Équipements particulièrement impressionnants, les planétariums sont des outils importants de la culture scientifique. Appuyés sur une expérience immersive et émotionnelle forte, ils s'inscrivent dans un environnement singulier, qui demandent une médiation particulière.

Les mutations technologiques ont apporté de nouvelles façons de vivre les expériences scientifiques et ont augmenté l’attrait pour ces outils scientifiques de médiation. De nombreux projets de création ou de renouvellement sont d’ailleurs en cours, comme à Douai, ou Strasbourg.

Image de couverture : © Tiffany Corrieri

 

Actuellement en apprentissage au Forum départemental des Sciences, j’ai échangé avec André Amossé, responsable de l’équipe médiation, qui m’en a dit plus sur ce qu’est un planétarium et sur la médiation associée.

Petit historique de l’observation des étoiles

Avant de se pencher sur l’histoire succincte des prémices du planétarium, il convient de définir le sens de ce mot : en français le mot planétarium désigne à la fois l’instrument de visualisation du ciel comme le lieu où cet appareil est implanté.

Ici, il sera question de s’intéresser au système qui permet de simuler le ciel. 

 

A quoi sert un planétarium ?

Simuler l’observation du ciel étoilé à un moment et à un endroit donnés, telle est la mission des planétariums. Ils se différencient des observatoires par leur capacité de visualisation du ciel et permettent une démonstration de l’évolution de ce dernier au gré du temps sans avoir les contraintes météorologiques (ciel nuageux). Leur particularité est de proposer un point de vue interne et terrestre de la voûte céleste.

Pendant une séance de planétarium au Forum départemental des Sciences, le public peut admirer le ciel du moment vu depuis n’importe quel autre endroit de la Terre, visualiser tous les phénomènes astronomiques (rapprochements planétaires, phases de Lune, éclipses…) quelles que soient la position géographique, la date et l’heure sur une période de 5000 ans entourant notre époque.

 

La volonté de représenter le ciel et de montrer ses phénomènes cycliques existe depuis longtemps. Déjà à l’Antiquité des tentations de modélisation de ces mouvements ont été pensés, comme avec le planétarium d’Archimède. Mais c’est vers le milieu du XVIIe que le principe de fonctionnement des planétariums d'aujourd'hui trouve son origine. Plutôt que d’avoir un point de vue extérieur à la voûte céleste pour observer le ciel de façon réaliste et terrestre, un point de vue depuis l’intérieur de cette voûte est adopté.

C’est ce que propose Le Globe de Gottorp, un globe de 4m de diamètre, dans lequel il était possible d’entrer pour contempler un ciel étoilé. Il existe une copie de ce dernier, le Globe céleste d’Atwood, à Chicago qui fut à l’origine de la genèse des planétariums modernes.

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Une réplique du Globe de Gottorp construite en 2005. © Wikipédia

 

Afin d’avoir une représentation de qualité du ciel étoilé, le premier planétarium moderne est créé en 1913 avec un système opto-mécanique (définit plus loin) par l’entreprise allemande Zeiss. Lors de l’exposition universelle de 1937, est construit le premier planétarium français, installé depuis 1952 au Palais de la Découverte à Paris.

La loi de décentralisation dans les années 80, qui valorise la diffusion de la culture en région, encourage la création de structures de culture scientifique sur l'ensemble du territoire national. L’association ALIAS voit le jour et acquis son premier planétarium itinérant en 1991. Elle change de nom pour Forum des Sciences en 1996, lors de la construction de l’actuel bâtiment, pensé avec l’implantation d’un planétarium fixe (le Forum des Sciences, est départementalisé en 2006 et s’appelle désormais Forum départemental des Sciences).

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Construction du dôme du planétarium du Forum départemental des Sciences à Villeneuve d’Ascq en 1996. © Forum départemental des Sciences

Décomposition d’un planétarium : mécanique, numérique ou hybride ?

Le choix de renouveler le système ou de créer un nouveau planétarium dépend de l’équipe et de son projet culturel, mais aussi de la tutelle et des financements accordés. Ainsi, suivant la volonté de privilégier une représentation fidèle du ciel ou de s’appuyer davantage sur les spectacles, plusieurs configurations de salles et de systèmes sont possibles. 

