Parmi les nombreuses expositions que nous propose le festival Chaumont Design Graphique, en voici une qui nous parle de la Grande Guerre. Cette époque a donné lieu à une production graphique de grande importance. L’affiche, un des principaux médias avec la presse écrite, est au diapason du conflit ; placards officiels annonçant interdits et restrictions ou affiches illustrées appelant à l’emprunt ou au secours aux familles réfugiées. 

Cette exposition est à mon sens d’une grande qualité muséographique du fait de sa scénographie mais également par l’utilisation d’éléments graphiques et textuels produits pendant la période. Elle se focalise plus précisément sur des document sutilisant du texte ou des images. Ce qui est complètement cohérent avec l’ensemble de sa programmation, dédiée à l’art de l’affiche et au graphisme. En ce sens, elle ne présente pas de costumes, mannequins de soldats, d’objets liés à la guerre, reconstitutions de scènes comme dans les musées classiques. Ce n’est pas pour autant une exposition plate et où les choses placardées sont sans reliefs ou sans dynamisme ! 

En effet, ce qui se dégage nettement de cette muséographie, c’est « l’intensité ». Le parti pris de Michel Wlassikoff, commissaire d’exposition, est la présentation massive de documents précis, éclairés et rythmés par la scénographie de manière à dégager un climat, une ambiance visuelle exprimant un sens général et propice à l’attention. La scénographie est conçue selon un dédale labyrinthique, rappelant celui des tranchées.

Les cimaises elle-même sont en relief, présentant une cavité pour symboliquement signifier le fossé, le trou d’obus mais aussi la séparation des vies au Front et à « l’arrière », pour permettre deux niveaux de lecture… Le visiteur est happé dans cette tourmente, son œil est attiré par les couleurs vives des affiches de propagande, par des textes accrocheurs et provocateurs. Dans ce parcours muséographique et scénographique, les documents sont liés et n'auraient eu aucun sens à eux tout seul. 

Les documents choisis sont distribués par chapitres et sont tous porteurs d'un sens précis dans l'ensemble ainsi constitué. Il se dégage un sens fort de leur positionnement et de leur association. Chaque chapitre possède des liens évidents avec celui qui le précède et celui qui le suit, et sa cohérence dépend de la cohérence de leur ensemble. Le commissaire veut donc signifier le conflit avec un agencement précis des documents pour en extraire au mieux le sens global.

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Crédits: Tt
L’exposition est composée d’affiches illustrées et d’affiches purement textuelles. Les premières sont pour la plupart propagandistes alors que les secondes relatent plus le récit des évènements (ordonnances, avis, décrets…). Des revues qui relatent le conflit de manière crue et sans langue de bois voient le jour. Le Miroir, La science et la vie s’appuyant sur la photographie de témoignage direct sont à la recherche du scoop et de la vérité des champs de bataille. Des « journaux des tranchées » fleurissent à leur tour partout sur le Front. Ils sont innombrables, illustrés et écrits par des amateurs et forment un ensemble « vernaculaire » très particulier en ce sens où ils sont le reflet véritable, et l’émanation du Front. Le Lacrymogène, Hurl’ Obus, l’Echo des boyaux, Le Crapouillot, La mitraille, Face aux Boches… tous ces journaux aux noms évocateurs sont là pour réconforter et maintenir le moral des troupes. Ces témoignages foisonnants et poignants de la vie des tranchées sont d’une puissance folle dans ce type d’exposition. Le poilu a ainsi le plaisir de s’exprimer dans ces journaux du front, publiés sous la surveillance de l’Etat-Major, dont certains, comme le Crapouillot, donnent naissance à de véritables feuilles critiques, régulièrement censurées.

Crédits: Tt

L'exposition s'attache à présenter par ailleurs les publications des avant-gardes pour manifester un contraste avec la communication de masse et déterminer la part de leurs avancées ou de leurs reculs durant la guerre. Cette présentation est axée sur les avant-gardes futuriste, cubo-futuriste, vorticiste, dada, de Stijl. Celle-ci est de portée internationale, à la différence de la communication de masse essentiellement centrée sur la France. On y découvre aussi des documents comme les premières parutions en France des revues Le Mot, de PaulIribe, L'Élan, d'Amédée Ozenfant, Sic d'Albert-Birot ou Nord-Sud de Pierre Reverdy, qui toutes naissent pendant la guerre et accueillent les avant-gardes.

Certains contemporains considèrent que ces campagnes de communication via l’affiche, sont caricaturales et ont pour effet le « bourrage de crâne » des populations. Pourtant, des peintres et illustrateurs de certaines affiches ont su traiter de sujets qui rassurent plutôt que l’exaltation des masses. L’œuvre de Steinlen est ici significative. Créateur antimilitariste, il a produit de nombreuses affiches possédant de puissantes qualités de communication. Le parti pris de cette exposition est de montrer du côté français ces signes d’une guerre mondiale qui ont constitué le quotidien de nations entières.

Thi-My Truong

#Grande Guerre# Muséographie

# Affiches

 Pour aller plus loin :

http://www.cig-chaumont.com/

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