Le musée de la photographie de Charleroi est un beau musée.
Si on pouvait installer le chauffage au plafond par toile tendue, le musée de la photographie de Charleroi serait un très beau musée.
Oui, voilà, tout est beau, tout est propre, tout est lisse mais les radiateurs, eux, font tâche. Parfois peint, caché derrière une grille ou perché au dessus de nos têtes, le radiateur est et doit absolument être dissimulé. On pourrait en déduire une formule infaillible : belle collection + radiateur caché = beau musée.
Radiateur peint au Musée de la photographie, Charleroi.
C’est le cas, à Charleroi. Installé dans un ancien cloître, le musée s’est agrandi en 2008. Une belle réalisation architecturale est venue se greffer à l’ancien pour accueillir les nouvelles œuvres photographiques, dont les tirages sont de plus en plus grands.
Cette extension est pour le musée l’occasion de repenser l’organisation, le flux des visiteurs, leurs déplacements dans chaque espace d’exposition, l’accueil, la cafeteria, l’auditorium, la bibliothèque et même le parc. Tout est pensé pour faciliter une circulation fluide, sans obstacle, où l’on ne pense qu’aux œuvres. Mais voilà, les radiateurs c’est plus compliqué, toujours là où on ne les attend pas ceux-là. La place du visiteur, OK. La place de l’œuvre, OK. La place de la technique, derrière.
Pourtant, ce qui fait la richesse d’une mise en exposition, temporaire ou permanente, c’est davantage l’interaction entre ces trois acteurs que la place de chacun. Ainsi, dans chaque partie du musée, l’œuvre fait face au visiteur. Celui-ci la regarde, celle-ci le regarde. Droit dans les yeux, face à face, comme figés dans le même cadrage, le visiteur et l’œuvre sont en tête à tête.
Le musée en tant que contenant est pourtant bien loin d’être une simple boîte à chaussure, ou même un « white cube » idolâtré par les musées d’art contemporain. L’ancien cloître a été rénové avec soin, son charme est intact. Les parquets qui craquent sous nos pas nous rappellent au temps passé, comme une vieille maison qui grince et dans laquelle on retrouve de vieilles photos jaunies. La partie récente du bâtiment offre tout autant aux usagers. Les jeux de volumes et de lumière, créent des espaces riches et travaillés.
Mais voilà, reste l’obsession du « lisse » et du « beau ». A force, le musée semble figé comme placé sous son plus beau profil en attendant qu’on lui tire son portrait. Paradoxalement celui qui bouge là-dedans c’est lui, le fameux, le gênant ; le radiateur. Contrairement à l’œuvre fixée inexorablement au milieu du mur blanc, le radiateur explore l’espace muséal.
Le radiateur explore l'espace tandis que l’œuvre reste fixe.
Et si c’était l’inverse ? Si on réinventait chaque fois, la relation entre l’œuvre et le visiteur. Si l’œuvre bouge et que le radiateur reste fixe ? lequel des deux sera le plus mis en valeur ?
L’œuvre explore l'espace muséal tandis que le radiateur reste fixe.
Cette question bien qu’anecdotique révèle une obsession de la perfection, du beau. A l’origine, le musée et les beaux-arts étaient des notions fondamentalement liées. Malgré l’élargissement de la notion d’art et le renouvellement des musées, une « tenue correcte exigée » semble persister dans les espaces d’exposition. Belle réalisation, le musée de la photographie, pourrait presque être un lieu de vie et d’animation. Le parc du musée, où l’on peut se promener, mais où l’on ne peut pas amener de musique, ni d’animaux, montre que ce beau musée n’est pas prêt à se transformer en lieu d’action culturelle plus que d’exposition.
L’extérieur est présent à chaque recoin du musée mais rien ne semble bouger à l’extérieur, fixe comme les paysages captés sur pellicule. Les possibilités sont là, le carcan aussi. Alors, les radiateurs rebelles du musée de la photographie de Charleroi sont des précurseurs d’une libération créatrice, saccageant la pureté et libérant les espaces d’exposition !
Oiseau en sticker collé sur une vitre dans la cage d’escalier, musée de la photographie, Charleroi.
En 1929, au Bauhaus de Dassau, un radiateur était exposé, comme chef d’œuvre du génie moderne et industriel, dans la cage d’escalier principal de la prestigieuse école d’art. Les révolutions prennent parfois du temps !
Margot Delobelle
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