On apprend à aimer et à comprendre la nécessité et l’infini des possibles du travail en groupe dans ce Master, mais personne n’avait prévu que cela doive se faire à distance. 

  

J’écris en pensant aux étudiantes ayant appris la muséographie sur les bancs de la faculté d’Arras, dans notre salle bleu canard. Ma promotion s’accorderait pour dire que ce Master d’Expographie et de Muséographie nous apprend beaucoup. Réfléchir au contenu d’une exposition. Apprendre à rédiger un synopsis, un programme muséographique, un cahier des charges pour nos collègues et néanmoins ami.e.s scénographes. Apprendre, par le biais de workshops intensifs, à conditionner des œuvres pour les réserves d’un musée. Apprendre à concevoir une médiation, parfois même en anglais. Ré-apprendre à aimer écrire. Et bien d’autre choses encore. Mais ce que ce Master nous apprend avant tout, c’est à travailler en équipe, à réfléchir ensemble, à penser à plusieurs. En tout cas, moi, c’est ce que j’ai appris à aimer cette année. Ou pendant les sept mois pré-bouleversement de nos vies. Un soir, la nouvelle est tombée, les facs fermaient leurs portes à compter du lundi suivant. Puis le frère d’une amie d’enfance qui travaille dans une librairie et dont l’oncle a des connaissances dans différents ministères a eu l’info par sa voisine que le confinement total allait être prononcé prochainement. Entre fake news, réelle angoisse et insouciance, j’ai attrapé les affaires qui m’étaient chères, des livres pour travailler et des livres pour m’évader, prévu une liste de séries à binge-watcher puis j’ai sauté dans un train et quitté pour une durée indéterminé le soleil des Hauts-de-France. Une boule immense de stress dans le ventre. Et le cœur moins léger d’avoir laissé derrière moi des amies et cette précieuse cohésion de groupe. 

 

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Dessin autoportrait de Lorette en pleine ébullition ⓒ Lorette

 

Le marché de la visioconférence/apéro a explosé. Mais moi, voir des têtes familières sur un écran sans pouvoir réellement communiquer, sans pouvoir réellement échanger, ça ne m’amuse pas beaucoup.  Les rires sont tristes, les silences pesants et les non-dits lourds de sens. Parce que même sur le plus sophistiqué des logiciels, ces rendez-vous ont un goût amer. 

 

La vie des musées est elle aussi bien plus compliquée

 

Un public vous manque et tout est dépeuplé. Les couloirs et les salles sont vides. Les montages d’exposition sont à l’arrêt. Les vernissages n’ont pas eu lieu. Les conventions de prêts pour les expositions à venir sont plus complexes à établir. Nous autres étudiant.e.s débutons nos stages dans d’étranges conditions. Télétravailler avec des ami.e.s n’est pas simple. Mais avec des inconnu.e.s ! C’est particulier. On essaie tant bien que mal de se familiariser avec des visages pixélisés. On essaie de composer avec les aléas de la visioconférence.

 

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Visuel du Podcast du département de l'Isère ⓒ Département de l’Isère

 

Les musées auront tout de même su rebondir dans ces temps un peu tristes et un peu gris. Les espaces d’expositions n’accueillent plus de visiteurs mais les réseaux sociaux prennent la relève. Le Musée Dauphinois de Grenoble propose à ses publics de laisser la culture s’inviter chez eux. Les publics confinés ont la possibilité de partager leur dessin d’animaux imaginaires de la montagne, de découvrir des objets phares de leur collection et d’écouter le podcast des musées confinés, premier podcast des musées du département de l’Isère. Trois épisodes vous proposent d’en apprendre plus sur Rose Valland, à qui le musée dédie en ce moment l’exposition Rose Valland, En quête de l’art spolié.  

« La vie continue » donc et le travail avec. Mais travailler en équipe, réfléchir ensemble et penser à plusieurs, par écrans interposés, c’est beaucoup moins amusant. Entre les « tu peux répéter ? », « ma connexion a coupé », « mon micro ne fonctionne pas », la vivacité des échanges est freinée et les litres de café et les mégots de cigarette n’en finissent plus de s’accumuler sur le bord de la fenêtre. La vie continue, certes, mais dans quelles circonstances.

