C’est en parcourant les ruelles de Grasse, que je suis tombée sur un petit musée, qui pourrait passer complètement inaperçu, mais révèle un profond héritage historique que je ne soupçonnais pas. Grasse est souvent qualifiée de capitale mondiale du parfum. Il faut dire que la renommée de la ville repose avant tout sur le Musée International de la Parfumerie, de quoi voler la vedette aux autres musées gérés par la Communauté d’agglomération de Grasse. Quant à l’héritage vestimentaire de la ville, le Musée Provençal du Costume et du Bijou, propriété de la ville de Grasse, retrace l’histoire des femmes provençales en préservant une collection de costumes et de bijoux des XVIIIème et XIXème siècles. Sa collection privée a été assemblée par Hélène Costa.

Gravure de mode, Musée Provençal du Costume et du Bijou  © A.E

Le musée est situé dans l’Hôtel particulier de Clapier-Cabris, ancienne demeure de la Marquise de Cabris, sœur de Mirabeau. Un emplacement d’une grande valeur qui devrait donc attirer les visiteurs. Mais à ma grande surprise, personne. Personne dans le musée si ce n’est une gardienne faisant office d’hôtesse d’accueil, ravie de nous accueillir en ce lieu visiblement déserté. Deux euros, seulement deux euros pour accéder à ce patrimoine qui n’a sûrement pas plus de valeur aux yeux des Grassois.

C’est donc en terrain inconnu que je monte le grand escalier central du musée, un lustre éclaire cet espace sombre. En entrant dans la première salle, je découvre sur une estrade une scène de vie : deux femmes provençales, dans une cuisine, habillées de leur robe, coiffe et tablier en dentelle. A la manière d’un musée de Folklore, les deux personnages sont mis en scène de façon à illustrer et conserver l’image de coutumes provençales. Un écriteau explique l’histoire des dentelles, de la fabrication manuelle à celle mécanique. Il s’agit d’un long texte, que je ne lis qu’en diagonale tant mes yeux sont rivés sur la minutie des détails apportés à la dentelle des costumes.

3uU7yfQ5AdlfYwu5BbV5tpZkvehwFZxbxIQFUyVro bovaU THejE ModTeTYGWyne8AIDvXKLG7Ljqe3LNBlgX3J3BGuQCkGfDo1LaipSapUNn2xCqApe 5dfktqj4oOp6c9smfJe poursuis ma visite dans une pièce, dont la scénographie m’intrigue. Des mannequins sont disposés de manière aléatoire, ces femmes elles-mêmes placées sous de grandes cloches cylindriques en verre. L’idée me paraît intéressante en ce qu’elle m’évoque la mise en flacon d’un parfum. Une scène du film « Le Parfum » me vient également à l’esprit, lorsque la femme est enfermée par Grenouille dans un cylindre de verre pour en distiller son odeur. Je m’interroge néanmoins sur la vocation de ce dispositif, le propos du musée n’ayant pas de rapport direct avec le thème du parfum. Vous me direz que je vois un lien là où il n’y en pas, que l’esprit de Grasse agit sur moi, distille dans mon inconscient sa trace et me pousse à faire cette relation directe alors que le scénographe n’y avait pas pensé.              

Décor du film Le Parfum de Tom Tykwer © A.E  

 

https://1.bp.blogspot.com/-Jw64ZUFepYw/WH3znqsQfuI/AAAAAAAADGQ/PHYTTwrrVXkzw4Po8Tkza4kOoLwgKqmCQCLcB/s200/15878648_10211923349625864_1300568642_n.jpghttps://4.bp.blogspot.com/-JFI4kq2qjj4/WH3zgbMexHI/AAAAAAAADGI/DPzlS0pqPEo5MooD7nYVENHh_JKJkHwiACLcB/s200/15841289_10211923386346782_624401828_n.jpg

Mannequins sous « cloches » © A.E

 

