Organisée à la cinémathèque française du 6 octobre 2010 au 16 janvier 2011, l'exposition Brune Blonde traite du thème de la chevelure telle qu'elle est perçue non seulement dans le cinéma mais également dans l'art.

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Cette exposition permet en réalité de voir comment le Septième Art intègre, retravaille et interroge les représentations féminines et les mythes présents dans les autres arts que sont la sculpture, la peinture ou encore la littérature, comme l’a expliqué le commissaire d’exposition, Alain Bergala. 

Depuis le début du cinéma, les cheveux ont toujours été très utilisés par les cinéastes car c’est la partie du corps humain la plus malléable et la plus simple (couleur, forme, gestes, coupes, etc.).

Si dès le XXe siècle, le cinéma impose toutes les modes capillaires, comme la blonde hollywoodienne, l’exposition remet en jeu la dualité brune/blonde. Aux débuts du cinéma jusqu’aux années 1930, la femme brune est la tentatrice, la bad girl alors que la blonde est la femme au foyer, la  « gentille ». C’est alors qu’Hollywood lance un nouveau mythe, un nouvel modèle de femme : la blonde tentatrice. La brune devient alors la femme au foyer, la femme sage.

Tout au long de la visite, le public peut suivre une brune qui n’est autre que le protagoniste du Millenium Mambo, Shu Qi. Elle l’attend à l'entrée sur l'écran qui surplombe la première porte et l’entraîne d'une pièce à l'autre, défilant dans un tunnel et laissant flotter derrière elle, sa chevelure.

La scénographe, Nathalie Crinière (dont le nom se prête au jeu) a souhaité diviser l’exposition en cinq parties :

  • Le Mythe : la chevelure nourrit l’imaginaire des XIXe–XXe siècles. Le visiteur passe des tableaux de Picabia à ceux de Rossetti, il y trouve la Lana Turner d’Andy Warhol, des films de David Lynch, de Luis Buñuel (avec Catherine Deneuve dans Belle de Jour : la blonde représentant la fragilité et la pureté enfantine...Ou la froideur et la perversion sexuelle), etc. Un écran géant décomposé en petits écrans, met en scène la blondeur souveraine affrontant sa rivale brune.
  • Histoire & Géographie de la chevelure : le cinéma dicte la mode capillaire depuis toujours. Dès la fin des années 30, Hitler récupère le mythe de la blondeur nordique pour l’utiliser à des fins raciales. Ce concept se répand aux États-Unis et en URSS et exclut les minorités de l’imaginaire national: les Noires et les Latino-américaines aux Etats-Unis, etc. Aujourd’hui, c’est le poids des modèles venus d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique latine qui fait tourner la mode et affaiblit le mythe et l’impérialisme de la blonde occidentale.
  • Les Gestes de la chevelure : voilée, dévoilée, relevée, lâchée, dénouée, brossée, ornée… la gestuelle de la chevelure féminine durant la seconde moitié du XIXe siècle est très riche en termes d’iconographie. Elle est immortalisée par des peintures, des sculptures, même des œuvres littéraires et le cinéma lui offre le mouvement. Il la rend ambiguë et capable de suggérer des sentiments contradictoires dans une même image. 
  • La Chevelure au cœur de la fiction (rivales, métamorphose, travestissement, relique) : cette pièce retrace les trois scénarios de la chevelure féminine. Le plus classique est la rivalité « brunes/blondes » que plusieurs peintres, photographes ou encore cinéastes ont tenté de mettre en exergue. Le cheveu devient dédoublement mystérieux chez Alfred Hitchcock et chez David Lynch. Le plus troublant est le travestissement ou la métamorphose. Les femmes se transforment en Méduse, en sorcière, en fleur ou en Ophélie flottant dans l’eau. Mais la chevelure peut aussi devenir funeste, avoir un coté reliquaire ou fétichiste, fantomatique ou spectral.
  • Vers l’abstraction (cheveu-matière) : c’est-à-dire, la chevelure comme vecteur de l’émotion à la place du visage: on le voit à travers les chevelures noires en tôles ondulées de Fernand Léger qui renvoient autant au matériau industriel qu’aux toisons opulentes de la grande peinture classique ou dans les cheveux blonds toujours en mouvement de Monica Vitti dans L’avventura de Michelangelo Antonioni.

Enfin, un cabinet photographique présente trois artistes : Man Ray, qui a mis en scène la chevelure comme une matière tactile, animée d’une vie plastique quasi indépendante, loin de tout naturalisme. Édouard Boubat, qui, a photographié de façon intime la chevelure des femmes de sa vie. Pour finir, Bernard Plossu (élève d’Edouard Boubat), qui fait plutôt partie de ces photographes qui prennent des photos spontanément, même à l’insu de ses sujets mais sans aucune vulgarité.

C’est une exposition tout à fait passionnante, rythmée et envoûtante ; certainement dû au fait qu’Alain Bergala a mis plus de vingt ans à aborder ce sujet. Dans le grand espace de la Cinémathèque, le public déambule facilement, contrairement à l’exposition Metropolis ou l’on peut se sentir plus à l’étroit. Ici, toutes les salles sont plus intéressantes les unes que les autres ; même si parfois, l’exposition semble un peu « fourre-tout ». Mais étant donné l’étendue du sujet, il ne faut pas être difficile. L’originalité dans certaines thématiques (comme la reconstitution d’un salon de coiffure africain de base) surprend chacun d’entre nous. Chaque visiteur doit s’attendre à retrouver les personnalités phares comme Brigitte Bardot ou Marylin Monroe (évidemment) mais la représentation d’actes poignants de la vie (des coupes à la garçonne voire rasées pour certaines femmes ou encore le fait d’ôter le voile).

Au cœur du parcours, des dispositifs sont installés afin d’accueillir deux à trois personnes pour visionner des extraits de films. Cela offre un espace de repos. Les jours de forte influence, il ne faut pas s’attendre à avoir sa place. Pour finir, c’est une exposition très plaisante à parcourir malgré le manque de témoignages de coiffeurs de stars, de coiffures de westerns, de chevelure masculine et surtout, de comique. Il est vrai que l’on aurait pu attendre des clichés comme dans Mary à tout prix. Et une question persiste… qu’en est-il des rousses ?

Enfin, un cycle de six conférences a été organisé afin de décrire et de présenter les enjeux de l'exposition, ainsi qu’une programmation de films (nous sommes à la cinémathèque, tout de même !). De plus, une exposition virtuelle permettait un prolongement de la visite.

 

Célia HANSQUINE