En 2010, l’immense statue du petit père des peuples qui accueillait les visiteurs devant le musée a été déboulonnée par le gouvernement. Le musée, quant à lui, bâtisse blanche décorée comme un manoir bourgeois, demeure sur une grande place de la ville natale de Joseph Staline.
Hall d'entrée du musée - Photographie : E. Lelong
La visite
A l’entrée, tapis rouge et colonnade dirigent les yeux du visiteur vers une petite statue du dirigeant, trônant en haut de l’escalier. La visite guidée le conduit ensuite à travers des salles variées qui présentent la vie animée de cet homme avec une foule de témoignages. Bulletin de notes de classe primaire, habits, photos, cartes, maquettes mais aussi cadeaux officiels de l’époque où il était grand secrétaire du parti : autant de fétiches qui alimentent un culte de la personnalité.
Une salle se distingue toutefois par l’épuration de sa présentation : un cercle de colonnes blanches, tronquées pour ne pas gêner la vue, entoure le masque funéraire du Staline présenté sur un coussin rouge. Les murs eux–mêmes sont rouges. La traversée de cette salle se fait dans un silence quasi religieux.
Salle du masque funéraire - Photographie : E. Lelong
Il faut ensuite passer au jardin où l’on découvre la maison natale de Staline, occupée par son père artisan. Cette maison est préservée des outrages du temps par une structure néo-antique décorée de faucilles et de marteaux. La visite se termine par un passage dans le wagon du train qui transporta Staline dans toute l’Europe de l’Est.
Wagon du train de Staline - Photographie : E. Lelong
Enfin, une salle cachée sous l’escalier aborde l’emprisonnement de certains hommes et les souffrances de la guerre mais le guide nous explique bien « Cela n’a rien à voir avec l’exercice du pouvoir par Monsieur Staline ».
Pas un mot ?
Pas un mot et pas une image sur la propagande, encore moins sur l’existence du goulag et les souffrances des prisonniers. Sont aussi occultés les assassinats politiques et les autres crimes commis par le dictateur. Le musée va encore plus loin puisqu’il invente des pièces à conviction et donne, parfois à tort, à Staline un rôle prépondérant depuis sa jeunesse. La maquette d’une imprimerie clandestine par exemple le présente comme le chef de file d’un mouvement de journalistes contestataires alors qu’en réalité il ne s’est jamais rendu dans ce lieu !
Malgré de menus efforts (retirer la statue par exemple), Gori et sa population semblent s’accrocher à leur gloire passée. Le musée conserve en grande majorité sa présentation de 1957 qui, il faut le dire, dépeint de façon flagrante le culte de la personnalité instauré par le tyran ! - Même si le musée n’a été fini qu’après sa mort.
Cependant le reste de la Géorgie ne partage pas ce désir de glorification et refuse de maintenir le musée en l’état. Un débat fait donc rage parmi les professionnels des musées en Géorgie : que faut-il faire du musée de Gori ?
- Le raser et tout oublier
- Le raser et construire un musée dédié aux victimes de Staline
- Le conserver et construire un dispositif de « para-musée » qui pointe la dimension de propagande de la présentation, comble ses silences et rend hommage aux victimes
La dernière option, plus novatrice, me semble la plus sensée. Ce musée tel qu’il est, est une richesse historique à étudier. Il reste …
….à s’interroger sur la forme que devrait prendre ce« para-musée » : une visite guidée ? Un ensemble de cartels ? Un autre musée voisin ?
… et à faire accepter l’idée à la ville !
Églantine Lelong
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