Musée haut, musée bas est un film de Jean-Michel Ribes, sorti en 2007, qui bien que centré sur  le musée n’est pas un documentaire. Le musée devient le lieu d’une lutte entre la nature et la culture. Ce musée regroupe les signes de la culture humaine sans pour autant placer les œuvres au premier plan. L’objet ici n’est pas de faire une critique du film mais plutôt d’analyser ce que cette comédie nous dit sur le musée, ses publics, ses agents et son avenir.


Affiche du film - 2007

Le scénario présente, à travers différents groupes stéréotypés, les visiteurs du musée d’art. Le musée présenté ici est ultra généraliste puisque composé des grandes structures nationales et parisiennes (Louvre, Cité de l’Architecture, Musée Guimet, Cité de la Musique…). Le Petit Palais a été choisi pour représenter l’extérieur de ce musée dont le plan est invraisemblable, alambiqué et truffé de codes couleurs divers. 

Parmi ces groupes on trouve :

  • Les visiteurs en groupe, pressés, bruyants, …
  • Les visiteurs individuels un peu perdus soit dans les méandres du plan soit dans l’incompréhension de ce qu’ils voient, ce qui donne lieu à des scènes loufoques, surréalistes (ou baroques).
  • Les artistes contemporains qui se questionnent sur leur art ou présentent des expositions pour le moins conceptuelles ou sexuelles
  • Les élus, représentés par un ministre de la culture, qui à peine arrivé au vernissage de l’exposition est déjà ailleurs, débordé par les inaugurations et les vernissages sans trop savoir évaluer la qualité de ces événements.

Sans oublier le personnel du musée : les guides qui tentent de gérer les groupes et renseigner les visiteurs ; les gardiens de salle qui ne supportent plus leur vie tellement ils sont entourés de beau ; la régisseur qui réceptionne les objets d'art primitif pour la prochaine exposition ; les ouvriers, baptisés du nom de apôtres, qui effectuent les mouvements d’œuvres. 

Photogramme du film - Les gardiens de salle© David Koskas

 

Ce film est ponctué de jolis moments qui peuvent faire échos à des expériences de visite, à des œuvres. Si tout est présenté avec ironie et un certain goût de l’absurde, un fond de vérité est bien présent dans les points de vue qu’on peut avoir sur les musées. Intéressant à garder en tête pour les prochaines expériences muséales.

Au delà de ces petites histoires, se tisse une histoire principale, celle de la lutte, de plus en plus présente, entre la nature et la culture. Le musée subit en effet l’invasion progressive de la nature de son abord immédiat : des cygnes, des crapauds, des cafards, des végétaux puis la mer. La nature veut reconquérir ses droits alors que le musée symbolise la culture. Les peintres sont, selon les propos du conservateur de ce musée imaginaire, les garants du non retour vers l’âge des cavernes : « L’art, c’est à dire l’artificiel, nous protège du retour au préhistorique ». Et quand bien même le musée fait naufrage, il y aura toujours les rescapés de la Méduse pour aller refaire un musée ailleurs, autrement, ou peut-être seulement pas tout à fait pareil…

Photogramme du film© David Koskas

 

 Morceaux choisis :

« Ce n’est pas un très bon exemple pour les enfants, un peintre qui se fait renvoyer dans une semaine »

 « On n’sait plus trop bien qui on est, où on va, qui sont ces gens dans la rue en imperméable, quand on a trop longtemps regardé Klimt ou Man Ray. »

« Non, ce qui compte c’est ce que tu ressens après. Par exemple, il y a trois ans en sortant de l’exposition Picabia, j’étais contente, mais tellement contente qu’en rentrant à la maison, j’ai quitté mon mari. »

« Il dit qu’il ne comprend pas pourquoi, les statues africaines obtiennent toujours des papiers pour entrer dans ce pays et jamais les Africains. »

« Si elle te l’a dit, y a aucun risque, les musées en matière de bon goût c’est la garantie absolue, avec ce qui est accroché au mur, ils peuvent pas se permettre de faire un faux pas sur les tasses à café »

« Ça c’est sûr qu’ils en avaient du talent les Impressionnistes ! Je n’sais pas si vous êtes déjà allé à Argenteuil, mais c’est une horreur Argenteuil. Et encore, aujourd’hui ils ont refait la place et arrangé le pont. Alors on s’imagine ce que ça devait être de leur temps. Eh bien déjà rien qu’arriver à peindre cette ville pourrie d’Argenteuil et qu’elle se trouve maintenant dans un musée, chapeau bas les Impressionnistes ! »

« C’est l’opposé madame, c’est une création. Ce n’est pas quelqu’un qui disparaît, c’est quelqu’un qui apparaît, l’envers exactement, l’envers du crime. »

« Si on a un sens, Sulku, est-ce qu’on sera encore de l’art ? » (Sulku, œuvre d’art / performeur)

 

Coralie Galmiche

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