Le moyen de médiation muséal que nous vous présentons aujourd'hui est certainement le plus moderne de tous, sa modernité est intemporelle et indépassable.

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Homo sapiens

Le moyen de médiation muséal que nous vous présentons aujourd'hui est certainement le plus moderne de tous, sa modernité est intemporelle et indépassable. Pourtant son ancienneté dépasse largement l'existence des musées : 7 millions d'années environ pour le tout premier modèle, environ deux cent mille ans pour le modèle actuel après de nombreuses évolutions. Il fut aussi de l'aventure des tous premiers musées, il les créa et fut l'instigateur de toutes ses transformations.Nous vous le donnons en mille : l'humain.

 

Mais pas n'importe lequel : celui auquel nous nous intéressons aujourd'hui est original de par son statut mais aussi sa raréfaction. Il ne se trouve que dans un seul type de musée : les musées associatifs, il s'agit des intervenants bénévoles.

Ceux-ci ne sont pas de nature des « moyens » de médiation, ils ne sont là que pour l'accueil et le bon fonctionnement du musée. Et pourtant ! Là où tant de musées dépensent des sommes faramineuses en équipements de médiation ultra-modernes,ou dans les salaires des professionnels de cet discipline indispensable, lesbénévoles accomplissent cet office gratuitement, avec une animation, une chaleur et un ton unique. Pour illustrer cela, nous nous sommes rendus dans un musée associatif : le Musée du Vermandois, situé dans l'Aisne, à Vermand ; petite commune de 2000 habitants proche de Saint-Quentin. Nous avons vu là-bas une intervenante qui à elle seule illumina notre visite et rendit ce musée plus vivant et parlant qu'aucun autre musée de ce type. Cette personne n'a aucune formation dans le domaine des musées, mais c'est une passionnée avec une culture très riche, variée. Elle a surtout toujours l'envie de partager ses connaissances avec les visiteurs, qu'elle accueille toujours avec un sourire puis avec une présentation du musée et de sa ville ; présentation très complète sans être scolaire.

Mais avant tout, mettons-nous d'accord sur la définition de « moyen de médiation », et précisons pourquoi une personne peut-en être un. D'abord parce que ces bénévoles font tout ce qu'un moyen de médiation doit faire, sans être ni des guides, ni des médiateurs agréé.

Ils présentent le musée, racontent l'histoire de ses collections, le parcours. Pour le musée du Vermandois, il s'agit notamment de mettre en avant la riche histoire de la cité depuis les celtes, pour mettre en valeur la collection archéologique issue des fouilles. Il faut aussi présenter les autres étages, leurs buts, intérêts et liens avec la ville de Vermand et sa région.

Puis ils deviennent vraiment des outils de médiation indispensables lorsque la médiation fait défaut dans le musée. Les musées comme celui-ci n'ont ni les moyens, ni la place, ni la possibilité de mettre en place une médiation et un affichage informatif exhaustif partout. Heureusement, pour toutes les questions possibles et imaginables les bénévoles sont là. Ils n'ont pas toujours les réponses, mais ont toujours une remarque qui indique la valeur de l'objet en question, le remet dans un contexte ou du moins donne au visiteur l’impression d'être avec quelqu'un comme eux.

Souvent cela ouvre sur une discussion, un échange qui permet au visiteur de faire naturellement le lien entre son expérience personnelle et la collection présentée, en même temps que d'apprendre quelque chose. Cet échange gratuit et chaleureux entre deux amateurs rend les bénévoles si spéciaux ; par rapport aux professionnels pour lesquels tout échange est une formalité avec un rapport donnant / recevant, et par rapports aux moyens de médiation artificielles.

 

Un diorama © Musée du Vermandois

vvtvtytyvDans ce musée comme dans tous ceux du même type, ils deviennent donc indispensables. Une visite avec ou sans leur intervention est radicalement différente. Le meilleur exemple se trouve dans la partie du musée consacrée aux « métiers d'antan ». C'est la partie ethnologique du musée, dans laquelle sont présentés de nombreux objets de métiers ou de la vie quotidienne du XXe siècle. Il y a d'abord eu un effort de mise en scène avec des dioramas, tel le musée de Frédérique Mistral. Mais grâce, ou à cause de dons nombreux, il y a eu un assemblage d'objets de plus en plus divers, sans qu'il soit possible de tout référencer, par manque de place il y a très peu de cartels et d'affichage. C'est devenue une véritable caverne d'Ali Baba très riche, peut-être même trop. Sans médiation, il est possible de reconnaître certains objets et de percevoir des évolutions (comme les machines à laver ou les télévisions), malheureusement on peut aussi être frustré et saturé de se retrouver face à une telle masse d'objets, cela peut être illisible.

