Les épisodes se suivent dans Black Mirror mais ne se ressemblent pas. À chacun son récit, son ambiance et ses personnages. Les histoires, indépendantes les unes des autres, ont pourtant un point commun: elles anticipent une société dystopique liée à l'usage des nouvelles technologies. Black Mirror questionne l'influence de ces innovations sur l'espèce humaine. Intelligence artificielle, addiction à la culture du « like », réalité virtuelle ou encore robotisation, la série aborde des thèmes d'aujourd'hui et de demain. Le futur dépeint, parfois très proche de la réalité, ne laisse pas indifférent. Souvent noirs et satiriques, les épisodes qui entrent en résonance avec notre époque actuelle encouragent l'auditoire à réfléchir.

black museum

 Black museum, S4E06 © Twitter BlackMirror

 

Unique en son genre, la série anglaise a su très vite me conquérir. C'est avec joie et impatience que je découvrais en ce début d'année les six nouveaux épisodes. Le dernier a retenu toute mon attention, non pas pour ses qualités de réalisation ou de jeux d'acteurs, mais parce que l'action se déroule dans un musée quelque peu déroutant: le musée du crime ! Un choix de scénario qui m'invite à faire le parallèle entre cette fiction et les musées existants.

[Attention spoiler] L'épisode commence. Nous découvrons une jeune fille à bord de son auto dans un décor qui évoque assurément les États-Unis. Nish s'arrête aux abord d'une route non loin de laquelle se trouve Black Museum. À première vue nous nous demandons qu'est-ce qu'un musée peut bien faire là, dans un endroit si reculé et désertique. Bâtiment sombre, lieu dépeuplé, l'extérieur n'est que très peu accueillant et le lieu semble presque abandonné. Pourtant l'enseigne visible de loin, blanc sur fond rouge, nous rappelle qu'il s'agit d'un musée. Nish, après avoir attendu devant une porte close est accueillie par Rolo Haynes, le conservateur et propriétaire des lieux. Débute alors la visite de la jeune fille accompagnée de ce dernier qui prend alors le rôle de guide-médiateur. À l'image de l'extérieur, l'intérieur est vide : aucun visiteur ni personnel. Nous découvrons avec Nish un lieu d'exposition qui au premier coup d’œil ne comporte rien de surprenant. Sur les murs sombres quelques vidéos, galerie de ''masques'', etc. Des objets, mis en valeur par l'éclairage, sont aussi présentés sous des vitrines de verre avec un cartel numérique. La surprise réside dans le fait qu'il s'agisse d'artefacts criminologiques authentiques.

 

black museum, Nish, désert

 Black Museum © Black Mirror

 

Black museum, intérieur

 Black Museum © Black Mirror

 

Le goût pour le morbide

Black Museum est un lieu qui regorge d'histoires sordides peu à peu révélées par le conservateur. Baignoire et tablette numériques ensanglantées, machines étranges, vidéos de détenus, rien d'étonnant quand on sait qu'il s'agit du musée du crime. Ce lieu semble bien plus réel qu'il ne l'est. The Crime Museum, anciennement nommé The Black Museum, existe lui bel et bien à Londres. Il abrite les pièces à conviction des crimes (armes, masques mortuaires, articles...) qui ont agités l'Angleterre. Mais le musée est seulement accessible par les membres de la police dans le cadre de conférences. Si le musée londonien n'est pas ouvert au public, le musée fictif de la série nous invite à nous interroger sur l’existence et la légitimité de certains musées : peut-on et doit-on tout exposer ?

A priori le musée du crime de Black Mirror est ouvert à tout public et le conservateur n'a aucun scrupule à exposer des objets aux lourds passés. Rolo révèle par exemple l'histoire d'un casque révolutionnaire. L'appareil, apposé sur la tête des patients, permettait aux médecins de ressentir et d'identifier la douleur de celui-ci. L'un des professionnels devenu très vite accro à la souffrance finit par poignarder un sans-abri pour sa satisfaction personnelle.

Il existe, en France et dans d'autres pays, des musées pouvant s'apparenter à celui imaginé. On trouve des musées de la torture dans différentes villes comme à Carcasonne, Amsterdam et San Gimignano en Italie. Pinces à tétons, vierges de fer, cage en fer et siège à piquants. Tant d'objets qu'on aurait préféré ne pas connaître. Plus effrayant encore, le Musée de la mort à Hollywood. Des photographies de serial killers, de têtes décapitées et de bébés morts, ainsi que des films d'exécutions y sont exposés. Difficile à y croire tant le propos est douloureux et macabre.

Cette proximité du musée imaginaire de Charlie Brooker avec le monde réel ne laisse pas indifférent. Bien que Black Museum insiste sur l'aspect obscur du lieu avec des pièces sombres et une atmosphère particulièrement lugubre, le spectateur est invité à se questionner sur ce qu'on lui donne à voir.

 

black museum

 Objets du Black Museum exposés au Musée de Londres en 2015 © Museum of London

 

La technologie: pour une expérience plus que réelle

 

L'affranchissement du réel réside dans l'innovation technologique présentée. Comme en témoigne encore l'épisode Black Museum, Black Mirror anticipe sans cesse les potentielles évolutions techniques. La dernière vitrine présentée par le conservateur propose aux visiteurs une manipulation des plus étonnantes : activer une décharge mortelle à un ancien condamné à mort matérialisé par un hologramme. Sa douleur, ses émotions sont comme réelles puisque la conscience du détenu fut transférée en code informatique. Frisson, compassion puis réflexion. Technologie dans les musées, mais quelles en sont les limites?

Faire vivre une expérience intense et unique aux visiteurs, telle est devenue la devise de certains musées. C'est ainsi qu'ouvre en 2017 un musée-parc d'attraction, Le MM Park, sur le thème de la Seconde Guerre mondiale près de Strasbourg. Tir à la carabine,  simulateurs et parcours militaire créent la surprise et l'amusement. Mais la technologie semble être la solution du futur, déjà adoptée par beaucoup de musées. Le virtuel par exemple devient peu à peu le meilleur allier du réel et entraîne les visiteurs au cœur d'une expérience sensorielle et immersive. La réalité virtuelle, qui ne cesse de se développer, fait bien évidemment écho à Black Museum. En décembre 2017, le Muséum national d'Histoire naturelle de Paris s'est d'ailleurs doté d'un cabinet de réalité virtuelle permanent. Est alors proposé aux visiteurs un voyage fictif au cœur de l'évolution. L'expérience est totale et immersive, à tel point qu'on en oublierai la nature du projet. Si la technologie se développe et s'impose peu à peu pour être utilisée à bon escient dans les musées, Black Musuem nous en rappelle les dérives et les méfaits.

 

Black museum, réalité virtuelle

 Cabinet de réalité virtuelle, MNHN © Olaf Avenati, Charles Renault

 

Le génie de la série réside dans cette évocation d'un futur toujours très proche, voir déjà présent. Black Musuem est loin d'être mon favori, mais reste sans aucun doute un des épisodes qui m'a le plus terrifié. D’une brutalité crue mais étonnamment pertinente, cette histoire invite à méditer sur l'Homme et sur nos musées d'aujourd'hui et de demain.

 

C.V

 

#BlackMirror
#BlackMuseum
#Netflix

Pour les abonnés : https://www.netflix.com/fr/