Pendant la pandémie, plusieurs lieux culturels ont été occupés par les employés, les syndicats, les intermittents. Si la plupart des occupations ont commencé avec les hauts lieux de l’art vivant, des alternatives ont été éprouvées dans d’autres sites : à Grenoble, après l’occupation de la MC2, une vélorution (manifestation à vélo) a mené les contestataires à la Superette… 

Image d'en-tête : Fin de la Vélorution et ouverture des porte du Magasin afin de l’occuper © A. Savarino

 

Alors que le covid avait empêché l’ouverture de certains lieux considérés comme non essentiels et que d’autres comptaient rouvrir grâce au dé confinement, le Magasin, Centre National d’Art contemporain, ou encore appelé le Magasin des Horizons a du fermé boutique pendant plus d’un an déjà. Ce n’est pas la première crise que connaît ce lieu d’art contemporain. En effet, les directeurs et directrices en ont fait voir des couleurs à ce lieu. La dernière tuile en date concerne le bâtiment lui-même, une friche industrielle, considéré comme délabré, ne permettant pas d’ouvrir ces portes au public.

Le 17 Avril 2021, « un rassemblement d’artistes, d’habitant.e.s du quartier, de militant.e.s, de chercheur.euse.s a rouvert les portes du Centre National d’Art contemporain, le Magasin. À cette occasion, ce lieu culturel a été renommé La Superette. »

Le CNAC reste malheureusement fermé malgré les échanges et négociations avec la mairie. Ils s’installent donc devant, sur la grande esplanade.

Au fil des jours, des lettres sur les portes bleues du Magasin donnent le ton. Deux pancartes sont affichées : « rouvre 7/7 » et « changement de propriétaire ». Le collectif « les amis du Rouvre » s’organise et crée un espace d’expérimentation devant le parvis. Dans un « CDD choisi », ils désirent :

« – faire vivre un lieu abandonné depuis plus d’un an. Essayer de nouvelles choses, être un espace de diffusion, de création, être un.e ami.e pour les milieux associatifs du quartier et surtout pour les gens.

– mettre en avant les problèmes internes liés à la gestion du Magasin, bien connus depuis longtemps et relayés dans la presse1.

– questionner les modes de gouvernance opaques des institutions culturelles. »

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Performance de Laurent Faulon © A. Savarino

 

Malgré quelques jours de pluie, de grandes feuilles permettent l’organisation de la semaine à venir. Qui veut proposer quelque chose peut le partager. L’autogestion reste un point fort de cette manifestation. Les gouvernances complexes du passé du lieu ont motivé les personnes à faire fonctionner la Superette différemment. C’est dans les petits gestes, l’attention envers l’autre et l’écoute que se produisent des ateliers, performances, karaoké, match de foot…

En effet, pendant un mois, le collectif s’organisent, installent parasols et banc. Une diversité d’activités à lieu : « initiation aux cyanotypes, de la broderie féministe, une construction collective de cages de foot, une découpe de patates pour des frites en cornets, un atelier d’écriture et de lectures de textes tristes en coupant des oignons, une performance véhiculée d’un artiste franco-suisse 2. » Des invitations ont aussi lieu pour permettre à des personnes de montrer leurs travaux d’art en cours.

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Capture d’écran du compte Instagram de la Superette © Instagram

 

Mais c’est aussi grâce au BRAC (leur Bureau Rédactionnel des Affaires Conventionnables) que des tables de négociation sont érigées afin de questionner les gouvernances des lieux et leur rapport avec le territoire ainsi que les spécificités du travail artistique et les relations avec le territoire. C’est alors qu’iels créent la C.R.É.A.L.A, soit la Convention de Résidence d’Expérimentation d’Autogestion d’un Lieu Artistique 3 :

« Cette C.R.E.A.L.A est pensée comme une forme en soi, une forme de résistance.

Les Ami·e·s du Rouvre jouent le jeu de l’institution, de l’administratif, des articles numérotés et des pages paraphées pour en souligner l’absurdité. La Supérette est une performance artistique et se saisit de cette convention pour réaffirmer ses exigences, et inverse les rapports de force en affirmant cette expérimentation d’un mois comme un don public. » 4

La présidente du conseil d’administration du Magasin est descendue depuis Paris pour rencontrer les Ami·e·s du Rouvre. Malgré une longue discussion sur une manière alternative de gérer un lieu d’art, la rencontre n’a rien donné. Le langage n’était pas le même de chaque côté. La tentative d’une nouvelle forme de gestion et d’expérimentation a été ignorée et méprisée. Une sourde oreille.

C’est alors que la Superette a fêté son anniversaire d’un mois et le Magasin s’est refermé. Les CCD ont pris fin, et les activités se sont délocalisées. Si de belles envies et propositions ont vu le jour, c’est un petit mur de briques qui s’est dressé devant les portes bleues du Magasin.

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Jour de fermeture de la Superette et son mur de briques © Séverine Cattiaux – Place Gre’net

 

Pour plus d’infos :

https://lasuperette.info/


Aphélie Savarino

 

1 Voici quelques liens : https://www.lepostillon.org/Le-Magasin-doit-il-fermer-boutique.html ; https://www.lemonde.fr/culture/article/2021/03/16/au-magasin-centre-d-art-de-grenoble-les-crises-s-enchainent_6073282_3246.html ; https://www.lejournaldesarts.fr/creation/rien-ne-va-plus-au-magasin-le-centre-dart-de-grenoble-153626
https://lundi.am/La-superette
https://lasuperette.info/260-2/
https://lundi.am/La-superette

 

#occupation #autogestion #culture