Il existe des musées qu'on découvre sans fioritures, un peu abruptement parfois, et dont il suffit de pousser la porte pour accéder aux collections, tant la transition entre l'espace public extérieur et l'espace muséal intérieur se fait rapidement, provoquant ainsi parfois chez le visiteur un sentiment de « décalage » quand bien même l'exposition des collections se situe dans des bâtiments à forte valeur historique et patrimoniale.

Il y en a d'autres qui ne se révèlent que peu à peu, qui ne se dévoilent que progressivement, qui se méritent en provoquant chez le visiteur un effort physique et intellectuel bien avant d'en avoir franchi le seuil... le Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée en fait partie !

QUID DU MuCEM ?

            Contrairement à l'idée répandue depuis son inauguration le 7 juin 2013 dans le cadre de Marseille-Provence 2013 capitale européenne de la culture, le MuCEM ne se résume pas uniquement en la prouesse architecturale commise par l'architecte Rudy Ricciotti, même si force est de constater que c'est bien ce nouveau bâtiment qui attire regards et commentaires.

Symbole fort du transfert d'un musée national dans une grande capitale régionale (anciennes collections du musée des Arts et Traditions Populaires à Paris), le MuCEM est composé de trois sites, détaillés à la fin de l'article, pour le lecteur avide de connaissances que vous êtes tous !

Associée à cette dimension tricéphale du lieu, la multiplicité de l'accès au MuCEM est à souligner elle aussi : par l'esplanade à quelques mètres de la villa Méditerranée, par le Vieux-Port à la base du Fort Saint-Jean mais surtout par la passerelle Saint-Laurent reliant les hauteurs de ce dernier au quartier du Panier.

Je ne saurais trop vous déconseiller la première possibilité, son seul atout à mes yeux étant l'accès direct au bord de mer permettant une cure d'embruns ... 

L’EXPÉRIENCE D'UN PARCOURS HORS NORME

Ombrièredu Fort Saint-JeanCrédits : S.V

          Au contraire, les deux accès via le fort, quant à eux, se valent bel et bien : au courageux et téméraire chevalier amoureux des vieilles pierres et sensible à l'introduction de matériaux plus modernes (rampes d'escaliers, garde-corps, ombrière en métal ... transats, tables et assises en bois), s'offre progressivement un paysage à couper le souffle : vue sur les bateaux du Vieux-Port et les quartiers de la cité phocéenne bien sûr, et plus précisément sur ses édifices patrimoniaux : le Fort Saint-Nicolas, la cathédrale Major, le Pharo, le tout avec la bénédiction de Notre-Dame de la Garde... sans oublier l'attraction exercée par la mer Méditerranée !

Le choix de l'ascension combiné à la vue à 360 degrés depuis les hauteurs du fort suscite chez le visiteur une émotion, un rappel à l'ordre aussi de sa position d'être humain face à la majesté des lieux et des paysages, qui n'en est qu'à son premier choc visuel et esthétique à cette étape de ce parcours quasi initiatique...

Car, pour l'avoir fait, l'assaut du MuCEM se fait en vagues successives réservant son lot de surprises et de révélations.

En effet, la déambulation sur les hauteurs du fort conduit à la découverte d'une autre passerelle aérienne longue de 115 mètres réalisée par Rudy Ricciotti également. S'y lancer, c'est certes enjamber et embrasser de part et d'autre la Méditerranée mais c'est surtout accepter de déposer les armes de la méfiance et de s'en remettre à l'inconnu...

Et c'est là que la notion de promenade architecturale, chère à Le Corbusier, lui aussi présent à Marseille au travers de la Cité Radieuse, prend tout son sens : c'est par étapes successives que l'architecture du MuCEM se dévoile ne se révélant qu'au fur et à mesure des pérégrinations du visiteur jusqu'à l'apothéose finale... le J4 !

L'ASSAUT FINAL...

Lapasserelle reliant le Fort Saint-Jean au J4Crédits : S.V

Une fois surmontées les étapes de l'ascension du fort et de la traversée de la passerelle certes toutes relatives (mais mon âme d'enfant est toujours latente), cette [con]quête du lieu atteint son apogée par la découverte du J4. Déposé sur un plancher de bois, quasiment au même niveau que le toit du MuCEM, le visiteur éprouve à nouveau de multiples sensations : liberté, espace, calme, apaisement, sérénité et ce en dépit d'une fréquentation du lieu importante au quotidien et depuis l'ouverture du musée (dans un article paru le 8 novembre 2013, le journal Le Monde évoque le cap de 1,4 million de visiteurs franchi en 5 mois à la date du 25 octobre avec une proportion de un tiers de visiteurs payants pour deux tiers qui s'y promènent). C'est un lieu de déambulation qui mixe les origines sociales, ethniques, culturelles en écho évidemment à la collection permanente, à la ville de Marseille et à la volonté de son « créateur », l'architecte Rudy Ricciotti dont le propos était de « démuséifier » l'endroit.

