Du rouge, du bleu, du noir, du orange, tels des cerf-volants, d'amples voilures émergent au loin sur la place de la République, derrière l'Hôtel de ville de Cambrai. Une sorte de cirque, entendrons nous dire par quelques curieux passants. Oui, mais pas tout à fait. Sur la place, s'élèvent trois longues tentes triangulaires et colorées desquelles vibre une certaine légèreté. Cette structure, simplement montée comme un chapiteau de cirque, appelle le marcheur comme à la fête foraine. Cette sensation d'intimité, cette invitation, tend à favoriser le désir de pénétrer au sein de ces curieuses toiles.

© D.R
Du rouge, du bleu, du noir, du orange, tels des  cerf-volants,  d'amples  voilures  émergent  au  loin sur la place de la République, derrière l'Hôtel de  ville de Cambrai. Une sorte de cirque, entendrons nous  dire  par  quelques  curieux  passants.  Oui, mais pas tout à fait. Sur la place, s'élèvent trois longues tentes triangulaires et colorées desquelles vibre  une  certaine  légèreté.  Cette  structure,  simplement  montée  comme  un  chapiteau  de cirque,  appelle  le  marcheur  comme  à  la  fête foraine. Cette sensation d'intimité, cette invitation, tend à favoriser le désir de pénétrer au sein de ces curieuses toiles.

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Ni structure lourde, ni tendeurs métalliques, ni parpaings disgracieux, mais huit sacs à voiles de marins emplis d'eau ancrent  l'ensemble  au  sol. Pas d'édifice imposant, pas d'antique portique effrayant, un simple sas de toile permet à « tout un chacun » d'entrer sous ces chapiteaux accueillants.

L'entrée se fait librement et l'accès aux différents espaces est gratuit. Mais qu'est-ce donc ? Pas de clowns amusants, ni d'animaux exotiques. Il semblerait que l'appât des couleurs vives et des formes familières ait marché. Le visiteur égayé se laisse généralement emballer  par la proposition de cet étrange lieu.

« Un musée mobile ! », lui dit-on. Un musée tout en kit conçu pour abriter une dizaine d’œuvres d'art tout droit sorties des collections du Centre Beaubourg. A l'intérieur, une ambiance ouatée et sobre enveloppe le visiteur. Les volumes, tous teintés de blanc, se mettent au service des œuvres exposées et accompagnent les flâneurs au gré de la couleur mise en exergue tout spécialement pour cette première exposition. En effet, le thème de cette initiative est la couleur. Une idée forte qui touche un tout public en étant également au coeur des préoccupations de l'art contemporain. Cet éloge de la couleur est en effet représenté par des joyaux de grands maîtres classiques et contemporains tels Pablo Picasso, Françis Picabia, Sonia Delaunay, Yves Klein, Fernand Leger, Alexander Calder mais également l'artiste contemporain Olafur Eliasson.

 Frantisek Kupka La gamme jaune

Pour accentuer cette impression d'intimité, de modestes cimaises protègent et  sécurisent  les  œuvres  tout  en  laissant  paraître un  sentiment  d'étroite proximité. Ainsi, les tableaux sont fixés au sein des  cimaise-caissons et se dévoilent au travers d'humbles vitres. Ce parcours, signé par la commissaire de l'exposition et conservatrice du Centre Pompidou Emma Lavigne, raconte alors une histoire de la couleur accessible et qui met en lumière une façon originale et ludique d'appréhender l'art en général. Cette histoire de la couleur est alors réinventée par une médiation nouvelle et très particulière. Non pas des clowns, ni des mimes ou des farceurs mais des comédiens issus de l'art du spectacle sont appelés à mettre en scène les œuvres. Cette approche, quelque peu surprenante, permet tout de même aux plus novices de stimuler une certaine construction d'un regard sensible sur l’œuvre. Pas de longs cartels à déchiffrer, point de mots savants incompréhensibles, La gamme jaune de Frantisek Kupka parle tout simplement d'elle-même.

Toutefois, un bémol vient s'inscrire dans cette si belle proposition : une médiation culturelle quelque peu restreinte et cloîtrée dans un scénario rigide et peu enclin à l'échange. Ainsi, les comédiens évoqués précédemment prétextent un mauvais rhume les empêchant de mener à bien leur rôle de « guide ». Ces derniers délèguent alors la majorité de leur prestation orale à une tablette tactile qu'ils utilisent comme une télécommande pour actionner tel ou tel fond sonore. L'idée est intéressante finalement car elle est abordable et appréciable par le plus grand nombre des publics. Cependant, il est impossible de suggérer un échange avec le médiateur, tant celui-ci est conformé dans son texte et ses différents outils. Il faut déplorer aussi le peu d'informations et de formation (!) dont ils ont disposé.

Cette idée de l'écrin, les voiles colorées, les œuvres protégées, est actionnée depuis l'année 2007 par le directeur du Centre Pompidou parisien, dans la continuité du Centre Pompidou-Metz. En effet, ces baldaquins, comme dirait l'architecte des lieux, Patrick Bouchain, sont à l'initiative du directeur de Beaubourg. La direction de ce musée d'art moderne et contemporain, dont les collections font parties des plus fournies dans le monde, a fait le pari de miser sur une itinérance de ses collections.

 François Lacour CHANEL Mobile Art

Beaucoup diront que c'est une première dans le monde muséal. Mais il est à souligner que d'autres avant le Musée National d'Art Moderne avaient imaginé pareille entreprise. Le Corbusier par exemple, avait rêvé d'un musée itinérant dès les années 1930 ! Sans oublier André Malraux pour qui la décentralisation culturelle était une priorité dans la création de son ministère de la culture dans les années 1960. Pour les évoquer seulement, il existe aussi le CHANEL Mobile Art, pavillon d'exposition itinérant financé par la marque Chanel et offert à l'Institut du Monde Arabe de Paris ; le MuMo, pour musée mobile destiné aux enfants, qui fait également son entrée sur la route de la culture nomade ; ainsi que le Musée Précaire Albinet ayant pour objectif d'exposer des œuvres clefs de l'histoire de l'art du XXe siècle, en partenariat avec le Centre Pompidou et le Fonds National d'Art Contemporain, en impliquant les habitants du quartier dans toutes les phases du projet.

© D.R MuMo

Le Pompidou Mobile, projet de démocratisation culturelle, est calibré et modulable afin de lui permettre une implantation facile qu'il soit posé sur une friche industrielle, un site portuaire ou une place de marché. Ce centre veut privilégier avant tout les villes composées de 20 000 à 30 000 habitants parmi des zones rurales ou péri-urbaines culturellement défavorisées. Mais en s'installant sur des terres sous-équipées en lieux culturels, cette installation compensera-t-elle les inégalités territoriales ? Est-elle vraiment indispensable pour une ville comme Nantes lorsque l'on connait sa programmation artistique et culturelle ?

Soulignant la spontanéité de la rencontre avec les œuvres, ce projet donne tout de même à voir qu'une manifestation populaire peut aussi être un événement de qualité. Pour citer Bourdieu dans sa publication L'Amour de l'art : « ... le plus important, c'est la médiation. Il faut donner au public les moyens de s'approprier les œuvres ... ».

 Jennifer Bouche