Achètera, n’achètera pas, le visiteur du musée ne peut plus compter sur les musées pour sortir quelques instants de la société de consommation. Le passage par la boutique du musée, plus particulièrement dans les musées de Beaux-Arts, devient à lui seul obligatoire pour une exposition permanente à l’étal.

 

Image d'intro : Boutique de l’Exposition Munch au Musée d’Orsay ©J.P

Une arrivée déroutante des boutiques dans les musées

Les premières boutiques informelles des musées remontent après la révolution où les élèves peintres, ayant un accès au Musée du Louvre avec les jours de la semaine réservés pour eux, vont copier les peintures de grands maîtres sur la demande d’un client. Ceci sera leur gagne-pain. Les boutiques, telles qu’elles sont aujourd’hui, apparaissent dans les années 1990 dans les musées et bâtiments patrimoniaux ouverts au public. Mais ces magasins ont la forme de petites boutiques avec quelques cartes postales accompagnées le plus souvent par un catalogue d’exposition. Depuis quelques années, ces boutiques se sont agrandies. Le visiteur se trouve souvent face à de multiples articles : livres, crayons, bonnets, savons, goodies.

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Article de la boutique Musée d’Orsay ©J.P

 

Ce phénomène ne cesse de s’étendre jusqu’à poser la question de savoir quel est l’espace demandant le plus d’énergie entre la boutique et l’exposition permanente ? Et ce qui attire le plus les visiteurs ?

Désormais quel musée n’a pas sa boutique, plus ou moins grande, et elle est accessible aux visiteurs, à l’entrée du musée ou bien en accès depuis l’extérieur sans passer par le hall d’entrée.

Posons-nous la question de l’origine des boutiques. Pourquoi ces dernières sont arrivées dans le musée ? Lieu qui semblerait être un endroit culturel et de détente. Les premières boutiques, comme magasin, sont apparus en France afin de permettre aux petits musées d’obtenir une source de revenus complémentaire aux aides de l’Etat ou au prix d’entrée versé par les visiteurs. C’est une forme de publicité gratuite du musée au travers d’objets customisés, qui repartaient dans les sacs des touristes en direction de toute la France et même du monde. Le musée alors dynamique attire le public. Et ce phénomène épouse le mouvement général d’une société de consommation, accrue dans les années 60.

Des boutiques devenant des lieux concurrentiels de l’exposition

Les boutiques sont majoritairement en sortie de l’exposition ou entrée du musée. Dans certains grands musées parisiens, comme le Musée d’Orsay, ces magasins seront même présents à tous les étages et dispersés dans tout le musée avec des articles liés aux œuvres de l’étage. La technique commerciale veut que le visiteur n’ait pas d’autre choix que de passer par la case de la boutique. Ainsi, tous les moyens sont bons : chemin banalisé, parcours obligatoire, présence à chaque fin d’époque exposée, etc. Tout est fait pour que le visiteur avant de sortir traverse la boutique dans son entièreté. Les vendeurs ne se privent pas alors d’exposer des articles plus attrayants les uns que les autres afin d’attirer le client. Les boutiques de certains musées, comme celui du parfum, deviennent à elles seules des vitrines d’expositions de musée, mais sans propos muséographiques, juste des vitrines du fait de la beauté des vitrines, de la présentation des articles et de leur spécificité. Entre les boucliers, et robes de princesses pour les enfants, les adolescents pourront trouver la trousse ou bien le tee-shirt souvenir, et les adultes un livre avec un lien plus ou moins lointain avec le musée. Il arrive même de trouver des éléments consommables, comme du thé ou bien du café, dans les boutiques de musées comme celui du Louvre à Paris. Le plus souvent, les boutiques se parent de cartes postales, objets souvenirs ou encore de coussins représentant une œuvre d’art. C’est à devenir la course entre les différentes boutiques pour trouver l’objet le plus original. De plus, l’appel à un scénographe pour créer la boutique est également réalisé par certains musées ou espaces d’exposition, comme les Machines de l’île de Nantes.

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Boutique du Musée de Fragonard ©CC - BY NC ND

 

Des boutiques en confrontation avec la vision du musée

Comment situer cette pratique au regard de la définition du musée de l’ICOM ? Selon cette dernière, le musée est « une institution permanente, sans but lucratif ». Même si un musée n’a pas comme fin de récolter le plus d’argent, il devient un excellent moyen d’en tirer des ressources. Et cela, les gestionnaires des boutiques l’ont compris. N’est-il pas courant de voir à la sortie du Louvre une queue de touristes attendant de pouvoir acheter le torchon ou encore le mug customisé avec la célèbre Joconde ? Les boutiques sont investies en fin de semaine, moment clé des ventes.

Mais n’oublions pas que l’ouverture des boutiques a été aussi un moyen de résistance des musées. Durant les fermetures obligatoires, les magasins ayant le pouvoir d’ouvrir leurs portes, les musées ont ouverts à leur tour leurs boutiques. Ainsi, à Marseille, le musée d’Histoire étant à côté d’une galerie commerciale ouverte, le conservateur du musée a décidé d’ouvrir la boutique. Une manière de pointer que si la boutique était ouverte, le musée devrait l’être. Il en a été de même au Musée de l’imprimerie à Lyon ou bien encore le Musée Gadagne. Le conservateur n’a pas forcément tout pouvoir sur la gestion de la boutique du musée. Il va avoir un pouvoir plus ou moins important en fonction de la taille de son musée : plus ce dernier sera petit, plus son impact sera important. Mais tout dépend du mode de régie de cette boutique au sein du musée, par exemple pour les musées relevant des collectivités territoriales. La régie sera directe quand le service, c’est-à-dire la gestion de la boutique, est incluse dans la gestion du musée. La gestion sera déléguée lorsque les services diffèrent pour la boutique -qui peut être un espace loué-et l’administration du musée. Ce mode de gestion est décidé par les collectivités territoriales en lien avec la direction du musée.

Cet aperçu sur la place des boutiques dans les musées, et notamment ceux de Beaux-Arts, ne doit pas négliger leur rôle pédagogique à l’égard du public. Pour exemple, une pratique courante dans tout musée est de proposer le catalogue qui approfondit les propos de l’exposition, ceux des experts du comité. Et les livres proposés concernent bien le sujet de l’exposition.

Il serait juste de doser la présence de la boutique comme le dit Laure Danilo : « une boutique de musée […] doit nécessairement être pensée comme un service au public, une continuité de la visite ».

Jeanne Pagès

 

Pour allez plus loin : 

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