Rencontre avec Hélène Guénin, responsable adjointe du pôle programmation
Découvrir par matin d’hiver, le centre Pompidou-Metz endormi sous une fine couche de givre blanc relève d’un bel instant de grâce… C’est une œuvre architecturale absolument impressionnante quand on sait que la source d’inspiration de l’architecte Shigeru Ban est née de l’achat d’un simple chapeau traditionnel chinois acheté à la Maison de la Chine à Paris ! Le bâtiment se présente coiffé d’un assemblage de poutres d’épicéa en lamelles collées qui s’entrelacent pour former un maillage hexagonal recouvert d’une fine membrane de téflon opaque et transparente de nuit.
Crédits : Marie Tresvaux du Fraval
On retrouve l’idée de l’hexagone dans l’architecture globale de l’édifice avec trois galeries auto portées traversant l’espace en se croisant. Ces trois galeries sont apposées à une colonne métallique sur laquelle est suspendue la toiture, laquelle va se reposer sur plusieurs poteaux-tulipes contournant le bâtiment. Passé le seuil de l’édifice, on entre alors dans une véritable relation sensorielle jouant entre l’espace architectural intérieur et l’environnement extérieur. Celui ci se dévoile à chaque étage par des pans de murs vitrés mettant en œuvre une magnifique interaction avec le panorama de la ville de Metz.
La structure se décline en trois parties avec ses trois galeries, un bâtiment annexe administratif, et un studio ; espace modulable de 500 m² dédié aux arts vivants. La grande nef, vaste hall translucide, permet d’accueillir une diversité d’évènements et dispose d’un premier espace d’exposition. Un auditorium pouvant diffuser films et conférences dont la particularité originale et innovante est attribuée à la réalisation de Shigeru Ban. Le plafond en forme de vagues conçues en tubes cartonnés contribue ainsi à la performance acoustique du lieu. Restaurant, café, bibliothèque, boutique terrasses et jardins enrichissent le lieu.
Le projet visant le mouvement de décentralisationdes collections nationales a été amorcé en 2003 et développé sous le ministère de la Culture dirigé par Jean-Jacques Aillagon. Il représente donc la première expérience de ce type en France. Metz a été retenue pour combler un manque en matière de structures régionales d’art moderne. La ville disposait d’une implantation urbaine et géographique intéressante avec l’idée de construire le musée dans le quartier de l’amphithéâtre (lieu d’anciennes friches ferroviaires). Plus d’une centaine d’hectares autour de l’édifice est dédiée à la construction de centres d’affaires, de commerces et d’habitations dans une démarche de projet HQE[1].
Un fonctionnement autonome
Le centre Pompidou-Metz est un EPCC[2]. Ce fonctionnement autonome lui confère également une plus grande liberté au niveau du choix de la programmation scientifique et culturelle qui cependant est validée et entérinée par Beaubourg. L’établissement ne possède pas de collections propres. Celles-ci ne dépendent pas non plus uniquement de Beaubourg mais peuvent passer par les circuits internationaux et nationaux. Les expositions reçues peuvent être itinérantes comme l’une des prochaines d’Hans Richter, programmée en septembre 2013 et coproduite avec le Lacma de Los-Angeles.
L’un des objectifs du projet scientifique et culturel est de mettre en avant la pluridisciplinarité, en présentant les arts vivants (danse, performance, musique, théâtres, cirque), le cinéma ou des cycles de conférences variés. Le budget alloué aux arts vivants ne représente que 10% du budget global mais cette programmation dans le prolongement des expositions et permettant de mettre en lien un chorégraphe avec un artiste ou un auteur comble les visiteurs. Ainsi dans le cadre d’un partenariat, et sous forme de coproduction avec l’EPCC Metz/Arsenal, l’œuvre majeure Fase de la chorégraphe Thérésa de Keersmaeker sera présentée au mois de janvier 2013 accompagnée d’une conférence Danse les années 80 et la naissance de l’auteur.
Actuellement la danse s’expose, la grande nef présente Parade, ballet présenté en 1917 au théâtre du Châtelet à Paris. Evènement exceptionnel dans l’histoire des arts qui rassembla Jean Cocteau, Erik Satie, Pablo Picasso, Léonil de Massine et Serge Diaghilev autour d’une œuvre magistrale de l’histoire de la danse. De la genèse au processus de création le visiteur défile au gré d’un parcours circulaire aux tons nacrés parmi une sélection documentaire exceptionnelle et centralisé par l’œuvre incontournable du rideau peint de Picasso.
Le FRAC au Pompidou Metz
Visite insolite en contraste total et déstabilisant avec Frac Forever ou pour fêter les trente ans de fonds régionaux d’art contemporain, le centre invite le Frac Lorraine à investir la galerie 3. Dans l’obscurité la plus totale, bruitage et éclats lumineux ajoute une dimension surréaliste. Le visiteur se doit de recharger la batterie d’une petite lampe de poche, distribuée à l’entrée de l’exposition, pour éclairer à sa convenance les œuvres d’une soixantaine d’artistes majeurs de ces quarante dernières années et réparties sur les murs d’un large espace vide.
Crédits : Isabelle Capitani
Au niveau de la galerie 2 est présentée une rétrospective sans précédent en Europe de l’artiste conceptuel américain Sol Lewitt (1928-2007). Trente-trois œuvres murales s’imposent magistralement à travers plusieurs combinaisons de noir et blanc, composées de lignes ou de formes géométriques. Contrairementaux deux autres expositions le parcours se poursuit rectiligne suivant l‘espace parallélépipède rectangle de la galerie.
Œuvre en lui-même, le centre Pompidou Metz rayonne au cœur d’un espace encore en construction ; contraste qui justifie la grandeur de l’art au service dudéveloppement culturel et économique d’une région et l’on ne peut éviter le clin d’œil au petit frère Louvre Lens en lui souhaitant un même second et grand succès dans la nouvelle conquête du territoire Nord-Pas de Calais…
Nous remercions chaleureusement Hélène Guénin pour son aimable présentation de l’institution.
Isabelle Capitani
[1] haute qualité environnementale
[2] établissement public de coopération culturelle