Le musée Rautenstrauch-Joest, fraichement ré-ouvert en 2010, a été crée en 1901, suite aux collectes menées par Wilhelm Joest et Eugen Rautenstrauch, deux ethnologues allemands passionnés de voyages et de cultures. Sillonnant un monde marqué par les grandes conquêtes coloniales – et profitant aussi de celles-ci pour leurs recherches anthropologiques - ils rassemblent très rapidement près de 33 400 objets (en 1918). Ces fonds à la porté historique et sociale extraordinaire sont issus à 30% des colonies allemandes : la place qu’occupe le colonialisme européen dans notre connaissance des peuples et modes de vie « exotiques » y est clairement affirmée.
Situé au cœur de Cologne, une ville cosmopolite à 3 heures des Pays Bas, de la Belgique et de la France, ce musée parvient-il à ouvrir son contenu à un public étranger? Quel niveau de lecture est offert au visiteur non-allemand ? Partons à la découverte des salles du musée !
Dire "Bonjour" autour du monde ©PW
10h15 : arrivée au musée. Réception agréable à l’accueil, où le personnel – bilingue - offre au visiteur le guide de l’exposition en anglais, et lui propose également l’utilisation gratuite de l’audioguide.
10h20 : bienvenue au musée ! Grâce à un prologue intelligent, lemusée accueille ses visiteurs avec une vidéo nous montrant les multiples façonsde se dire « bonjour » dans le monde. Le public est donc prévenu : nous sommes bien dans un musée d’ethnologie qui se veut ludique et moderne !
10h40 : Après avoir traversé la culture javanaise et découvert les hypnotisantes marionnettes WayangKulit, le musée propose une petite contextualisation du travail ethnologique de l’époque au travers des grands anthropologues européens. Un lien fort est fait entre cette vague d’intérêt pour l’ethnologie et le désir d’éduquer et d’ouvrir les horizons de la société européenne aux cultures d’ailleurs. Les cartels et animations interactives existent en deux langues, allemand et anglais, la seconde parfois bien difficile à découvrir dans les manipulations…
Couper court aux stéréotypes de l’Afrique ©Rautenstrauch-Joest Museum
11h00 : Déconstruire les clichés. Dans une salle blanche immersive, des photographies et des vidéos sont projetées sur de petites portes, blanches elles aussi. Cette iconographie pleine de préjugés sur les peuples africains est alors déconstruire : le visiteur a la possibilitéd’ouvrir ces portes et de découvrir la réalité de la situation en Afrique et de la place – coupable - du monde occidental dans la situation des pays émergeant. Excellent moyen de couper court à nos préjugés les plus« innocents », ces animations se passent souvent de langage pour être comprises et assimilées, grâce à une iconographie pertinente et des titres très parlants. Néanmoins, rien ne remplace le texte et les informations essentielles à la compréhension de cette situation politique et économique complexe.
Carte de la provenance des collections ©PW
11h20 : Démarche intéressante pour un musée, qui propose un espace réservé au travail de restauration, de mise en exposition d’objets, et de l’aspect discutable de ces sélections. Une réelle remise en question du discours muséal ! Cette salle au plafond haut, intitulé « Le monde dans une vitrine : le musée » propose plusieurs tables tactiles bilingues, en rapport avec les contraintes chimiques de la restauration d’objets. Mais, plus original, le musée expose la carte des provenances d’objets, et l’évidence du rapport entre colonialisme et connaissance ethnologique.
Extrait d’un cartel explicatif :
« Les expositions sont les fenêtres à travers lesquelles un musée est perçu par un public, et en même temps, elles constituent un filtre qui transmet la vie et le monde d’autres cultures dans des musées d’anthropologie visitables. Les expositions sont une interprétation plutôt qu’une représentation de la réalité. Le choix des objets, la façon dont ils sont présentés, et l’interaction qui est faite, les différents médias, et la scénographie déterminent la perceptionet la compréhension des visiteurs. Les lectures, les films, et les événements divers complètent la vocation éducative du musée. »
Les processus de mondialisation et l’émancipation politique posent à présent de nouveaux défis pour ces musées. Cela questionne sur un retour à des objets anciens, au problème de la présentation contemporaine des cultures, et la quête de nouveaux champs de collectes, pertinentes pour le monde d’aujourd’hui. »
Le visiteur aura ensuite la chance de découvrir de nombreuses salles aux superbes décors (dont on évitera de vous dévoiler tous les détails) : les portes dans le monde et leur signification, les espaces de vie et l’analyse des cultures sédentaires, et une fabuleuse salle sur l’habillement et le langage du corps.
Muséographie logique ? Le parcours se clôt avec les rites funèbres des sociétés… L’accès à « l’au-delà » est concrètement représenté ! Le passage des visiteurs par un espace de longs rideaux blancs à frange, accompagné d’une musique apaisante et de fauteuils de repos, a de quoi surprendre !
Alors, quid du visiteur étranger ?
La place forte du visuel parvient à faire comprendre le discours à un public non-germanophone. Les photographies, graphiques, cartes, supports audiovisuels et multimédias constituent un relai parfaitement maitrisé du texte dans ce musée.
La qualité de la scénographie et de la mise en espace permettent une « immersion » complète du visiteur, le positionnant dans une situation propice à la compréhension du contenu. Les cartels assez courts ponctuant chaque entrée de salle sont agréables à lire, et rédigés dans un anglais assez compréhensible ! Quelques frustrations apparaissent cependant quand les cartels ne sont pas bilingues et que l’utilisation de l’audioguide s’impose alors. Évidemment, les difficultés d’un musée à traduire l’ensemble des textes sont compréhensibles, notamment pour des questions de place et d’équilibre visuel.
En conclusion, la visite de ce musée au regard original est vivement conseillée ! Si votre niveau d’anglais est assez bon, foncez à Cologne ! La possibilité de louer un audioguide complète les traductions manquantes des objets exposés, mais elle vous coupera un peu des sympathiques Allemands qui vous accompagneront alors…
Pauline Wittmann
Pour en savoir plus : Lien vers la page web du musée
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