C’est notre histoire, Premières Nations et Inuit du XXIe siècle, ce titre de l’exposition permanente du Musée de la civilisation de Québec sur les Autochtones du Québec est lourd de sens. Il porte haut et fort que l’histoire des Premières Nations et des Inuit est celle, certes des Autochtones du Québec, mais aussi de tous les Québécois. L’exposition raconte l’histoire des peuples autochtones du Québec, plus de 12 000 ans, elle aborde l’histoire coloniale française et anglaise. Elle explique comment l’histoire partagée entre Européens et Autochtones a transformé les modes de vies et les cultures traditionnelles. Elle montre également comment ces peuples vivent aujourd’hui, les traditions qu’ils ont su sauvegarder et développer. Enfin, elle présente les enjeux sociaux et politiques liés à la décolonisation. L’exposition repose avant tout sur la parole de différents Autochtones, des téléphones rouges disséminés dans la salle permettent de faire entendre leurs voix sur les différents événements. Des vidéos d’interview accompagnent le visiteur et des œuvres d’art contemporain transmettent autrement leurs récits. La force de cette exposition repose sur le fait qu’elle a été créée en collaboration avec les principaux concernés. Une grande importance a été accordée à la parole des nombreux participants autochtones au processus de création.

Affiche de l’exposition C’est notre histoire © Musée de la civilisation

C'est notre histoire et le Temps des Québécois

Le Temps des Québécois, l’autre exposition de référence du musée, qui vient de se refaire une petite beauté, parle du Québec depuis les premières nations jusqu’aux enjeux de notre monde contemporain. Elle s’appuie essentiellement sur une muséographie d’objets mettant en valeur les artefacts faisant du sens pour les Québécois.


Objets de premières nations et de colons français dans la même vitrine dans l’exposition Le temps des Québécois © O. de Souza

En visitant ces expositions, j’ai réalisé que je ne connaissais pratiquement rien de ces histoires. En France, à l’occasion de la visite de l’exposition Nunavik En terre inuit, j’avais déjà constaté mes lacunes à propos de cette histoire, mais au Musée de la civilisation j’ai pu prendre l’ampleur de ces dernières. Me  demandant si je n’avais pas été attentive durant mon secondaire, j’ai décidé de mener l’enquête autour de moi. Commençant  par interroger mon colocataire, français aussi, celui-ci m’avoue qu’il ne savait même pas qu’il y avait des Premières Nations à Québec. Je demande alors à ma sœur de chercher dans ces manuels scolaires si elle trouve quelque chose : aucune trace de notre lien avec le Québec. Elle va alors interroger son professeur d’histoire au lycée, celle-ci lui explique que ce n’est pas au programme, mais qu’il arrive que cette histoire soit évoquée  à titre d’exemple. Puis elle me rapporte la parole de son amie qui adore le Québec, mais qui pensait que le français y était parlé à cause d’une immense vague d’immigration (certes, on pourrait parler d’une immigration colonisatrice). Je mesure donc que ces lacunes concernent d’autres Français.

Chaque année, des milliers de Français partent au Québec, cette province est vue comme un eldorado, un morceau du rêve américain sans barrière de la langue. Et pourtant on s’attarde rarement sur le fait que ce pays est francophone, car nous l’avons colonisé dès 1534, que des guerres avec les peuples autochtones ont éclaté et que nous avons détruit une grande partie de leur population, de leur civilisation. Cela n'a rien d'étonnant si on nous appelle « maudits Français », on ne connaît pas notre histoire commune, on ne fait pas l’effort de se souvenir de notre lien avec ce pays, ce qu’on y a fait. Et pourtant l’histoire du Québec c’est aussi une partie de l’histoire de France.

C'est notre histoire

Nuage de mots à la fin de l’exposition Le temps des Québécois  répondant à la question : « Le Québec contemporain c’est… » © O. de Souza

Je n’ai pas la prétention de chercher des réponses pour savoir pourquoi cette histoire est « oubliée » ni de débattre sur les enjeux de la réappropriation et la revendication de cette histoire. Je ne parlerai pas de la complexité à comprendre ce récit qui  concerne plusieurs nations, plusieurs cultures, il n’est pas bilatéral comme les habituelles histoires de colonialisme.  Pour rendre compte de toutes les complexités, c’est à un autre exercice littéraire qu’il faudrait s’atteler : une thèse!

Néanmoins, n’oublions pas : C’est notre histoire.  

Océane De Souza

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