Mais avec l'intervention d'un bénévole, cela devient une expérience muséale unique. Surtout avec celle que nous avons vu, qui en plus de son charme naturel, sa classe, son sourire, a fait l'effort de se renseigner sur presque tout ce qui se trouve dans cette caverne, qui devient alors un lieu d'échange didactique incomparable.

On y apprend d'abord des choses, notre étonnement devant certains objets étranges se transforme en découverte de pratiques, aujourd'hui disparues. Certains objets qui semblaient insignifiants ou perdus dans la masse retrouvent leurs sens. Là où des cartels et panneaux seraient indigestes, surtout pour de si nombreux objets, la mémoire de l'intervenante et son talent de conteuse nous les rendent intéressants et vivants.

 

La section « métiers d'antan »© CDT02

ygyuguyguygyugPuis, souvent, la leçon se transforme en discussion, en échange de connaissances, et mieux encore de souvenirs. Voilà qui est au cœur de la volonté de beaucoup de musées ethnologiques : faire le lien avec le présent. Chacun projet montre naturellement ce qu'il a connu ou ce qu'il pensait connaître dans cette caverne qui s'anime alors par la magie de l'imaginaire. L'échange est fructueux pour les deux parties, puisque l'intervenant n'est pas censé tout savoir et peux tomber sur un visiteur qui a connu tel ou tel objet. Une visite sans médiation, qui aurait pu durer quelques minutes et ne déboucher sur aucune connaissance, se transforme en rencontre chaleureuse entre gens curieux dans laquelle le musée retrouve son sens premier : la diffusion de connaissances, mais avec ce plus humain, et la possibilité de développer tout en gardant le visiteur concerné.

Alors que les musées modernes sont généralement dans une recherche de clarté, d'épuration, on voit que cette forme d'exposition qui tend à disparaître peut avoir un intérêt grâce à ces outils de médiation humains, amateurs et passionnés que sont les bénévoles. Cela pourrait même être un concept à reprendre dans certains grands musées.

Bien sûr, ces « appareils » ont de nombreux défauts, dus à leur nature humaine et leur statut non professionnel : le manque d'exhaustivité des connaissances, l'inconstance des sentiments et des humeurs de chacun, la disponibilité aléatoire selon la fréquentation du musée.

Mais songez que ce sont les seuls qui s'adaptent vraiment à chaque visiteur, à chaque type ou catégorie. Souvent, les outils de médiation mis en œuvre par les professionnels s’adressent à un type de public spécifique, ciblé, la plupart du temps scolaire. Ici, chacun à le droit à un accueil personnalisé, qu'il soit enfant, groupe de scolaire, personne âgée, professeur d'Histoire, passionné de tel ou tel sujet, simple passant, curieux ou même non curieux, sans qu'il n'y ait aucune stratégie basée sur des a priori dont les professionnels aiment à user lors de colloques.

Sans prétention aucune, ils permettent une approche des collections qui leur est propre et ne pourrait être imitée. Ils humanisent des choses sans vies, et impliquent le visiteur qui se transforme alors en invité privilégié dans une promenade à travers le temps, qui s'achève le plus souvent, grâce à une fréquentation moindre, en une sympathique discussion autour d'une boisson. Le personnel du musée apprend parfois autant de certains visiteurs que l'inverse, ce qui peut amener celui-ci à s'améliorer, ce qui rend en plus cette médiation participative.

Nous avons donc là un moyende médiation humaine inimitable et propre aux associations, original par son statut de bénévole et d'amateur, toujours et à jamais moderne car l'esprit humain est une machine indépassable en matière de technologie, avec la capacité d'adaptation la plus grande possible et cette possibilité d'impliquer le visiteur. Mais surtout original car chacun d'entre eux est spécial et rend chaque visite unique.

Daniel Bonifacio

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