Un planétarium est composé d’une salle, qui est surmontée d'un dôme et dans laquelle se trouve un système de projection piloté depuis un pupitre. Le FDS détient une salle de 130 places avec un projecteur central et un dôme de 14m de diamètre. 

Une salle, un dôme et des projecteurs

La salle circulaire est composée de sièges pour admirer la voûte, et peut se décliner en 2 configurations : une salle avec des sièges disposés en un cercle de 360° à plat, permettant d’exploiter l’entièreté du dôme, ou bien inclinés sur une plateforme et agencés en demi-cercle, comme une salle de cinéma pour profiter d’une vue unidirectionnelle vers la voûte. Dans cette configuration, seule une partie du dôme est exploitée.

Suivant la disposition de la salle, le dôme sphérique peut également être incliné ou non.

Enfin, le système de projection est lui aussi étroitement lié à la modularité de la salle car son choix dépend de ce que l’on souhaite valoriser.

Le système opto-mécanique est le dispositif initial des planétariums. Il intègre un projecteur, situé au centre de la salle, composé de systèmes mécaniques et de combinaisons optiques offrant une représentation du ciel visible depuis la Terre.

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Système opto-mécanique du planétarium du Forum départemental des Sciences affichant le positionnement des étoiles pour une représentation la plus fidèle du ciel étoilé. © Tiffany Corrieri

 

Les projecteurs de diapositives, démocratisés dans les années 50-60, finissent par équiper les planétariums, montrant des éléments plus complexes et lointains géographiquement comme les galaxies, la lune et ses cratères, les planètes etc. Ils permettent ainsi de changer de point de vue, de ne plus seulement s’appuyer sur une vue terrestre. Leur disposition tout autour du dôme permet de constituer un paysage en 360°, les fondus apportant un effet de mouvement. Des scénarii sont alors pensés pour faire adhérer les plus jeunes, amenant à la réalisation de séances enregistrées sous forme de spectacles.

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Dispositif de diapositives © Tiffany Corrieri

 

Puis, l’avènement du numérique dans les années 2000 a renversé la manière d’utiliser le planétarium et sa médiation. Les projecteurs numériques, qui intègrent la vidéo, apportent une dimension immersive à la salle qui se doit d’être semi-orientée et donc inclinée. Cette dimension numérique apporte de la profondeur et plus de possibilités en ce qui concerne les séances de spectacles : elle vise l'émerveillement à travers la simulation de voyage dans l’espace et la vidéo en relief, comme il est possible de le voir à la Coupole d’Helfaut.

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Dispositif de projection du planétarium de la Coupole d’Helfaut : des projecteur vidéos sont intégrés sous le dôme (petits emplacements noirs) pour une projection en relief. La salle est orientée et inclinée. © Jérôme Pouille

 

Toutefois, même si un système favorise un type de salle et vice-versa, il est possible d’associer les deux mécanismes en formant un système hybride qui permet de lier la qualité d’un ciel étoilé rendu possible par l’opto-mécanique et la facilité pédagogique du numérique. Néanmoins, comme ce dispositif demande une orientation 360° - et une salle plate -, il peut demander des contraintes scénaristiques. Ainsi pour le confort du public, le Forum départemental des Sciences a opté pour le parti-pris de ne pas représenter physiquement les personnages qui discutent entre eux : seule une partie des visiteurs pourraient les apercevoir, l’autre devrait se retourner et pourraient ne pas profiter correctement du spectacle. 

Dans tous les cas, le système est contrôlé depuis un pupitre par le biais d’un logiciel que le médiateur ou le régisseur pilote.

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Le pupitre de commande du planétarium du FDS © Tiffany Corrieri

 

La configuration initiale du planétarium du Forum départemental des Sciences est celle d’un système opto-mécanique accompagné par des projecteurs de diapositives et de deux vidéoprojecteurs qui ne recouvrent cependant pas tout le dôme. Au vu de l’aspect obsolète de ce système de projection (les projecteurs de diapositives tombent souvent en panne, il devient rare de retrouver un même équipement de remplacement), si l’équipe avait l’opportunité de changer ce dernier, elle opterait pour une hybridation.

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La salle plate du planétarium du Forum départemental des Sciences avec le planétaire optique au centre, des sièges disposés en cercle et un dôme de 14m de diamètre. © Tiffany Corrieri

Qu’en est-il des planétariums itinérants ?

