Mais qui sont ces personnes surnommés « Museomixeurs » qui investissent nos musées? Toute cette agitation peut paraître étrange dans ces lieux habituellement si calmes.

Crédits photographiques : Museomix Nord

Pourtant, ils sont là pour vous divertir et vous surprendre. Le principal acteur de cette aventure est  « Museomix ». Cette association s’est donnée pour mission de rassembler, du 7 au 9 novembre 2014 et dans sept musées partout dans le monde, une véritable faune d’acteurs muséale (scientifiques, communicants, muséographes, artistes…) et du numérique (développeurs, codeurs, ingénieurs..) afin de créer, expérimenter et proposer aux visiteurs de nouveaux dispositifs de médiations. Etudiants et professionnels de tous horizons se regroupent, sans se connaître, avec pour objectif de proposer un prototype de médiations aux visiteurs. Durant ces trois jours, les maîtres mots sont : création, innovation et plaisir.

Alors pour vous donner une petite idée de cette arche de Noé de l’expérimentation muséale, je vais vous parler de ma propre expérience au Museomix Nord qui a eu lieu au musée d’Histoire Naturelle de Lille. Ce sont près d’une soixantaine de personnes qui ont été choisies pour redonner vie aux animaux et fossiles de la collection du musée d’Histoire Naturelle de Lille. Tout comme les espèces exposées, nous venons tous d’horizons différents. Selon un critère de classification basé sur la diversité, nous avons été divisées en groupes de 7 personnes : un communicant, un médiateur, un chargé des contenus, une graphiste, un codeur, un  fabriquant et une facilitatrice, afin de faire face à l’appétit exigeant de nos prédateurs : les visiteurs. Par acclimatation, le croisement de nos compétences va donner naissance à un projet hybride dont l’accomplissement est un  prototype de médiation. La question était de créer une nouvelle meute de musémixeurs capables d’attiser l’appétit du public pour le musée.

Le premier jour est la journée de l’apprivoisement des membres de mon équipe. En créant une tribu éphémère, je repère très vite qui sont les dominants des dominés, des leaders des suiveurs. Moi, étudiant dont la fonction ici est la médiation, je me fonds dans la masse paisiblement. J’écoute, j’observe avant d’agir. Car dans cette nouvelle société il faut apprendre à se connaitre. En cherchant une idée à défendre, chacun se cherche, se teste, se sent. Certains se rebellent tandis que d’autres suivent la meute en silence. Mais malgré les différences, chacun s’adapte et notre meute  prend forme sous le nom des Odonautes - Un nom en référence aux odonates, une famille d’insectes qui se caractérise par ses deux paires d’ailes, son corps allongé et ses yeux composés de milliards de capteurs. Cet ordre se compose de la demoiselle et de la libellule dont nous nous sommes inspirées.

Crédit photographique : Persona

En effet, notre projet est de suivre le parcours personnalisé d’une libellule paléolithique au sein du musée. Cette odonate nous y montre ses origines, son environnement, sa chaîne alimentaire, etc. Elle informe sur son identité et son biotope. Pour se faire, nous avons eu recours à un outil innovant : la « cardboard ». Une nouvelle technologie créée par Google qui consiste à créer des lunettes stéréoscopiques. Le principe est d’avoir une réalité augmentée à  l’aide de son smartphone et à moindre coût (moins de 10 $). Les dominants de la meute parlent alors de faire apparaître une libellule 3D qui interagirait avec le musée. Le visiteur la suivrait dans sa pérégrination afin d’acquérir des informations. Le reste du groupe est d’accord. J’acquiesce et la journée se termine par un repas bien mérité où chacune des meutes du Muséomix Nord demeure entre elle. L’envie de vivre ensemble est forte mais la chasse à la création est rude et ne laisse que très peu de temps aux camaraderies.

Car le deuxième jour, c’est la désorganisation la plus totale chez les Odonautes. Pour mener à bien la création de notre prototype, nous avons dû faire appel à des étudiants informatiques (Epitech de Lille) calés en programme et codage en tous genres. Malheureusement, intégrer la libellule en réalité augmentée semble plus compliqué que cela n’y parait et nous manquons de temps. Le logiciel appliqué ne correspond pas au système d’exploitation du smartphone utilisé pour la cardboard (le Nexus). Nous ne savons plus quoi faire. Alors que je dois rédiger avec la chargée des contenus pour le livret pédagogique, la confusion nous gagne. Chaque membre de ma meute avance sans savoir clairement où il doit aller. Le stress nous submerge. Les dominants ne savent plus comment agir et les autres s’isolent dans leurs tâches. Pour nous aider à survivre, la facilitatrice essaye tant bien que mal de rétablir le dialogue et l’espoir revient. Le dispositif sera « The Dragonfly Horror Show », une série B d’horreur dont l’héroïne est une terrible libellule du fond des âges, la StenodictyiaLobta. Le tournage peut alors commencer !


Affiche « The Dragonfly Horror Show » - Crédit photographique : Noémie Desard

Pour le troisième ultime jour, toute l’équipe des Odonautes se retrouve et les doutes se sont évaporés durant la courte nuit de sommeil qui a précédé. La fatigue et le stress sont toujours au rendez-vous mais la meute semble y faire face. Les vidéos se montent petit à petit, un trailer et un épisode-pilote de deux minutes vont pouvoir être accessibles au public.  Bien que le système de lancement de la vidéo dans la cardboard par NFC ne se soit mis en place qu’à l’heure fatidique, je suis sur le pied de guerre à 16h pour présenter notre dispositif à la horde de visiteurs. Et la magie opère. Le jeune public abonde autour de moi afin de tester l’unique cardboard que nous avions à disposition. Il est comme une bande affamée et impatiente de nouveautés. Il se bouscule, s’impatiente et en perd même sa politesse. Il est le dernier maillon de la « chaine alimentaire » du musée. Intraitable, il n’en demeure pas moins respectueux et gratifiant envers ses congénères du maillon muséal. Dans cette « chaîne alimentaire culturelle », les visiteurs ne nous dévorent pas, non. Ils nous nourrissent et nous les nourrissons en retour. Si chacun est à sa place dans son projet Museomix, de la direction à la médiation en passant par la conception, la transmission peut donc se faire sans jugement, sans à priori et sans limites. Vivre ensemble et à l’écoute, ce n’est que la dure loi de la Culture.

Passer trois jours de travail intensif au musée d’Histoire Naturelle m’a donné le sentiment de faire partie de la collection. Museomix Nord a été finalement une exposition temporaire sur plusieurs groupes d’espèces à la durée de vie éphémère et dont le pic de (re)productionet d’activité se fait chaque année, durant trois jours en automne. Alors si vous avez aimé ou que vous souhaitez découvrir Museomix, attendez-les, ils reviendront l’année prochaine dans de nouveaux lieux, avec de nouvelles personnes et des idées toujours plus innovantes.

Persona

Pour aller plus loin :

http://www.museomix-nord.org/

http://www.museomix.org/prototypes/the-dragonfly-horror-show/

https://www.tumblr.com/search/odonautes

https://www.youtube.com/channel/UCSUEyKP68WaCFxWRXiNIIhg

Mots clefs :

# Museomix

# Libellule

# Nouvelles technologies

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