Les musées des beaux-arts doivent-ils fuir l’appellation « musées des beaux-arts » ? De plus en plus de musées se détournent des noms traditionnels. En témoignent les musées de la métropole lilloise : PBA de Lille, MUba à Tourcoing, LaM à Villeneuve d’Ascq, Piscine à Roubaix…

Quid des muséums ? Le muséum d’histoire naturelle de Lille, en rénovation depuis 2020, réfléchit à changer son identité. Il devrait désormais se nommer Musée de l’Homme, de la nature et des civilisations, dans une démarche plus ouverte sur la société et notre planète.

Nommer une institution comme un musée demande une longue réflexion, que ce soit pour le sens, la sonorité, la symbolique… Petit focus sur quelques noms rencontrés fréquemment.

L’essor des acronymes

Depuis une vingtaine d’années, les noms de musée évoluent vers une simplification. MUba, acronyme de Musée des beaux-arts, est un des nombreux acronymes qui florissent dans le champ muséal. Mucem, MAS, MoMA, MET, MAD… Les musées se définissent plus par ces lettres que par une référence à un lieu… Fini les noms trop évocateurs, place aux acronymes ! Plus modernes, plus attractifs, les noms en acronymes sont des atouts de communication majeur pour les musées. Ils sont plus compréhensibles par les visiteurs non francophones et facilement mémorisables. Le nom est le premier moyen pour une institution pour se faire une place dans notre monde culturel dense. Il faut saisir l’occasion d’avoir un nom unique pour se démarquer des autres musées du même type. Le PBA de Lille (Palais des Beaux-Arts) a par exemple réussi à se distinguer des autres musées des beaux-arts existants, en choisissant une formule plus courte et moderne.

 Un nom, c’est aussi une identité, qui s’inscrit dans notre imaginaire collectif. Pour marquer les esprits, rien de tel qu’un nom original, court, et c’est encore mieux s’il est accompagné d’un logo. Car l’avantage des noms en acronymes, c’est aussi leur facilité à en faire un logo logo (voir à ce sujet Les logos, ces grands bavards ! de Lisa Barris). Le Museum of Modern Art de New-York a été précurseur dans cette démarche. Dans les années 1960, le Museum of Modern Art dévoile son nouveau logo qui officialise son nouveau nom : il s’appellera désormais le MoMA, un nom qui se veut plus proche des visiteurs.

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Logo du MoMA © Carlosdurso20 - Creative Commons

 

Les musées profitent généralement d’une rénovation pour changer d’identité visuelle et de nom. C’est le cas du LaM, diminutif de Lille Métropole Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut depuis 2010 ; mais aussi du MET, pour le Metropolitan Museum of Art, adopté en 2016, et on pourrait en citer des dizaines. Le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, a lu aussi opté pour un acronyme, le Mucem, dès son ouverture en 2013, s’inscrivant immédiatement dans cette nouvelle vague de nom.

Le changement de nom peut aussi accompagner une redéfinition du ton de l’institution. Prenons l’exemple du MAD. Anciennement Union centrale des arts décoratifs rebaptisé Les Arts décoratifs, le musée a de nouveau changé d’identité en 2017. Le musée s’appelle désormais le MAD. C’est un double acronyme, signifiant à la fois « Musée des Arts Décoratifs » et « Mode, Art, Design ». La devise a elle aussi évolué, le « beau dans l’utile » devenant « un musée fou d’objets » (en anglais « mad » signifie « fou »). L’ancienne identité mettait en lumière les objets pour leur aspect esthétique, jouant sur la notion du Beau indispensable pour être dans un musée. Avec son nouveau nom, le musée change cette conception, supprime la notion de beauté pour se concentrer sur les objets. Quant à « mode, art, design », ce sont les domaines dans lesquels le musée met en valeur ses collections.

Créateur, donateur, mécène... Un retour sur investissement

Moins courts et accrocheurs, il existe au contraire des noms plus longs, en raison de l’ajout d’un nom de personnalité.

Un exemple récent : le musée d’Orsay, officiellement « établissement public du musée d'Orsay et du musée de l'Orangerie » depuis 2010. En 2021, à la mort de l’ancien président Giscard d’Estaing, le gouvernement a décidé d’accoler son nom à celui du musée d’Orsay, pour rendre hommage à celui qui avait impulsé la création du musée. Le nom s’est donc encore allongé, devenant l’établissement public du musée d'Orsay et du musée de l'Orangerie – Valéry Giscard d'Estaing.

Ce n’est pas le seul musée français à porter le nom de son créateur. En 2016, le musée des Arts et Civilisations d'Afrique, d'Asie, d'Océanie et des Amériques est ainsi devenu le musée du quai Branly – Jacques Chirac, président qui avait œuvré pendant son mandat à l’ouverture d’un musée dédié à l’art extra-occidental. Le centre national d'art et de culture Georges-Pompidou, inauguré en 1977, avait suivi le même schéma. Donner son nom à une institution culturelle n’est pas anodin. C’est une manière d’apparaitre dans l’espace public et de laisser en mémoire une action politique tournée vers la culture, avec les valeurs positives qui lui sont associées par ces hommes politiques.

Ces derniers ne sont pas les seuls à pouvoir donner leur nom à un musée. Les donateurs et mécènes sont parfois remerciés. C’est une pratique connue depuis longtemps dans le paysage muséal anglo-saxon : Ashmolean Museum de Oxford (datant du XVIIe siècle), les musées Guggenheim aux Etats-Unis, les musées Tate au Royaume-Uni, le Getty Museum, et bien d’autres ; et plus timide dans les musées français (musée national des Arts asiatiques – Guimet, inauguré en 1889 ou le MUba Eugène-Leroy, renommé ainsi en 2010).

Ces exemples concernent des donations historiques, relativement anciennes, qui ont contribué à fonder le musée. Qu’en est-il des donations actuelles ? Pour la première fois en France, une salle de musée est rebaptisée du nom d’un mécène. Il s’agit d’une salle du musée d’art moderne de la ville de Paris, qui se nomme depuis 2017 « salle Albert Amon », à la demande de son fils, en échange de la prise en charge de la rénovation de la salle.

Cette pratique appelée le naming consiste à donner son nom à une salle à son nom après avoir mécéné sa rénovation. Si la pratique est monnaie courante au Etats-Unis où les musées dépendent plus du mécénat qu’en France, c’est une problématique auquel les musées français vont devoir se confronter. Jusqu’où le mécénat pourra-t-il laisser son empreinte dans le musée ? Quelle importance vont prendre les noms de mécène ? Outre les noms de fondation ou de personnalités, les marques et grandes entreprises pourraient-elles associer durablement leur nom à ceux des musées ? Le Louvre pourrait-t-il renommer la salle des Etats « salle de Etats – AXA » qui a mécéné sa rénovation ? Le marketing n’a pas fini de se mêler au monde culturel.

 

Myrrha Bouly

 

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