Gabriel Legeleux, alias Superpoze, est un jeune prodige de la scène électro française. C'est un auteur-compositeur, musicien, et surtout un artiste à part entière qui nous plonge dans l'univers de la fin du monde pour son deuxième album « For We The Living ». Pour ce thème peu joyeux au premier abord, Superpoze réussit à nous captiver et à nous immerger dans une esthétique sonore et visuelle de l'apocalypse.

« ForWe The Living » © Superpoze
 Ican't hear, Ican't feel the hours.Ican't see, Ican't breathe the air. »
©« A Photograph » Superpoze

 

L'album présente une vraie progression dans la catastrophe. Tout commence avec « Signal », titre dont l'alarme retentit pour nous annoncer la fin. L'album décompte le temps qu'il nous reste. La musique évolue lentement, le rythme est latent et provoque une tension dans la progression musicale. La succession des morceaux fait évoluer cette fiction de la fin du monde.

« Azur » présente l'urgence de la catastrophe, avec « Thousand Exploding Suns » le monde explose, c'est un cataclysme sublimé et fait en douceur. « The Importance Of Natural Disasters » termine la boucle, c'est le monde post-catastrophe. Idéalement, l'album s'écoute en entier et en respectant cette progression pour en apprécier toutes les nuances et subtilités.

« For We The Living » n'est pas seulement un album, c'est une œuvre polymorphe. Pour aller jusqu'au bout de l'univers de la catastrophe qu'il a créé, Superpoze a produit des vidéos en collaboration avec le groupe « Télévision ». Ces clips vidéos apportent une plus-value à la musique, elles accompagnent l'univers sonore par une esthétique visuelle et participent du fondement de l'album.

Les vidéos sont elles aussi captivantes, elles rendent le projet réel, ce sont des témoins de la fin du monde. En les regardant, on pourrait croire qu'il s'agit d'une image fixe, d'une photographie. En les observant, on perçoit des micros mouvements. Tout est ralenti,et cette lenteur de l'image et du son provoque une tension . Le spectateur devient alors plus attentif aux mouvements, à la vidéo. Superpoze nous livre un album qui s'écoute et se regarde, un album synesthésique.


« ForWe The Living » © Superpoze

 

La fin du monde a existé pour Superpoze et pour témoigner de cette apocalypse, l'artiste a mené un travail d'archéologie fictive. Pendant le tournage de ses vidéos, Superpoze a fouillé les sites, répertorié et archivé des objets qu'il avait trouvés ou utilisés. Il leur a attribué des numéros d'inventaire, les a numérisés et archivés. Ce travail permet de conserver les preuves réelles de ce récit imaginaire de la fin du monde que raconte Superpoze. Il associe lui-même le travail d'un compositeur à celui d'un archéologue.

En littérature, Orhan Pamuk avait déjà initié ce type de démarche avec « Le Musée de l'innocence » où tel un collectionneur il a inventorié des objets pour concevoir son musée idéal, sa fiction. Compositeur ou archéologue, dans les deux cas il s'agit de chercher des choses, les nommer, les classer. Le processus et la rigueur font le parallèle entre ces deux mondes apriori opposés et qui sont ici en harmonie.

Superpozea créé un album narratif où il nous raconte sa vision de la fin du monde. Pour aller encore plus loin dans sa démarche artistique, il était important pour lui de réunir toutes les composantes de son travail dans un seul et même lieu physique. Le musicien a donc monté son exposition à la Danysz Galerie à Paris. « For We The Living », du même titre que l'album, est une petite exposition qui présente l'ensemble des morceaux, vidéos, images, recherches et objets de la fin du monde fascinante de Superpoze.

L'exposition est dans une salle en sous-sol. Le visiteur est plongé dans une légère obscurité ce qui permet de profiter pleinement des vidéos présentées. Là encore, le parcours est progressif. La salle est un cube où le long des murs sont disposés 8 écrans, qui correspondent au 8 titres de l'album. Le visiteur passe d'un écran à un autre, il écoute les morceaux les uns après les autres dans l'ordre de l'apocalypse imaginée par Superpoze. Des casques sont mis à disposition pour s'immerger dans l’œuvre, dans le son et l'image.

Sous chaque écran, le cartel indique le numéro d'inventaire de la vidéo. Tout est répertorié. Une fois tous les titres écoutés et observés, le dernier mur expose une collection d'objets. Ces objets sont ceux récoltés par Superpoze pendant le tournage de ses vidéos, ce sont les preuves de son travail archéologique. Il s'agit de ce qui reste du monde après son bouleversement. Ces objets apparaissent alors comme les vestiges de cette fiction de la fin du monde. Fragments de roche, échantillon de terre, papiers sous pochette plastifiée, tout est pensé minutieusement. Le visiteur peut reconnaître certains objets car ils apparaissent dans les vidéos.

Espace Danysz Galerie, Cartel de « Signal », Collection d'objets exposés © C.D.

« OnThe Moutain Top », objets exposés, objets scannés © C.D.

 

Au centre de la salle, un piano avec les partitions des titres de l'album est mis à disposition. Le visiteur peut librement interpréter la fin du monde. Pendant la durée de l'exposition,d'autres musiciens ont été invités à investir cet espace pour réinterpréter l'album. Simples performances lives ou véritable moyen d'appuyer la démarche de l'artiste pour qu'après sa fin du monde l’œuvre subsiste, tout est cohérent. L'exposition est une space libre d'interprétation, elle transmet un passé fictif et s'ouvre à un avenir réel.

Espace Danysz Galerie, partition de « On The Moutain Top » ©C.D.

 

Un livret a également été conçu par Superpoze. Avec l'apparence d'un catalogue d'exposition, ce livre est plutôt un outil qui permet de comprendre plus précisément tout le travail mené pour cet album. C'est l'archivage de la collection de la fin du monde. On retrouve dans ce livret les objets récoltés et exposés dans la galerie et aussi d'autres éléments.

Tout a véritablement été répertorié : coordonnées GPS des lieux de tournage des vidéos, tests visuels, liste de numéros d'inventaire, photographies, scans, zooms sur des objets, collages. Tout est extrêmement précis et nommé. Superpoze présente son travail d'archéologie musicale. L'imaginaire de l'artiste est une expériences sonore, visuelle et intellectuelle.

Cette thématique de la fin du monde a souvent été traitée dans le cinéma ou encore la littérature. L'humain a cette tendance à être fasciné par ce qui sera sa fin. L’œuvre que propose Superpoze est très actuelle, il s'interroge sur nos problématiques contemporaines. Vers quoi allons-nous ? Que restera t-il de notre existence ? Superpoze réussit à sublimer la fin, ce n'est pas négatif mais au contraire c'est l'occasion de bâtir un nouveau monde.

 

Extraits du livret « For We The Living » de Superpoze. Pages 51 et54 « Compositing », page 7 « Locations »,page 29 « Scan tests » © C.D.
« Whenall is falling down allis falling down allis falling down... »
©« APhotograph » Superpoze

 

L'album :

1 Signal

2 For We The Living

3 Azur

4 Thousand Exploding Suns

5 On The Mountain Top

6 Hidden

7 A Photograph

8 The Importance Of Natural Disasters

 

L'exposition : du 14/10 au 28/11 2017 à la Galerie Magda Danysz, 78 rue Amelot, 75011 Paris.

En 2018 : vous pourrez entendre Superpoze au théâtre, il a composé la musique du nouveau spectacle « Hunter » de Marc Lainé.

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