Le Musée Bargoin se situe en plein cœur de Clermont-Ferrand et ses collections permanentes sont constituées de découvertes archéologiques locales. À cela s'ajoutent des expositions temporaires à la scénographie originale centrées sur les arts textiles.

Le musée accueillait jusqu'au 21 mai 2017 l'exposition Verdures, qui a l'originalité d'allier textile ancien et numérique. Quel lien peut-on établir entre des tapisseries datant de la renaissance et des œuvres très contemporaines ?

© photo C. L.

La première œuvre s'intitule Akousmaflore, voilà un titre bien curieux ! Le sous-titre l'est encore plus : « Vous êtes invités à caresser les plantes délicatement ». Lorsque l'on touche les plantes, elles émettent des sons, nous parlent. L'interaction avec les végétaux est beaucoup plus riche qu'elle ne l'est habituellement, même s'il s'agit peut-être de cris de protestation de la part des plantes ...

On beat one tree, Naziha Mestaoui © photo C. L.

Au premier étage, la salle est plongée dans le noir, équipée d'un immense écran. Des formes vertes apparaissent, se transforment petit à petit sous nos yeux en arbre. Grâce à On beat one tree, en se plaçant sur un socle tactile, vous pouvez créer un arbre et le voir s'épanouir. Il grandit au rythme des battements de cœurs du planteur. Je n'ai pas compris si bouger les bras permettait de contrôler le dit arbre, mais j'ai essayé.

Planter un arbre n'a pas que des vertus esthétiques, les végétaux jouent un rôle important pour maintenir l'équilibre de l'écosystème mondial, Ainsi dans le même espace, une vidéo montre la plantation de mangroves dans des espaces menacés par la montée des eaux. Interroger la relation entre les hommes et la nature interpelle les publics à propos de la crise écologique que nous traversons.

La visite se poursuit un étage plus haut, à notre droite, une installation de l'artiste Anne-Sophie Emard, Souche. Des cubes empilés les uns sur les autres diffusent des vidéos, ou plutôt des images en mouvement, mélangeant des parcelles de nature et d'humanité. L'expérience du sensible est au cœur de cette œuvre, rappelant que notre environnement nous façonne. L’œuvre résulte de l'assemblage de plusieurs éléments : les images semblent tissées, tout comme les tapisseries fabriquées par un enchevêtrement de fil.

Souche, Anne-Sophie Emard © photo C. L.

 

Tout en transparence, Paysage DPI d'Isabelle Dehay, montre le développement de végétaux, grandissant lentement sur des écrans de voile qui se superposent. Ici le textile devient le support de la création.

Paysage DPI, Isabelle Dehay © photo C. L.

 

Deux œuvres assez contemplatives qui nous obligent à passer plusieurs minutes à les observer pour les apprécier pleinement. Des sièges disposés dans les deux espaces permettent de le faire confortablement et le spectacle est assez reposant.

Juste à côté, sont exposées les fameuses tapisseries d'Anglards-de-Salers, fabriquées à Aubusson. Ici, l'ambiance diffère beaucoup, plus d'obscurité mais une ambiance très bucolique. La scénographie nous transporte dans un jardin verdoyant où de confortables transats sont installés face aux tapisseries.

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Parfois de taille impressionnante, parfois plus petites, elles sont les témoins du savoir-faire des manufactures d'Aubusson. Confectionnées en 1586 lors du mariage de Renée de Chalus d'Orcival et de Guy de Montclar, elles constituent un ensemble baptisé le « Bestiaire fantastique ». Au cours du XVIe siècle, elles seront déplacées dans le château de la Trémollière et redécouvertes cent ans plus tard lorsque le bâtiment devient un presbytère. Les tapisseries, exceptionnellement bien conservées, restaurées à deux reprises et d'une grande richesse iconographique, sont classées Monuments Historiques en 1908.

Dans leur décor, une végétation luxuriante se mêle à l'architecture médiévale, à la faune et aux créatures fantastiques, le réalisme et le fantastique. Si les humains sont absents de ces représentations, on aperçoit des bâtiments en haut des tapisseries, des châteaux, des églises et des villages qui symbolisent la Culture. Cette dernière est matérialisée en haut des tapisseries, elle jouxte la nature mais une séparation est clairement établie entre les deux. Ces œuvres illustrent la pensée médiévale opposant humanité et nature. Notre regard est-il toujours le même cinq siècles plus tard ?

© photo C. L.

Au sol, deux reproductions de tapisseries sont des puzzles géants. Les pièces ont beau être énormes, nous avons beau avoir bac +9 à nous deux, il nous a bien fallu dix minutes pour terminer le plus petit …

© photo C. L.

L'unité de base de l'exposition est le pixel. Dans l'escalier, les tapisseries sont minutieusement découpées, mettant ainsi en valeur tous leurs éléments, toute la richesse de leur décor. Les tentures d'Aubusson et les œuvres numériques exposées se composent d'un assemblage d'éléments, qu'il s'agisse de fils entrelacés ou de minuscules pixels.

© photo C. L.

Cette exposition a l'audace de réunir des œuvres du XVIe siècle et trois œuvres numériques, elles ne sont pas exposées dans le même espace mais traitent du même sujet. Cette mise en regard de créations qui diffèrent par leur temporalité et leur support permet de renouveler la vision que nous pouvons porter sur l'art de la renaissance. D'autres parts, toutes les œuvres interrogent le rapport entre humanité et nature et surtout, remettent en cause le regard anthropocentré dans lequel nous vivons.

 

Clémence L.

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