A l'Ouest de l'Allemagne, la Ruhr est le plus grand bassin industriel d'Europe de l'Ouest. Depuis la Révolution industrielle qui s'est déroulée à partir du XIXèmesiècle, cette région est devenue une aire de peuplement très importante. Principalement composée d'industries lourdes exploitant le coke ou le charbon elle est le siège de grands groupes industriels. En ces temps de désindustrialisation, nombreux sont les sites aujourd'hui à l'abandon, sinistrés. C'est à Essen que nous nous rendons pour visiter un de ces sites qui a su se reconvertir : le complexe industriel de la mine de Zollverein. La première mine de Zollverein est apparue en 1847. Dès lors, l'exploitation du sol sera incessante. Durant plusieurs décennies le site de Zollverein est le plus important site minier d'Allemagne. Sa politique productiviste et ses lourdes infrastructures lui valent une renommée qui s'étend à l'Europe toute entière. L'activité minière s'arrête définitivement en 1986 et le site ferme en 1993. En 2001 le site est classé au patrimoine mondial de l'UNESCO.

 

Maquette du site Crédits : T.L

 

C'est donc dans un parcours à la frontière entre visite guidée et parcours d'interprétation que nous nous lançons pour découvrir ce complexe industriel. Le site peut se visiter librement si l'on ne compte pas rentrer dans les bâtiments mais il devient indispensable d'être accompagné pour en voir davantage. Le guide, en plus de proposer une visite classique, permet au visiteur de découvrir le complexe minier de l'intérieur. La visite commence par la découverte du site tout entier via une carte interactive en 3D. Chaque zone clé est détaillée et permet de se rendre compte de l'étendue du complexe. S'en suit, dans la cour de l'usine, d'une rapide chronologie qui situe la mine de Zollverein dans le temps, de sa création à l'arrivée de la mécanisation. Une brève histoire de l'industrie allemande permet de situer l'endroit dans une dynamique qui, à l'époque, entraînera la création de nombreux sites comme celui-ci. Car s'il est exceptionnel, notamment par sa taille et sa productivité, le site de Zollverein n'était pas le seul de la sorte dans la région de la Ruhr; il s'inscrit dans un mouvement intense d'industrialisation. S'il est bien difficile d'embrasser d'un seul coup d’œil l'étendue du site, un passage sur des passerelles à plusieurs mètres du sol permet au moins d'en imaginer les contours.

Vue sur le chevalement Crédits : T.L

 

Vient ce qui va constituer la majeure partie du parcours : la découverte des différents bâtiments de l'exploitation du charbon. Ce parcours ne fait pas état de l'autre activité de Zollverein qui est la transformation de charbon en coke. Les premiers instants sont impressionnants : les bâtiments sont très sombres, encombrés malgré leurs dimensions et froids. L'immersion est totale. L'aménagement des lieux est minimal, ce qui renforce ce sentiment que l'usine, malgré son air sinistre, va reprendre vie d'une minute à l'autre. Aménagement qui, malheureusement, n'est pas régi par des principes d'accessibilité. Le parcours est jalonné de dispositifs ingénieux qui permettent une recontextualisation fidèle : comme ce son assourdissant des berlines qui déversent le charbon, diffusé dans une partie de l'usine. Plus qu'une dimension spectaculaire cet outil permet de mieux comprendre les conditions de travail des mineurs. Le parcours va suivre naturellement le cheminement du charbon, de sa remontée à la surface jusqu'à la séparation du « bon » et du «mauvais» produit. De ce fait, l'accent est mis sur l'aspect technique de la mine. Chaque étape est clairement expliquée et détaillée par les maquettes, les animations vidéos, le tout complété par des anecdotes du guide. C'est peut être là le principal écueil : en voulant mettre l'accent sur le côté technique de la production, on en vient à complétement occulter un élément pourtant clé, l'humain. Bien entendu les conditions de travail, pénibles, sont abordées. Mais de façon rapide et on ne reviendra que trop peu sur les ouvriers qui sont pourtant le moteur de cette production massive dont pouvait se vanter Zollverein. Il est bien sûr que les dimensions incroyables des bâtiments et des machines amènent naturellement à tenir discours plus technique, mais il est regrettable que cela se fasse au détriment d'un pan entier de l'histoire de l'usine. Car ce n'est pas que les ouvriers qui sont oubliés mais aussi, par extension, leur savoir-faire et leurs conditions de vie.

En définitive, si ce parcours ne peut être exhaustif il permet de prendre la mesure de ce que pouvait être un complexe industriel de la Ruhr. Le portrait se veut juste et sans trop d'artifices, authentique. Soulignons également le renouveau que cela a apporté à un site sinistré comme celui-là. En plus des bâtiments visitables le site de Zollverein propose une offre culturelle très riche : musée de la Ruhr, centre de chorégraphie, école de design, etc.

 

Thibault Leonardis