Les planétariums itinérants, qui font leur apparition dans les années 70, ont évolué en même temps que les planétariums fixes. L’évolution de leur technologie suit celle des grands formats, à la différence que les mécanismes sont miniaturisés pour favoriser leur transport et que les projecteurs de diapositives ne sont pas utilisés.

Le premier planétarium itinérant du FDS était composé d’une structure en aluminium sur laquelle était tendue une toile. Cette structure soutenait un parapluie pour former le dôme sur lequel était projeté le ciel. Il demandait environ 2 heures de montage contre 30 min maximum pour une structure gonflable, aujourd’hui proposée avec une projection numérique. Au vu du succès de cet outil, le FDS possède à l’heure actuelle 4 exemplaires de ce dernier.

Suite à la démocratisation numérique, les producteurs ou les emprunteurs de planétariums peuvent être de nature différente : associations, club ou sociétés astronomiques, établissements nationaux (Universcience et Musée de l’air et de l’espace), collectivités (CCSTI: Forum départemental des Sciences, universités: Jardin des Sciences, muséums: Paléospace l’Odyssée etc). À ce jour l’Association des Planétariums de Langue Française (APLF) répertorie une soixantaine de planétariums fixes et encore plus d’itinérants en France.

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Les planétariums itinérants du Forum départemental des Sciences sont composés d’une structure gonflable et d’un projecteur vidéo. © Forum départemental des Sciences

Quelle médiation dans un planétarium ?

La dimension émotionnelle d’une séance, encouragée par la configuration hors du commun d’un planétarium, possède un impact nettement plus grand sur le public, que tout autre dispositif de médiation.

Il convient donc que le fonctionnement de la médiation dans un planétarium est propre à chaque structure. À la Cité des Sciences et de l’Industrie de Paris, des spectacles sans médiation physique ont longtemps été majoritairement proposés. Au Forum départemental des Sciences, toutes les séances de planétariums sont accompagnées par un.e médiateur.trice. Une séance, traite d’un thème particulier et peut être composé d’un spectacle, mais aussi des moments d’échanges et de visualisation du ciel du moment.

Cette médiation peut être entreprise par une personne extérieure à la structure, notamment lors de séances in situ ou externe, comme lors de prêts de planétariums itinérants où les emprunteurs ne détiennent pas forcément les compétences pour animer une séance. Dans ce cas, il est souvent question de bénévoles d’une association, sollicités pour l’occasion sur la durée d’emprunt de l’outil. Ces personnes sont alors formées par l’équipe de médiation du planétarium, à l’utilisation du matériel. 

Les difficultés

Du fait de contraintes propres à la structure, la médiation dans un planétarium se différencie d’une médiation d’une exposition qui se réalise sur le terrain. La capacité d’accueil d’une salle de planétarium implique pour le ou la médiateur.trice de parler seul.e face à un large public. De plus, la nécessité d’être dans l’obscurité pour observer le ciel, induit que la médiation se réalise dans le noir et implique ainsi davantage une transmission d’informations qu’un véritable échange. Pour pallier à cela, ce dernier se réalise plutôt en début de séance, de sorte que les thématiques abordées suscitent le questionnement, l’étonnement et provoquent des échanges en fin de séance.

La réalisation d’une séance de planétarium

La production de séance de planétarium peut être réalisée en interne comme en externe.

À savoir qu'aujourd'hui, les fabricants de planétariums se spécialisent dans la distribution, voire la production de films et de séances de spectacle. Les intervenants et la gestion de projet dépendent ainsi des financements et des ressources humaines de la structure. Il est parfois possible qu’existe une équipe dédiée à la production avec un.e chargé.e de production, un.e graphiste, un.e compositeur.trice qui renforcent l’équipe de réalisation, composée d’un.e réalisateur.trice en poste, comme à la Cité des Sciences et de l’Industrie à Paris. Néanmoins les méthodes de travail sont souvent similaires.

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Etapes de réalisation d’une séance de planétarium au sein du Forum départemental des Sciences © Tiffany Corrieri

 

La réalisation d’une séance de planétarium au Forum départemental des Sciences s’appuie sur la possibilité et les limites matérielles définies par le dispositif opto-mécanique accompagné de projecteurs de diapositives et des possibilités limitées des vidéoprojecteurs.

