Comment mettre en lumière Busan, candidate à l’Exposition Universelle de 2030 ? 

 

En 2021, la Corée du Sud a inscrit la ville de Busan comme candidate à l’Exposition Universelle de 2030 auprès du Bureau International des Expositions. Depuis, dans cette optique, de nombreuses actions sont menées par le gouvernement sud-coréen pour promouvoir la ville de Busan par-delà les frontières.

Busan est une ville au sud-est de la péninsule ; elle abrite un port international d’importance. Le choix de cette ville est essentiel et souligne l’ouverture du pays vers l’extérieur : un choix politique, économique et culturel. Sa situation géographique est essentielle face à la mer, élément que le visiteur peut observer dès son arrivée.

De mai à septembre 2023, le Centre Culturel Coréen de Paris a relevé un challenge : mettre en lumière et présenter Busan dans le cadre d’une exposition temporaire.

 

La technologie au cœur du parcours de visite

La construction du parcours de visite prouve au visiteur que la Corée est une puissance moderne et innovante. Busan nous est présentée comme une ville entre tradition et modernité grâce à de nombreux dispositifs numériques disposés dans les espaces d’exposition et particulièrement au rez-de-chaussée.

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Vue de l’exposition © CM

 

Un paravent dans sa symbolique est un écran ou un passage entre les différentes temporalités et les espaces.

Un « paravent digital » est l’un des premiers éléments qui accueille le visiteur. Le paravent permet à la fois de dissimuler la suite de la visite et en même temps de donner envie d’aller plus avant et de le contourner, pour partir à la découverte de l’exposition, de Busan et de la Corée. La scénographie s’inspire de l’habitat traditionnel coréen en reprenant un élément de mobilier incontournable de la vie quotidienne, comme j’ai pu en admirer au Musée Guimet dans la collection coréenne. 

Cet élément du mobilier coréen est constitué de cinq écrans ou cinq tableaux virtuels animés, fruit du travail de l’artiste Kim Jaewook. Ce dernier a brossé un portrait moderne de Busan et de ses principaux monuments de manière atemporelle. Le visiteur est invité à s’asseoir pour prendre le temps d’admirer ces paysages digitaux. Il peut y découvrir l’identité bien spécifique de la ville, une géante composée de plus de 3 millions d’habitants. Constituée de 15 arrondissements, elle était, pendant un moment, considérée comme la capitale de la Corée.

 

L’art au centre de l’exposition

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Vues de la salle « Busan à l’heure de l’intelligence artificielle » © CM

 

Le paravent, une fois contourné, ouvre alors une perspective sur un second espace dédié au monde virtuel dans la salle d’exposition suivante. Ce sont cette fois des NFT « Non Fungible Tokens » qui investissent la salle. Les œuvres digitales de huit artistes sont accrochées sur les murs, toutes inspirées par des ambiances de la ville de Busan. L’écran du fond est différent car il représente une véritable mise en abime de la salle.

Les artistes coréens, américains et français, sollicités par le Centre Culturel Coréen Agoria, Booyasan, Bosul Kim, CSLIM, Ivona Tau, JuneK, HyeGyung Kim et Sasha Stiles proposent des compositions artistiques numériques.

 

Pour poursuivre le parcours, le visiteur traverse une « AR Photozone » une zone conçue pour être filmée grâce à la réalité augmentée. Ce dispositif permet au visiteur de voyager en Corée virtuellement et d’immortaliser ce moment en publiant les images capturées sur les différents réseaux sociaux avec les hashtags appropriés.

Ces espaces du rez-de-chaussée, restent placés sous le signe du numérique et démontrent que la Corée est un pays à la pointe de la technologie. La revendication est très nettement marquée et cela transparaît dans la muséographie choisie. Le visiteur découvre une exposition « culturelle et mémorielle ».

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Vues de l’AR Zone (zone en réalité augmentée) © CM

 

Une immersion dans la Corée des années 50 grâce à la reconstitution

Le Centre Culturel Coréen a également opté pour le parti pris de la reconstitution afin d’immerger le visiteur dans la Corée d’autrefois. De nombreux objets ont été collectés par l’équipe pour recréer des espaces aux ambiances uniques bien loin de la Corée d’aujourd’hui incarnée par la K-pop. Au rez-de-chaussée, c’est un café/salon de thé qui a été reconstitué à l’identique. Vinyles, vieux livres et magazines d’époque ont été rassemblés dans cet espace pour recréer l’ambiance du lieu. Certains professionnels de l’équipe ont contribué à cette collecte d’objets anciens en y ajoutant leurs effets personnels : le collectif est au service du pays, de la nation. Ce café a même été ouvert une dizaine de jours pour faire découvrir les saveurs de Busan.

