L’exposition « Jean Nouvel, mes meubles d’architecte. Sens et essence » annonce le retour de cet architecte renommé suite à une absence de 20 ans au musée des Arts Décoratifs à Paris dont il a aménagé les espaces dédiés aux expositions de graphisme et de publicité en 1998. Il a eu carte blanche pour mettre en place sa propre exposition du 27 octobre au 12 février 2017.
« Un meuble, une table, une chaise, un bureau, c’est une architecture en soi »
Jean Nouvel est bien une véritable star du bâtiment. On lui doit l’Institut du Monde Arabe, le Quai Branly, mais aussi l’antenne du musée du Louvre à Abou Dhabi. Cet architecte est souvent mis en avant pour ses réalisations architecturales. Cependant, l’exposition fait connaitre une facette moins connue de Jean Nouvel en présentant son travail de designer d’objets et de mobilier. Peu d’architectes contemporains ont créé une aussi importante collection d’objets de design.
Ensemble de tables de Jean Nouvel © SP
« Je ne suis pas un designer, mais un architecte qui fait du design »
Dans son travail d’architecte-designer, Jean Nouvel explore les modèles les plus communs. Que ce soit une table, une armoire ou un fauteuil, le « sens » de l’objet est étudié puis décortiqué afin d’en extirper « l’essence ». C’est en somme le même but qu’il poursuit à travers toutes ses créations ; « faire du sens et du sensible ».
Par contre, il considère son mobilier comme de l’anti-design. Jean Nouvel crée des meubles qu’il dessine en rapport avec la fonctionnalité spécifique du meuble et son ancrage dans la culture de l’époque. Jean Nouvel préfère la rigueur à l’exubérance, afin de créer un mobilier élémentaire, qu’il définit en tant que petite architecture de poche. Sa pratique est comparable aux typologies classiques déjà existantes tel que le « Less is More » de Mies van der Rohe.
Tables modulables de Jean Nouvel © SP
« L’émotion naît toujours de la rencontre entre la complexité des problèmes posés et la simplicité de l’objet réalisé »
L’exposition présentée par Jean Nouvel engage un dialogue avec le lieu, son histoire et sa collection. Séparée en deux sections, elle n’impose aucun parcours ou sens de visite.
La première section invite le visiteur à découvrir les pièces iconiques de l’architecte, la gamme de meubles de bureau « Less » et « LessLess ». Malgré une première pièce qui ressemble beaucoup à un showroom, le visiteur se sent rapidement libre de se promener à travers cet espace de l’exposition, de découvrir toutes les étapes de création des meubles, de s’enthousiasmer de la fonctionnalité aussi simplissime qu’elle soit, et même d’être invité à tester le confort des canapés et des chaises.
Première salle de l’exposition © SP
Entre les tables planes et fines et les armoires parallélépipèdes, la réflexion de Jean Nouvel sur son métier d’architecte et l’architecture du meuble est relatée via des écrans disposés dans chacune des salles. Jean Nouvel se transforme en guide et invite le visiteur à dialoguer avec le lieu et les œuvres.
Pour cette première section, Jean Nouvel a mis en place une scénographie qui ressemble à ses meubles : simples et fonctionnels. Dans les anciens appartements du Palais du Louvre, principalement des meubles exposés et quelques écrans numériques y ont été installés. Seul le couloir drapé d’un tissage sombre fait exception.
La deuxième section de l’exposition étonne : l’architecte y associe ses créations avec des pièces des collections permanentes d’époques qu’il affectionne particulièrement. Le visiteur se promène dans les galeries du Moyen-âge, de la Renaissance, du XVIIème et XVIIIème siècles en étant épaté d’y admirer les meubles de Jean Nouvel.
La Table au kilomètre (2011) se confronte aux retables et aux Pietà, alors que les sièges Milana (1995) dialoguent avec les Sgabelli, des sièges en bois polychrome du Palais des Doges du XVIème siècle.
Table au kilomètre © SP
Cette mise en scène fonctionne grâce à la poésie que créée le dialogue entre collections et mobilier de l’architecte, mais aussi aux jeux de lumières qui plongent le visiteur dans une semi-obscurité.
« L’architecture est à la fois grande et petite, qu’elle n’est pas moins intérieure qu'extérieure »
Au final, cette collection d’une centaine de pièces de mobilier demande à être explorée par le public. L’association du mobilier contemporain avec des œuvres datant du Moyen-âge jusqu’au 18ème siècle peut dérouter, mais impressionne rapidement grâce à la poésie créée.
Avec cette exposition, Jean Nouvel nous prouve que ce musée de l’objet, le musée des Arts décoratifs peut accueillir l’architecture en l’occurrence dans sa forme de poche.
Sarah Pfefferle
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