellement gardé secret.Le choixde ce parcours réalisé par l’Ashmolean Museum s’apparente également à une tentative de dévoiler l’invisible au visiteur et à lui faire littéralement toucher du doigt les problématiques de conservation et de restauration auxquelles l’institution fait face. D’une certaine façon aussi, un tel parcours au sein du musée est une sorte de préambule à la visite et contribue à donner aux publics un autre regard sur les collections du musée. Acteur pendant sa visite, il prend autant conscience de la fragilité des pièces conservées que de la manière dont il faut les préserver.

Mais au-delà de la fonction pédagogique première, ces initiatives permettent également de proposer une nouvelle expérience de visite, pour toujours plus d’interactions entre les publics et les œuvres.

Amandine Gilles et Sarah Hatziraptis

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