Avec la fermeture des lieux d’exposition et la baisse significative des ventes aux enchères, beaucoup d’artistes-plasticiens se retrouvent démunis face à cette situation inédite. Et si l’une des bonnes résolutions du « monde d’après » est de respecter l’application du droit d’exposition ?

 

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Vue de l’exposition Voyage au centre de la terre, 2018. © AGR

 

A quel besoin répond-t-il ?

 

Les artistes-plasticiens au même titre que les auteurs littéraires ou les compositeurs de musique, réclament une rémunération dans le cadre de la présentation au public de leurs œuvres par le biais d’une exposition monographique ou collective. Tout d’abord il est important de rappeler que la propriété d’une œuvre est indépendante des droits d’auteur qui y sont liés. Dans cette situation, l’exposition de l’œuvre et sa présentation au public doit être autorisée par son auteur.  

Les artistes-plasticiens dénoncent le fait que des institutions culturelles exposent leurs œuvres et en retirent des bénéfices en excluant de les rémunérer. Parfois, le droit d’exposition est cédé par l’artiste à l’institution au moment de l’acquisition de l’œuvre. Dans ce cas, le prix compense la perte des droits d’exposition pour l’œuvre acquise. Ce cas de figure étant assez rare, les artistes-plasticiens se retrouvent souvent lésés. Or, cette rémunération est essentielle pour l’économie des artistes en leur permettant un revenu minimum pour chacune de leur exposition. De plus, cela permet de soutenir la création et la production de futures œuvres.

 

Que dit la recommandation du Ministère de la Culture ?

 

En décembre 2019, la direction générale de la Création artistique du Ministère de la Culture a publié une recommandation intitulée « Une rémunération du droit de représentation publique » qui encourage à octroyer une rémunération encadrée pour les artistes-plasticiens lors de la présentation publique de leurs œuvres lors une exposition monographique ou collective.  Cette recommandation a été rédigée par un groupe de travail composé par des acteurs du monde de l’art : le service des Musées de France, le service des Arts plastiques, les deux organismes de gestion collective du droit d’auteur (ADAGP et SAIF), les associations Platform pour les FRAC (Fonds régionaux d’art contemporain), D.C.A et Tram pour les centres d’art, ainsi que le CIPAC pour l’ensemble des professionnels de l’art contemporain. Ces structures défendent de leur mieux les intérêts des artistes, toutefois les principaux intéressés n’étaient pas présents autour de table. 
 
Cette recommandation a abouti à un barème minimum de droit d’exposition pour les artistes plasticiens selon le type d’exposition (monographique ou collective) : 
  • Pour une exposition monographique, l’artiste-plasticien touche 1 000€, quelle que soit la durée de l’exposition et le nombre d’œuvres exposées.
  • Si l’exposition bénéficie d’une billetterie payante, l’artiste-plasticien touche 3% des recettes de la billetterie si elles excèdent 1 000€.
  • Pour une exposition collective qui présente plus de 10 artistes, une rémunération minimum de 100€ est allouée pour chaque artiste-plasticien.
  • Si l’exposition collective présente moins de 10 artistes, la somme de 1 000€ sera partagé par le nombre d’artistes exposé.

En avril 2020, l’association D.C.A (Association Française de développement des centres d’art contemporain) a été la première à proposer un code des bonnes pratiques concernant la rémunération pour les droits d’exposition et à garantir son application par ses membres. Les FRAC jouent aussi le jeu « La part de la rémunération relevant du droit d’auteur de l’artiste, dénommée “droit d’exposition”, sera désormais mentionnée et identifiée dans le cadre de la rémunération des artistes par les FRAC », comme le précise Julie Binet la secrétaire générale de Platform.

 

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Vue de l’exposition Gigantisme – Art et Industrie, 2019. ©AGR

 

Quels freins au respect de son application ?

 

Un des principaux freins à l’application de la rémunération pour les droits d’exposition réside dans le fait qu’elle est « recommandation ». En effet, peu d’institutions culturelles se sentent concernées par le respect de cette recommandation hormis les établissements et les structures labellisées bénéficiant d’un soutien du Ministère de la Culture. Or, ces structures et établissements labellisés sont essentiellement les FRAC et les centres d’art qui respectent la rémunération des droits d’exposition alors qu’ils n’ont pas bénéficié d’un ajustement de leur subvention. 

L’idée en utilisant le terme de « recommandation » était de responsabiliser les organisateurs d’exposition et non pas de leur imposer la rémunération du droit d’exposition. Pourtant, tant que cette rémunération ne sera qu’une « recommandation » les institutions les plus imposantes ne se saisiront pas de l’urgence de la situation. Sur ce sujet Nicolas Vulser ironise « Ces établissements publics ou même privés, prompts à s’auto-féliciter de drainer des millions de spectateurs, paient leur électricité, mais ne trouvent pas un centime pour les créateurs ». 

D’autres critiquent l’idée que les institutions culturelles doivent payer un droit pour exposer leur propre collection. 

Le Journal des Arts rapporte une évaluation des coûts pour l’application de la rémunération des droits d’exposition pour les établissements sans billetterie qui montre que « Sur la base d’une rémunération de 1 000 euros, le coût pour les Frac et centres d’art s’élèverait chaque année respectivement à 153 000 euros et 173 000 euros pour les expositions monographiques. Pour les musées de France, le coût annuel total des expositions monographiques et collectives a été chiffré à 182 000 euros. »

 

Et les artistes ?

 

Certains dénoncent la rémunération trop basse proposée par la recommandation du Ministère de la Culture. D’autres voient cette recommandation comme encourageante, surtout si elle est mise en place dans les institutions où le droit d’exposition n’était pas déjà appliqué. La bataille juridique pour les droits d’exposition n’est donc pas gagnée pour les artistes même s’ils sont encadrés légalement par la recommandation du Ministère de la Culture. En effet, les artistes mènent aussi un autre combat pour être rémunérés dans le cadre des droits de reproduction de leurs œuvres lorsque celles-ci sont reproduites par des institutions culturelles pour des catalogues, brochures, etc.  
Ainsi, un équilibre doit être trouvé entre chaque acteur afin de continuer à proposer des expositions assez nombreuses pour les artistes tout en intégrant au budget des expositions la rémunération pour le droit d’exposition.

 

Axelle Gallego-Ryckaert

 

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Voici une vidéo pour en savoir plus sur le débat autour du droit d’exposition : https://www.arte.tv/fr/videos/094932-000-A/le-droit-d-exposition-des-artistes-enfin-reconnu/