La conservation des costumes est certainement à l’origine de ces dispositifs, ils sont préservés de tout contact avec les visiteurs. En cela, j’y vois une nouvelle ressemblance aux cloches de mariées qui visaient à préserver le bouquet de la mariée. Si cela provoque par conséquent une distance entre le contenu de ce musée et le visiteur, ce dernier peut cependant apprécier le vêtement sous toutes ses coutures en tournant autour de ces cylindres et ainsi observer tous les détails de la dentelle. Un jeu de lumière donne lieu à l’appréciation des mouvements du textile, les plis, bien que ces mannequins soient figés. Chacun représente l’habit typique d’une région à un moment donné. Toulon, Grasse, le Gard, Marseille, le Var … la collection illustre une richesse tant dans le nombre de costumes conservés que dans la diversité des villes représentées. Des gravures de mode accompagnent chacun des cartels et situent le costume dans son époque. Cela m’évoque immédiatement les gravures de Paul Iribe dans l’ouvrage Les robes de Paul Poiret racontées par Paul Iribe, par le dessin de femmes de la bourgeoisie posant dans  leurs riches tenues.

https://2.bp.blogspot.com/-8CeiNFS9Ve4/WH30NL133MI/AAAAAAAADGc/eYEVTrtrxlgxfZQsUGWf0jr690LW5PHvACLcB/s320/15879408_10211923509549862_940997430_n.jpg

Gravure de mode, Musée Provençal du Costume et du Bijou  © A.E

Je poursuis ma visite en déambulant dans ces pièces qui parfois présentent des scènes de vie préservant les vêtements portés derrière des paravents de verre, suggérant l’intimité de ces dames ainsi que la préciosité de leurs vêtements. Sur les murs sont inscrits des proverbes comme une voix narrative invitant à poursuivre la visite.

q88wfSOQle FICZPJa57U2oPme84DZ5sS EvciTOv0nOL1Gp6ESJb2pQo2yu4drhPLlM1gQGh hEdmFLaJFzVtwWshDAz2jI6Dmm2946EpmhnKno5qNTeUvtawCUogOGmKIjic65Le décor change dans la salle dédiée à la présentation des bijoux provençaux : salle carrée sans source de lumière naturelle, où l’éclairage joue un rôle primordial. Un imposant lustre vient éclairer la vitrine centrale qui présente tout en longueur des parures et boucles de ceintures en argent. Sur chacun des murs sont alignées des vitrines encastrées. Il s’agit en quelque sorte de petites boîtes profondes où la lumière n’éclaire que le bijou. Ce procédé accentue ici encore la préciosité et une forme d’inaccessibilité pour les visiteurs. Paradoxalement, des cartels sont disposés sous ces vitrines de façon à révéler les techniques de fabrication de ces bijoux, ou bien leurs usages, leurs valeurs, leurs symboliques etc…

Salle des bijoux et vitrine murale © A.E

HMN7T4zsX8TYN3R0lAoldakxb9XDdwJJmSlXE3shgyN b742CFYe3U9gHNzkM9ldFZ65PKIL DarAWtjNqO3BSEDCIvCmtnqVLNRC5m1Z51Yij 5kys4rL0P52FEFsA d cPot 3La visite se termine sur une touche graphique discrète où l’on perçoit les silhouettes de Provençales peintes au mur du dernier couloir, lui-même percé de fenêtres offrant un dernier regard sur les mannequins de la salle « des cloches en verre ».

Un sentiment me traverse : la distance établie entre le visiteur et le contenu de cette collection mise sous verre est-elle à l’image de la méconnaissance du public vis-à-vis de ce musée ? En effet, les dispositifs de présentation ne permettent pas au visiteur de s’approprier le contenu du musée, tant les objets semblent préservés de tout contact. De la même façon l’absence de communication autour de la structure ainsi que son emplacement peu connu créent une réelle distance entre les visiteurs et le musée. Quelles techniques pourraient être mises en œuvre, par le biais d’une médiation par exemple, pour attirer davantage de visiteurs ? Quel est l’intérêt d’installer un musée d'artisanat dans une ville qui en possède déjà un autre très connu, pourquoi ne pas l'installer dans une autre commune ou voisinant celui du parfum pour inciter les gens à le visiter ?

 

Anna Erard

#grasse

#muséeprovençalducostumeetdubijou

#costume

Retour