 

Guide de survie en télétravail

 

J’écris ce texte à la veille du déconfinement et je crois maintenant m’être suffisamment apitoyée sur mon sort. Je n’ai pas la prétention d’apporter LA solution pour réussir à travailler au mieux à distance. Je n’ai pas non plus la prétention de me lancer dans un plaidoyer enflammé sur les bienfaits du contact humain, du travail en groupe et de la liberté. D’autres l’ont fait et je n’ai pas de pierre à apporter à l’édifice. Si ce n’est : c’est vraiment super ! 

Alors pour éviter de rester sur une touche amère, pour affronter le déconfinement, qui n’est pas un retour à la liberté (#restezchezvous) et si d’aventures, cette situation venait à se renouveler, voilà ci-après, un guide qui permet de rester positif.ve. Je crois. 

 

1. Dors. Réveille-toi. Fixe le plafond. Attends que la vie passe. Introspecte-toi. Fixe le plafond encore. Oui il y a une drôle de tâche sur le coin du mur. Oui c’est sans doute une araignée. Ne panique pas. Dors.

2. Lis. Beaucoup. Une chambre à soi, des livres sur les musées ou l’abécédaire des Alpes qu’importe, occupe ton esprit par des mots. Ils nourrissent aussi bien que le pain.

3. N’écoute pas les contenus de développement personnel qui te diront de réfléchir à tes addictions. Tu tenteras d’y mettre un terme plus tard. Pas maintenant. Là ce n’est pas le moment.

4. Installe Instagram sur ton GSM. Va suivre le contenu de BarbaraButch. En réalité va suivre tous les comptes militants féministes et queer pro-sexe qui prône la convergence des luttes. (Je profite de ce guide pour militer moi-même, parce que la lutte n’attend pas).

5. Binge-watch ou savoure tes séries. De toute façon tu sais que tu t’arrêteras à l’avant-dernière saison. Fais-le simplement sans culpabiliser.

6. Relis les cinq premiers points. Souffle. Tout va bien. Dis-toi que tout ce que tu as lu, regardé, compris, aimé ou détesté sont les sujets des nombreuses discussions enflammées que tu auras une fois le déconfinement terminé.

7. Ne désinstalle pas Instagram de ton GSM ! Va suivre le contenu de Décolonisons-nous. En réalité, va suivre tous les comptes militants qui t’aideront à engager le long chemin de la déconstruction. Pour une société plus juste, sans hiérarchie, sans rapport d’oppression. (Cf point 4 : La lutte n’attend pas).

8. Désinstalle BFMTV en revanche. Et ne regarde pas trop les informations. De manière générale, ne t’aventure pas trop dans les chaînes de télévision. Tu pourrais tomber sur une chaîne qui diffuse des messes en direct. (La chaîne KTO, si, si, ça existe).

9. Ecoute, ré-écoute, ré-écoute encore les musiques sur lesquelles tu as des souvenirs impérissables. Quitte à danser seul(e) dans ta salle de bain. Non il n'y a pas de honte à avoir. Personne ne te regarde. Tout le monde est chez soi.

10. Rappelle-toi que non, le confinement ne nous aide pas à « prendre le temps de prendre le temps » et à « renouer avec les choses simples de la vie ». Qu’est-ce qu’on avait dit sur les contenus de développement personnel ? Relis le troisième point.

11. Relis le tout. Je sèche, je n’ai plus de conseils avisés. Parce qu’on brode tous avec ce qu’on a, qui on est, ce qu’on aime et ce qu’on aime moins. 

 

Manon Lévignat

#télétravail

#muséesconfinés

#restezchezvous

 

Liens vers le podcast des musées confinés : https://musees.isere.fr/actu/musee-dauphinois-ecoutez-ya-rien-voir-le-podcast-des-musees-confines