4 ans après avoir accueilli « Andy Warhol Life, Death and Beauty », Mons continue de surfer sur son titre de Capitale de la culture alloué en 2015 en mettant en scène David La Chapelle, l’ancien pupille du maître de la pop culture.

© David LaChapelle 

Naomi Campbell, la famille Kardashian, Britney Spears, Michael Jackson, Cameron Diaz, etc. acteurs, chanteurs, mannequins, bien des people de ce monde sont passés derrière l’objectif de David La Chapelle. Si l’adjectif semble extrapolé, le photographe a pourtant mis en scène les personnes les plus bankable de la culture populaire (comprendre commerciale). Ces stars vues dans les magazines qu’on lit dans les salles d’attente ont une place toute trouvée dans l’album de cet artiste qu’ils « passionnèrent ». Mais ça c’était avant veut-il nous faire croire.

LaChapelle se rend en Italie et est transcendé par la « terrabilità » de Michel Ange. Il prend conscience de ce qui l’entoure et tente d’exprimer le rapport entre l’Homme et la Nature en créant des photographies plus engagées. Selon lui la société de consommation ne peut combler l’humain. Son art en est transformé ; exit les corps luisants (sauf pour dénoncer un propos), les couleurs criardes (sauf si nécessaires) et les clichés (sauf les vrais).

L’événement LaChapelle est conçu comme une rétrospective démarrant aux premières années de création de l’artiste jusqu’à aujourd’hui grâce aux 150 œuvres qui constituent l’exposition. Gianni Mercurio, commissaire et Xavier Roland responsable du pôle muséal de Mons, conçoivent cette rétrospective en fonction de la vie de l’artiste. Il y a un avant et un après 2006, ce qui se ressent dans ses œuvres tout comme dans l’exposition.

After The Deluge © Picturimage/Rino Noviello, 

 

Le visiteur est accueilli par l’œuvre éponyme qui le plonge dans l’univers kitsch et coloré de David LaChapelle et situe immédiatement la gravité du propos. Le Déluge est une allégorie de la dissolution de la société contemporaine et donc une critique du monde qui nous entoure. Le propos religieux sert à véhiculer un message, celui de la décadence de notre société et sa fin préméditée. Si les moyens restent les mêmes qu’au début de sa création, l’artiste - photographe a pris un virage plus engagé. Il propose une réelle satire de ce monde de la consommation, dans lequel il a vécu et grâce auquel il a réussi,qu’il présente sous un jour très ironique. Les musées sont abandonnés, détruits ou ravagés par les intempéries, seules les œuvres « anciennes » subsistent en traversant les siècles. Ce sont les références que l’on perçoit dans les créations de l’artiste, dont les tableaux des grands maîtres de la peinture baroque et italiennes.

Si les photos semblent « trash » au premier regard, l’œil s’habitue et ne voit plus la nudité. Les corps sont tellement léchés, huilés, savonnés et brillent qu’on en oublie que ce sont des personnes, pour ne retenir que leur aspect plastifié. L’humain perd de sa teneur pour n’être qu’un réceptacle véhiculant des valeurs. Les sexes, les poitrines, les corps sont surreprésentés mais pas sexualisés.

La beauté est toujours présente dans ses photographies. Ce n’est pas parce le sujet est esthétique,traité avec attention, richesse et ornementation qu’il perd de son sens selon LaChapelle. L’esthétique LaChapellien ne est un vecteur d’idées, celle de liberté sexuelle ou encore de la surconsommation.


After the Deluge, Museum ©David LaChapelle

 

La seconde partie de l’exposition s’éloigne de ses premières préoccupations. Le monde du spectacle ne lui suffit plus, LaChapelle a une approche photographique plus conceptuelle. La caricature et les couleurs vibrantes, sont au service de problématiques éthiques ou écologiques actuelles.

En 2008, l’artiste provoque de manière délibérée avec la série Jesus is my homeboy . L’art conceptuel a déjà permis d’abaisser beaucoup de barrières mais la religion reste un tabou protégé par les puristes. Dans une interprétation toute personnelle du christianisme, LaChapelle met en scène le Jésus d’aujourd’hui,. Il s’est posé la question « avec qui Jésus resterait sur terre si il revenait ? », et en regardant la Cène qu’il a réalisée, on comprend que ce serait non avec les « aristocrates ou les riches » mais avec les personnes dans le besoin. En dépit de la « décadence » de certains clichés, sa foi ne l’a jamais quitté et il nous présente désormais une des « versions les plus sereines de lui-même ».


Last Supper © Picturimage/Rino Noviello

 

Après l’achat de sa ferme à Hawaï l’artiste exprime son engagement pour l’écologie avec une série intitulée Landscape  qui occupe une place importante dans l’exposition. Désormais sortie de ce monde de surconsommation, l’artiste peut en faire une critique acerbe et engager une réflexion quant à notre consommation de carburant. Il se positionne à la place d’un archéologue qui reviendrait, des années après notre extinction, sur les ruines de notre civilisation. Stations services, usines et raffineries encore fumantes : les photos sont encore une fois colorées et vivantes malgré l’absence d’êtres humains. Comme à son habitude tout le travail de production est fait en amont et les clichés ne sont pas numériquement retouchés. Les maquettes sont toutes construites avec des matériaux recyclés tels que des gobelets, des pailles, des cannettes, etc. L’éclairage est la clef de la réussite, sans cela les images seraient sûrement mornes et peu attrayantes. Il reste fortement influencé par le travail qu’il effectuait dans le magazine Interview de Warhol, il fallait alors capter très rapidement le spectateur et lui faire cesser de tourner les pages.L’intensité et la saturation des couleurs, furent une réponse évidente à ce problème et est désormais la marque de fabrique de l’esthétique LaChapellienne.


Land Scape, Kings Dominion ©David LaChapelle

 

Roi de l’entertainment, David LaChapelle interpelle. « After the Deluge » présenté au BAM de Mons est l’occasion de revenir sur l’évolution de la carrière du photographe plasticien. Sa critique de la société contemporaine est acerbe et les thèmes sont actuels : religion,écologie, argent, moralités, etc. Son regard toujours ironique et centré sur l’esthétique, dédramatise la situation.

Les niveaux de lecture sont nombreux, chacun lit ce qu’il veut. Il est tout à fait possible de se contenter d’un plaisir esthétique et purement matériel ou de chercher une moralité plus profonde. Réels engagements ou coup de com’ lié à des thématiques à la mode ?La question reste ouverte et le visiteur est libre de ses croyances.

 

Charlotte Cabon--Abily

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