Pari réussi donc, et ce, en grande partie, grâce à la conception du bâtiment qui regorge lui aussi de surprises ! La première et non la moindre réside dans le matériau employé et l'aspect esthétique des formes qui lui ont été données : l'emploi du BFUHP (béton fibré à ultra haute performance) à la porosité extrêmement faible (qualité nécessaire quand on a les pieds dans l'eau !) allié à un rendu visuel qualifié par certains de résille noire, de dentelle provençale ou encore par d'autres de moucharabiehs...

Tour du Fanal du Fort Saint-Jean
vue depuis le J4 Crédits : S.V

Ce jeu de transparences vers le paysage extérieur maritime et d'ombres portées à l'intérieur assez évocateur d'une sensualité toute féminine, aiguise la curiosité, interpelle, ne laisse pas insensible, d'autant plus que l'envie insatiable d'en découvrir plus encore est satisfaite par une proposition originale de Ricciotti : le visiteur au sommet du J4 peut accéder directement à l'intérieur du musée par un système d'ascenseurs regagnant le rez-de-chaussée dont la billetterie, mais pour les plus contemplatifs, une nouvelle promenade est proposée. On contourne le bâtiment par une descente en pente douce sur plusieurs niveaux et là, ni tout à fait dehors, ni tout à fait dedans, le visiteur déambule entre structure de verre et structure de béton, avec vue sur la partie administrative du musée, sur les bureaux et leurs occupants, peut-être faut-il y voir là une intention de mettre à l'honneur ceux qui font le MuCEM en particulier et les musées en général ?

Au final, l'atterrissage / amerrissage se fait tout en douceur et l'envie de prolonger ce moment qui s'achève se fait sentir de façon impérieuse... alors qu'il reste tant de découvertes à mener au sein même des collections.

Et si, assez paradoxalement, le parcours constitué par l'enchevêtrement du Fort Saint-Jean et du J4 ne constituait pas tant un sublime écrin aux collections du MuCEM qu'un unique chef d'œuvre, accessible à tous ?

 

Sabrina Vérove

Pour le lecteur curieux, assoiffé de connaissances et futur visiteur du MUCEM que vous êtes, sachez que les trois entités sont  :

  • le Centre de Conservation et de Ressources (CCR), situé sur 10000 m2 dans le quartier de la Belle de Mai à proximité de la gare Saint-Charles est un lieu ouvert au public, conçu par l'architecte Corinne Vezzoni.

http://www.mucem.org/fr/le-mucem/un-musee-trois-lieux/le-centre-de-conservation-et-de-ressources

  • Le Fort Saint-Jean, inscrit sur l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques depuis 1964, restauré par le ministère de la Culture et de la Communication est un site complexe de 15000 m2 de nouveau accessible au public depuis 2013.

Associant d'une part les vieilles pierres de plusieurs monuments permettant de retracer une partie des vingt-six siècles d'histoire de Marseille et d'autre part des éléments de rénovation s'y intégrant parfaitement (architectes : François Botton pour les monuments historiques et Roland Carta pour l'aménagement et l'accessibilité des bâtiments), le Fort Saint-Jean accueille des espaces d'expositions permanentes et temporaires, le jardin des migrations en accès libre et gratuit ainsi que le l'Institut Méditerranéen des Métiers du Patrimoine (I2MP) en collaboration avec l'Institut National du Patrimoine (INP).

http://www.mucem.org/fr/le-mucem/un-musee-trois-lieux/le-fort-saint-jean

  • Le cube J4, qui accueille entre ville et mer, sur l’ancien môle portuaire J4, un bâtiment de 15 500 m2 comportant les espaces d’exposition :

l'exposition permanente nommée la Galerie de la Méditerranée, ainsi que deux expositions temporaires: Au bazar du genre : féminin-masculin en Méditerranée et Le noir et le bleu : un rêve méditerranéen, toutes deux jusqu'au 6 janvier 2014,

mais aussi d'autres espaces, un dédié aux enfants, un auditorium pour la présentation de conférences, de spectacles, de concerts, de cycles de cinéma, une librairie, un restaurant doté d’une terrasse panoramique et les « coulisses » indispensables à un équipement de ce type : ateliers, lieux de stockage, bureaux. Ses architectes sont Rudy Ricciotti et Roland Carta.

http://www.mucem.org/fr/le-mucem/un-musee-trois-lieux/le-j4

Plus d'informations sur les sites ou PDF suivants :

http://www.mp2013.fr/ouverture-du-musee-des-civilisations-de-leurope-et-de-la-mediterranee/

http://www.mucem.org/

http://www.oppic.fr/pages/operations/fichesOP_PDF/MucemFortstjean_J4_%20122012etann.pdf