Pour marquer la réouverture de ses bâtiments au public, le BAM de Mons a frappé un grand coup en exposant l’un des plus célèbres artistes du XXème siècle : Andy Warhol. Ouverte jusqu’au 19 janvier 2014, cette exposition inédite, produite par le Musée Andy Warhol de Pittsburgh, présente plus de cent-quarante œuvres de l’artiste américain dans les espaces entièrement rénovés du musée.

J’entends déjà marmonner derrière vos écrans : « Encore une exposition blockbuster sur Warhol…». Oui, si vous vous rendez au BAM de Mons, vous allez pouvoir admirer, ou réadmirer, les célébrissimes sérigraphies de Marylin Monroe, de Jacky Kennedy ou encore les mythiques boîtes de soupe Campbell's. Life, Death and Beauty est une immanquable occasion de découvrir ou de redécouvrir les œuvres majeures du grand maître du Pop art mais pas seulement. La grande majorité des œuvres exposées au BAM sont inédites et méconnues du public provenant de musées internationaux ou de fonds de collectionneurs belges. Andy Wahrol est de ces artistes que nous pensons tous connaître et pourtant…

Andy Warhol est perçu pour beaucoup comme un artiste du showbiz, intéressé par l’argent, la notoriété, la gloire mais, sous la couche de couleurs acidulées, de paillettes et de célébrités, se cache le travail d’un artiste complexe, fragile, d’un homme obsédé et terrifié par la mort, par le temps qui s’échappe. Gianni Mercurio, spécialiste de l’art américain et commissaire de l’exposition, ne propose pas une rétrospective sur l’artiste mais une exposition aux thématiques originales qui apportent un nouvel éclairage, une nouvelle compréhension de ses travaux.

Le Pape du Popart et ses icônes

The Last Supper, Andy Warhol, 1986
©The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts

 

La singularité de cette exposition réside dans les thématiques choisies et dans le corpus d’œuvres sélectionné. Vous serez sans doute étonné de découvrir la place énorme qu’occupaient la religion et la spiritualité dans le travail de l’artiste. L’une des salles de l’exposition, au rez-de-chaussée, est consacrée à cet aspect. Andy Warhol était en effet un homme très croyant. Les références religieuses fusent dans nombreuses de ses productions, parfois de manière évidente, parfois de manière plus subtile. J’ignorais qu’Andy Warhol avait travaillé sur le thème de la Vierge à l’Enfant, sur l’image du Christ ou encore sur le symbole de la croix. L’image du Christ entouré des apôtres a obsédé l’artiste tout au long de sa vie. Vous pourrez notamment découvrir quelques exemplaires d’une longue série réalisée quelques années avant sa mort intitulée The Last Supper. L’artiste revisite à la sauce Pop La Cène de Léonard de Vinci à partir d’une reproduction papier de l'oeuvre. Andy Warhol varie les couleurs, camoufle les personnages, déchire, triture cette scène biblique en plus d’une centaine de versions. 

Les mythiques sérigraphies de Marylin Manroe © Avpress

Mais c’est aussi lorsqu’Andy Warhol tire le portrait sérigraphié de célébrités que la spiritualité se révèle. Qu’elles soient religieuses ou commerciales, l’artiste s’intéresse aux icônes. Marylin, icône de son temps, apparaît figée pour l’éternité dans une expression sans relief ni profondeur. Elle devient un motif, une image, presque un symbole. Placée sur un fond abstrait et coloré, l’image de Marylin rappelle celle des icônes religieuses peintes sur les panneaux de bois des églises orthodoxes.

L’obsession de la mort / Memento Mori

Self-portrait with Skull, Andy Warhol, 1978 © The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts

 

Life, Death and Beauty est un titre particulièrement bien choisi qui exprime parfaitement la triade thématique qui sous-tend le travail d’Andy Warhol. La mort a côtoyé la vie de l’artiste, dès son enfance, avec la disparition de son père, la perte de nombreux de ses amis et sa tentative d’assassinat. Deux autoportraits exposés au BAM montrent Andy Warhol mis en scène d’une manière extrêmement inquiétante. Il y simule une scène d’étranglement et, sur le second, l’artiste se figure accompagné d’un crâne d’une manière très shakespearienne.

La mort est pour Andy Warhol à la fois un sujet et un motif. Elle apparaît avec violence dans Electric Chair montrant une chaise électrique, instrument de supplice moderne, ou encore dans la série Disaster. Elle devient motif esthétique avec la série Skulls, œuvres qui s’apparentent à des vanités modernesEt, si l’on songe un instant aux sérigraphies de célébrités comme Jackie Kennedy ou Marylin Monroe, Andy Warhol dresse le portrait de personnalités complexes et torturées sonnant comme des « Memento mori ». Ces deux femmes ont toutes deux connu un destin aussi glorieux que tragique. Les couleurs criardes de leurs portraits, leurs images souriantes, cachent en réalité un grand désarroi. L’exposition m’a fait réaliser qu’Andy Warhol n’est pas seulement « l’artiste du consumérisme ». L’ensemble de son travail a une gravité que j'ignorais.

Skulls, Andy Warhol© Sami Belloumi –Voix du Nord

 

Life, Death and Beauty est une exposition réussie. Elle permet au visiteur à la fois de voir ou revoir les œuvres d’un des maîtres sacrés de l’art contemporain, mais aussi de découvrir l’univers intriguant, étrange et fascinant d’Andy Warhol. Les œuvres du « sacré » Andy Warhol sont d’ailleurs scrupuleusement surveillées par les gardiens du BAM (peut-être un peu trop). Une atmosphère étrangement spirituelle se dégage de cette exposition. Life, Death and Beauty donne à voir de nouvelles facettes d’un artiste aux mille visages et profondément humain.

L’exposition donne un bel avant-goût de l'événement Mons 2015-Capitale Européenne de la Culture et des futures expositions du BAM. Le musée a résolument choisi de proposer des expositions de grande ampleur à portée internationale. La prochaine grande exposition sera consacrée à un artiste mythique du XIXème siècle : Vincent van Gogh.

En attendant janvier 2015 >> Mons - Capitale Européenne de la Culture 2015

Astrid Molitor

Pour en savoir plus :

Andy Warhol. Life, Death and Beauty - Exposition inaugurale de réouverture du BAM

Vidéo Arte.tv

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