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Vue de l’exposition © CM

 

A l’étage, le visiteur peut entrer dans le célèbre café « Mildawon ». Ce café est caractéristique de l’époque de la Guerre de Corée, période tragique de l’histoire marquée par un exode important de réfugiés vers la ville portuaire de Busan. Dans cette deuxième plus grande ville de Corée s’est alors développée toute une vie artistique et culturelle et notamment grâce à ces cafés/salons de thé. Au cours de cette période sombre de l’histoire, ces lieux ont permis à la population de se réunir et de s’adonner à des activités artistiques et créatives, d’où l’importance de reconstituer ces endroits symboliques où le visiteur va pouvoir déambuler comme s’il se trouvait un peu chez lui grâce aux objets présentés dans un lieu familier, un salon.

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Vues de l’exposition © CM

 

Une mise en exergue des traditions et de la vie quotidienne : une exposition sociale

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Vues de l’exposition © CM

 

Au sein de l’exposition, les vitrines et les cartels sont mis en parallèle avec des photographies d’archives, des écrans, des images projetées qui représentent la réalité des conditions de vie des Coréens : dans les usines, la réparation des bateaux au port par les femmes. Les objets visibles dans les vitrines sont mis en lien avec leur fonction et surtout leur lieu de fabrication.

 

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Vues de l’exposition © CM

 

Frétillante Busan est une exposition à la présentation dynamique. Les panneaux qui abordent l’art culinaire coréen sont introduits aux visiteurs de manière originale : les bols, les récipients, les coupelles sont accrochées en relief, les plateaux de table sont quant à eux fixés à la verticale. Cela donne aux visiteurs une perspective déroutante.

La thématique de l’alimentation et des ressources halieutiques est mise en valeur avec des dispositifs avec des témoignages de travailleurs projetés sur écrans. La scénographie permet de rendre vivants les objets disposés et les coquillages dans les récipients, à travers les reportages proposés sur les écrans.

 

Une exposition caractéristique du Soft-Power coréen

La Corée du Sud connaît aujourd’hui une popularité accrue notamment grâce au phénomène hallyu ou vague coréenne et grâce à l’industrie de la K-pop. La péninsule est connue internationalement à travers le monde dans d’autres domaines tels que le cinéma ou encore la gastronomie. « Portée par les succès industriels de Samsung, LG ou Hyundai à partir des années 1990, la Corée du Sud a rejoint les « dragons asiatiques » et gravi les échelons du capitalisme mondial. En cinquante ans, ce territoire considéré comme l’un des pays les plus pauvres du globe est passé au rang de onzième puissance économique mondiale, balayant la planète de son irrésistible soft power. » (Le Nouvel Observateur, 2019)

Les actions menées pour promouvoir Busan dans le cadre de sa candidature à l’Exposition Universelle de 2030 offrent l’opportunité à la Corée de rayonner encore davantage et de diffuser un certain Soft-Power par le biais d’expositions comme Frétillante Busan, le monde à portée de flot. Le pays du matin clair veut montrer au monde qu’il est devenu une puissance mondiale à la suite du miracle économique.  « En 1910, quand l’Empire colonial japonais annexe la Corée, c’est à Busan qu’il amarre et débute sa conquête. Captive pendant trente-cinq ans, la ville se modernise malgré elle. Jusqu’à l’indépendance, en 1945, ses habitants sont privés du droit de parler leur langue et sont forcés d’abandonner leurs noms au profit de patronymes nippons. Les industriels d’Osaka ont même essayé de leur interdire de porter du blanc – la couleur traditionnelle des vêtements – pour écouler un stock embarrassant d’étoffes colorées. » (Le Nouvel Observateur, 2019)

La Corée souhaite également partager des nouvelles valeurs modernes écologiques, se placer en avant-garde, en prônant une exposition qui se veut moins polluante, tout en alliant adroitement les nouvelles technologies.

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Vues de l’exposition © CM

 

Loin d’être une exposition figée sur le passé ou centrée sur la modernité, l’objectif muséal ici est de mettre en exergue la force, la volonté et le dynamisme d’un petit pays incarné par la ville de Busan, qui a su tirer les enseignements du passé pour se tourner vers l’avenir même si, à travers l’agencement de certaines salles l’exposition reste encore traditionnelle.  Le visiteur reste également encore un peu passif et n’interagit pas toujours par le biais de dispositifs multimédias.

Pour autant, cette Corée au puissant Soft-Power ne renie pas son passé et fait écho dès le début du parcours à sa présence à l’Exposition Universelle de Paris en 1900 avec son pavillon coréen qui permit pour la première fois de faire connaître la péninsule coréenne au public français. L’ouvrage Li Chin écrit par l’auteure Shin Kyung-Sook développe plus avant le début des relations franco-coréennes et revient sur la vie du premier diplomate français en Corée : Victor Collin de Plancy.

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 Affiche originale du pavillon de la Corée en 1900 et nouvelle affiche « Hommage à la Corée 1900 » © CM

 

 

Millie CHIRON

 

 

Pour en savoir plus :

 

 

 #worldexpo2030 #Busan #Corée