Prenez une salle qui rappelle les cabinets d’amateurs du 18ème siècle : tapisserie violette à motifs en velours, meubles et objets d’époque, tableaux de chasse à cadres larges dorés. Ajoutez à cela des animaux naturalisés. Puis de l’art contemporain.

Salon de Compagnie © Méline Sannicolo

Bienvenue, vous êtes arrivés au Musée de la chasse et de la Nature, un des plus beaux exemples de décloisonnement des techniques et époques artistiques. Le mélange des disciplines et des époques, bien sûr ne relève pas de la simple recette que j’énonce en préambule, il est si subtil et bien amené que lorsque l’on visite ce musée pour la première fois, il est bien délicat de remarquer tout de suite que chaque salle a son lot d’œuvres contemporaines. Cela vient du fait que celles-ci, souvent produites par des artistes contemporains invités à intégrer les collections, font réellement écho aux œuvres du musée. C’est là qu’est tout le jeu. Dès que l’on comprend que toutes les œuvres d’une même pièce ne proviennent pas de la même époque, un phénomène très étrange se produit : on se met à la recherche des œuvres contemporaines et des éléments décalés et cachés de chaque salle. Et c’est ainsi que chaque visiteur devient, le temps la visite, un chasseur traquant ces particularités. 

 

« Bien sûr, il y a les merveilles sorties des collections du musée. Mais elles ne sont pas seules. Un monde s’est créé autour d’elles. »
Frédérique Paoletti & Catherine Rouland, architectes DPLG, scénographes du parcours permanent

 

Un coup de génie me direz-vous, car pour trouver ces éléments, il faut alors examiner minutieusement chaque œuvre, chaque cartel, chaque bout du musée. Même le sol peut cacher des surprises, comme des traces de pattes ou un trou de souris. Le musée devient alors le terrain de chasse du visiteur. En ce moment, c’est au tour de l’artiste Miguel Branco de venir investir à la fois la cour du musée et les collections permanentes (jusqu’au 12 février 2017). Ses œuvres s’éparpillent le long du parcours et il faut bien ouvrir l’œil pour les remarquer.

Salon Avifaune © Noé Robin

Ainsi, en arrivant dans la salle Avifaune, vous remarquerez le grand grand mur d’études d’oiseaux. Jusque-là rien d’extraordinaire. En regardant d’un peu plus près ces peintures, au milieu de tous ces oiseaux vous trouverez deux représentations d’avions, plus exactement des drones militaires : cette fois c’est bon, vous êtes sûr d’avoir repéré une des œuvres contemporaines de Miguel Branco ! En examinant ces œuvres, vous constaterez qu’elles sont dans les mêmes cardes que les oiseaux, qu’elles ont également le même cartel, le même nom d’artiste, … Vous êtes alors saisi d’un doute… Serait-il possible que ce peintre du XVIIIème ait peint à la fois des études d’oiseaux, très réalistes et les avions dans un tout autre style ? Au vu des dates, c’est difficile d’y croire, mais c’est encore plus difficile de se résoudre à remettre en cause une chose affirmée dans un musée ! Quelle étrange sensation ! Dans ce musée, nous sommes tous amenés à remettre en cause le discours de vérité de l’instance muséale, à questionner chaque œuvre et éléments présentés. Tiens donc, regardez au plafond, regardez les caméras de surveillance. Êtes-vous sûr que ce sont de vraies ?

 

« Le jeu est enfin devenu ce qu’il voulait être, humours, légèreté́ ; un jeu d’autant plus frais qu’il n’est pas un jeu d’enfant. Car ce n’est pas une anecdote que ce jeu. Il est la dernière œuvre inaugurée ici : la grande installation contemporaine qu’est le musée lui-même. »
Frédérique Paoletti & Catherine Rouland

 

Alors que d’autres musées essayent de décloisonner les périodes de l’histoire de l’art, à travers une architecture et un choix scénographique qui se débarrassent réellement des cloisons murales (comme dans la Galerie du Temps du Louvre-Lens), le Musée de la Chasse et de la Nature, lui, propose un parcours bien défini, aves des salles ayant toutes quatre murs bien existants. Le décloisonnement est ici d’autant mieux réussi qu’il amène de visiteurs à être actifs et conscients lorsque son regard passe d’une œuvre de beaux-arts classique, à un ours blanc naturalisé, à une tapisserie du XVIème siècle, à une œuvre contemporaine de Jean Fabre ou Jean-Michel Othoniel. Ici les œuvres et objets de toutes les périodes communiquent entre elles et surtout avec le public.

                                                                

Méline Sannicolo

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                                                                                                                                               Pour en savoir plus :Musée de la Chasse et de la Nature : http://www.chassenature.orgArtiste invité jusqu’au 12/02/2017, Miguel Branco : http://www.chassenature.org/miguel-branco-black-deer/