C’était où ?
Mon stage de M1 s’est déroulé au sein des Musées d’Art et d’Histoire de la Rochelle : un ensemble de trois musées regroupant le musée des Beaux-arts, le Musée du Nouveau Monde, et la collection du musée d’Orbigny-Bernon, actuellement fermé au public.
Grâce à mon poste polyvalent, ce stage m’a offert une vision plurielle permettant de découvrir ou d’approfondir un grand nombre de disciplines du musée, notamment en termes de muséographie, de scénographie, d’animation, de public, d’organisation d’évènements, etc. J’aimerais aujourd’hui partager mon incroyable expérience du monde étonnant et fascinant de la conservation préventive, au sens professionnel du terme.
En effet, durant une semaine, une petite vingtaine d’étudiants de l’Institut National du Patrimoine est venu réaliser un chantier d’école dans les collections. Ils ont eu pour mission de mettre en place une action de conservation préventive sur les collections du musée fermé au public. Avec mes deux acolytes stagiaires, nous avons eu la chance de les assister et de participer à leur projet en tournant au sein de leur équipe.
Organisation !
Nous avons été répartis en plusieurs ateliers, qui ont fait l’objet de roulement suivant les journées, pour que tout le monde puisse s’exercer dans les différentes spécialités. La collection Extrême-Orient a été prise en charge par 2 équipes : les bouddhas et les laques (+ collection samouraï). Une grosse équipe s’est chargée des plâtres, une autre des arts graphiques (peintures, posters, cartes, …) puis une équipe en textiles et accessoires d’uniforme (casques, armures, épaulettes,…).
Ce travail m’a fortement fait penser à un texte de Bruno Foucart dans lequel il parle des moyens de conservation du patrimoine comme d’un service de santé[1]. En effet, pendant une semaine j’ai plutôt eu l’impression de travailler dans un bloc opératoire que dans un musée.
D’abord, il faut toujours porter des gants, puisque notre peau n’est pas neutre et que son acidité est une menace pour les objets. Le port du masque est fortement conseillé, car même si l’on ne voit pas la poussière, celle-ci est bien présente et elle provoque rapidement des quintes de toux chez les personnes qui ne sont pas protégées. Enfin la blouse est préconisée dans le traitement des gros objets et des objets infestés.
Qu’est-ce qu’on a fait ?
Ma première mission a été le dépoussiérage d’une multitude de bouddhas. Pour cela, on utilise des brosses en poils de chèvre, des microfibres avec des piques en bois pour aller dans les interstices, des minis aspirateurs, et des brosse à poils plus durs pour les plâtres. Les gestes de dépoussiérages doivent être précis et organisé. On ne le fait pas dans n’importe quel sens, et on ne commence pas n’importe où. Avant de commencer, on doit d’abord vérifier l’éventuelle fragilité de l’objet.
Après le dépoussiérage, chaque objet est ensuite photographié et inventorié. Ainsi, une saisie numérique permet de rapporter un certain nombre d’informations sur l’identité de l’objet et sa localisation précise de l’objet dans les réserves, des informations descriptives sur les matériaux, la taille, la technique…, un descriptif précis de l’état de l’objet (diagnostic général, et précision sur les altérations, les marquages, …)
Puis les objets sont conditionnés. Le conditionnement répond à une technique bien précise, et doit pouvoir s’adapter aux différents objets.
Le cas des bouddhas montre le professionnalisme du conditionnement : les cartons acides ont été protégés par du papier spécial qui est poli d’un côté pour empêcher la réaction électrostatique. Puis les bouddhas sont placés dans des mousses où leur contre-forme est faite sur mesure, puis protégés par du Tyvek©. Le tout est entreposé dans des étagères qui sont venues remplir les anciennes salles d’exposition du musée. Les étages, les salles, les étagères, les rayonnages et les cartons sont numérotés de façon à pouvoir localiser exactement les objets.
En conclusion...
Le travail avec les étudiants était extrêmement riche et important pour le musée. A 20, nous avons traité et conditionné 450 objets en une semaine. Il permet de faire une formation au personnel du musée sur les bonnes pratiques de conservation préventive. Ensuite, il a permis un travail titanesque en un laps de temps très réduit.
Les objets ont été stockés dans des lieux plus adaptés à leur conservation (température, hydrométrie) et une salle de quarantaine a été aménagée pour les objets infestés. Cela permet à la fois de ne pas infester les autres objets qui eux sont sains mais cela va aussi permettre de contrôler les évolutions possibles des infestations ou des moisissures. Cette salle va continuer d’être étudiée par les élèves et restera à leur disposition pour leurs recherches, pour leurs cours, comme un cas pratique. Travailler conjointement entre étudiants est extrêmement bénéfique, tout le monde se retrouve gagnant. Le musée a sauvé une grande partie de sa collection qui était extrêmement menacée, et il a appris des notions importantes en termes de conservation préventive.
Mélanie TOURNAIRE
[1] « Les architectes-chirurgiens chargés d’opérer sur le front des ruines sont assistés d’un véritable service de santé monumentale. » Bruno Foucart, « A l’aube du troisième millénaire », in Des Monuments historiques au Patrimoine du XVIIIe siècle à nos jours, ou les égarements du cœur et de l’esprit, Françoise Bercé, éditions Flammarion, Série Art-Histoire-Société, 2000.
Liens :
Musées d'Art et d'Histoire de la Rochelle