Tatihou est une île. Une petite île de moins d'un km² au large de Saint-Vaast-la-Hougue, sur la presqu'île du Cotentin. Sur cette île, un petit musée. Comment y aller ? En roulant ou en flottant, tout dépend de la marée. Et oui, le bateau a des roues !
© Musée maritime de l'île Tatihou, J. Petremann
©Office de tourisme Cherbourg - Cotentin
Après un périple à travers les parcs à huîtres, nous arrivons sur la cale du petit port de l'île. Nous déposons nos affaires dans notre petite chambre et partons à l'aventure...
Deuxpossibilités : commencer par le tour de l'île, verte et sable, turquoise quand le soleil arrive, ou se diriger vers les bâtiments protégés par l'enceinte de l'ancien lazaret, le musée, caché au fond d'un jardin d'acclimatation luxuriant. Le soleil est de sortie, ce sera le tour de l'île ! Personne malgré le beau temps de septembre, la seule population est constituée des moutons qui entretiennent l'île et de quelques oiseaux de la réserve.
La pluie nous rattrape et nous entrons dans le musée. Flottes et fracas, les épaves de La Hougue, 1692 est un circuit permanent exposant les résultats des fouilles menées par le DRASSM de 1990 à 1995 sur les épaves de douze vaisseaux français coulés en 1692 par les Anglais.
Un parcours d'exposition chronologique et immersif
Retraçant les raisons historiques, économiques et politiques qui ont amené à cette bataille, l'exposition démarre par une galerie de portraits rouge vif, peut-être pour montrer que ça commence à chauffer...Les portraits sont en majeure partie des fac-similés, mais leur majesté montre bien les forces en présence, les personnalités engagées, Jacques II, Louis XIV, l'amiral Tourville...
Ensuite, place à la préparation ! Fini le carrelage ; le sol se retrouve tout de bois vêtu, l'ambiance change. Nous voilà dans un autre univers... Le choix du bois, les outils et les différentes étapes de construction des vaisseaux du roi sont expliqués à l'aide de maquettes et d'objets très parlants. Quarante-quatre vaisseaux vont appareiller de Brest le 12 mai 1692. Mais avant de partir, il faut bien les armer et faire le plein de vivres et d'armes. Poulies et caps de mouton, matériel de voilerie, barriques et pièces de gréement sont présentés comme des trésors, choisis parmi les nombreux objets retrouvés sur les épaves de La Hougue.
©Musée maritime de l'île Tatihou
Plus loin, l'atmosphère change encore : à bord du bateau, les voiles sont à poste, le bois craque au gré de la houle, on sentirait presque le sol bouger. « Hissez les voiles ! », c'est l'occasion de tester nos forces en manipulant un modèle réduit de palan de grand-voile (la poulie centrale mesure tout de même 60cm de haut !) pour comprendre la démultiplication permise par les poulies. À bord, la vie s'organise selon des rythmes précis, des affectations pour chacun, des moments inévitables. Les instruments de navigation côtoient les objets de la vie quotidienne, les uns n'allant pas sans les autres. Matelots, officiers ou surnuméraires, tous sont évoqués par des objets personnels, allant de la pipe rudimentaire en os aux travaux d'art populaire fins et ouvragés.
Exposer les batailles
©Musée maritime de l'île Tatihou
« BAOUM !BAOUM ! », les canons tonnent, plus personne dans les hamacs, c'est l'adversaire qui attaque en premier ! « Branle-bas de combat ! Tout le monde à son poste ! », les canons sont prêts à tirer, les armes sont sorties, les stratégies établies, nous sommes au cœur de la bataille. Une vidéo narre en images et en musique la bataille du côté des Français, du côté des Anglais. Les Français profitent de la brume et de la nuit pour tenter de s'échapper (44 vaisseaux français contre 99 vaisseaux anglais, c'était prévisible...), mais c'est surtout le lendemain que la flotte française va déchanter. Un bon nombre d'entre eux se replient vers les ports fortifiés de Brest et Saint-Malo, mais treize ne peuvent pas passer le Cap de la Hague et se retrouvent face aux Anglais... À l'issue du combat, douze vaisseaux seront coulés devant Saint-Vaast-la-Hougue.
©Musée maritime de l'île Tatihou
Redécouvertes en 1985, les épaves des vaisseaux français sont alors étudiées par une équipe d'archéologues sous-marins, dirigée par Michel L'Hour et Elisabeth Veyrat. « Retour vers le futur » avec la cloche de plongée, utilisée juste après les naufrages pour récupérer les pièces de bois intéressantes et les canons sur les épaves. Aujourd'hui les fonds sous-marins de la Manche sont plutôt calmes, la houle s'entend encore, mais elle nous porte, elle ondoie,et elle dévoile les épaves et leurs secrets... Sitôt sortis de l'eau il faut s'en occuper, les traiter pour qu'ils ne se désagrègent pas, les étudier pour pouvoir les valoriser et reconstituer l'histoire.
L'exposition est finie, le reste du musée est à explorer, l'île n'a pas encore livré tous ses secrets...
Flottes et fracas, les épaves de La Hougue, 1692 est une exposition remarquable, et surtout très surprenante dans un endroit comme Tatihou. Le parcours chronologique choisi semble tout à fait logique et se déroule de manière très fluide, notamment grâce aux différentes ambiances créées par la scénographie. Sans surenchère, celle-ci nous emmène au cœur du sujet, de la construction des vaisseaux du Roi à la bataille, puis à leur naufrage et leur dernière demeure, sous l'eau. Nombreux pour une exposition de cette taille, les différents outils de médiation sont toujours bienvenus, faciles à comprendre et à utiliser. Les textes ne sont pas rébarbatifs et permettent une très bonne compréhension des facteurs qui ont amené au naufrage des douze vaisseaux du Roi, et des problématiques de l'archéologie sous-marine en Manche.
Le Musée maritime de l'île Tatihou
Le Musée maritime de l'île Tatihou ouvre au public en 1992. Son programme scientifique et culturel a pour vocation de présenter le mobilier archéologique des fouilles sous-marines des épaves de La Hougue, l'occupation de l'île depuis l'âge de Bronze jusqu'à aujourd'hui, l'histoire et l'ethnographie maritimes des côtes de Basse-Normandie, (histoire technique, économique et sociale de la pêche et des aménagements portuaires). Sous la responsabilité du Conservatoire du Littoral, elle présente aussi un volet histoire naturelle du littoral. Avec une gestion au niveau départemental, le musée de Tatihou présente des expositions de qualité malgré son accessibilité difficile, son manque de personnel et de moyens. Îlot culturel, îlot historique, il attire pas moins de 60 000 visiteurs par an, grâce à ses différentes installations touristiques (hébergement, restaurant, ateliers, festivals...).
Muséographie : Com&Graph
Juliette Lagny
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