Elle commence par la proposition de thèmes en lien avec la thématique de saison culturelle afin de garder une cohérence et faire résonner les expositions présentées, quand cela est possible.

La note d’intention 

Comme tout nouveau projet, une note d’intention est rédigée avec les titres, objectifs, sous-objectifs, une présentation du contenu et les cibles touchées. Les séances présentées s’adressent principalement au plus de 6 ans, à l’exception du “Petit ciel étoilé” ; les plus petits peuvent être réticents à être dans le noir, il est moins facile de réaliser une médiation qui leur est destinée. Ces présentations suivent les cycles des programmes scolaires, de la grande section de maternelle au lycée ; la plus grande limite d’âge recommandée pour commencer une séance, est donc de 12 ans.

Le scénario

Une fois que la note d’intention est validée, le scénario qui indique les textes et l’histoire à raconter, est réalisé en interne ou en externe et met en forme le cahier des charges pour la réalisation audio et visuelle. Il n’y a pas d’appel à scénariste pour ne pas être trop axé sur l’expérience cinématique, mais davantage être dans la théâtralisation, le storytelling lors des échanges entre les personnages et ainsi les sortir du cadre orienté.

Le cahier des charges

Il présente les contraintes et les volontés de réalisation en termes de visuels (intention graphiques, visuels utilisés) et d’audio (intention de la bande son, bruitages) de l’équipe projet.

La réalisation audio 

Cette partie est soit réalisée par un prestataire qui suit le cahier des charges fourni avec les contraintes et volontés (comme les visuels à présenter par exemple) ou est produite en interne. Elle est par la suite validée par le responsable scientifique et pédagogique.

Au FDS, les prestataires, choisis par le biais d’un appel d'offres, sont souvent des compagnies de théâtre pour l’enregistrement audio.

Une fois la bande son réalisée avec les voix des comédiens enregistrées, il est possible de programmer les visuels adéquats.

La réalisation visuelle

Les diapositives et les vidéo projecteurs qui offrent une utilisation limitée - par la délimitation de la fenêtre de projection, il n’est pas possible d’exploiter l’entièreté du dôme - sont la forme de visuels possibles au FDS, c’est pourquoi ce dernier collabore avec un.e illustrateur.trice (il est question d’un infographiste en interne pour le planétarium de Dunkerque) pour mettre en image les personnages quand il s’agit d’un spectacle. Puis, la coordination des images avec l’audio et la simulation du ciel, réalisée par un.e médiateur.trice via un programme, est directement effectuée depuis le simulateur astronomique.

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Production d’une séance de planétarium avec le logiciel SkyExplorer © Tiffany Corrieri

 

Il faut à minima prévoir un an pour la réalisation d’une séance de planétarium de A à Z. Le budget moyen étant de 30 000 à 40 000 euros pour une séance comportant un spectacle enregistré. La dernière production pour une séance LSS (Lhoumeau Sky-System) -destinée aux planétariums itinérants- au FDS a coûté seulement 12 000€ car elle ne demande pas de faire appel à un illustrateur : la couche numérique permet une plus grande liberté visuelle et technique. À savoir que l’animation d’un planétarium demande un coût significatif en termes de fonctionnement, par l’utilisation de ressources matérielles et humaines.

Enfin, la médiation d’un planétarium peut-être complétée par un équipement numérique connecté comme des boîtiers interactifs qui permettent au public de répondre aux questions du.de la médiateur.trice, à l’instar de la Coupole d’Helfaut.

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Des boitiers interactifs intégrés aux sièges permettent une interaction avec le public © Jérôme Pouille

 

Pour correspondre aux attentes d’expérience du public et compenser l’obsolescence technologique (il devient compliqué de trouver des projecteurs de diapositives pour remplacer les anciens) de nombreux planétariums traditionnels se convertissent vers les nouvelles technologies numériques, parfois partiellement. Néanmoins cela dépend du temps et des financements accordés : les nouvelles productions numériques coûtent chères et les compétences recherchées particulières. Si l’effort n’est pas entièrement porté sur la partie spectacle, la médiation physique pèse alors sur la balance en termes d’expérience du public.

Je remercie André Amossé et son équipe pour son expertise et sa disponibilité.  

Tiffany Corrieri

 

Pour en savoir plus :

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