La Galerie du Temps au Louvre Lens se veut innovatrice dans la conception muséale. La disposition des œuvres en attente dans ce grand hall surprend. Cette organisation dans l'espace renvoie à une relation particulière de l'image objet mentionnée par la culture Post-Internet, notamment le Post-Internet art.

© C. Camarella, La Galerie du Temps, Louvre Lens

Le Post-Internet art, qu'est-ce que c'est ?

Le Post-Internet art est un nouveau terme pour qualifier le travail des artistes contemporains qui utilisent internet comme un outil. L'idée de l'art est produite dans un contexte numérique. On peut le situer entre le New Média et le Conceptualisme, c'est à dire un travail avec les nouvelles technologies et leur matérialité, et l'utilisation de méthodes de diffusion comme concept.

Cela s'inscrit  dans une démocratisation des nouveaux médias et tout à la fois  dans une certaine désacralisation des œuvres d'art due à leur utilisation sur le web.

Certains artistes, Artie Vierkant, Marisa Olson ou Gene McHugh, ont mis des mots sur ces nouvelles conditions de création et productions artistiques rassemblées sous ce terme.

© Artie Vierkant, Image Objects, installation view, 2013

 

Marisa Olson le dit simplement, après avoir utilisé internet elle « fait de l'art » tandis que McHugh s'intéresse plus à définir une époque, quand internet est autant indispensable pour les programmeurs que pour tous dans la vie quotidienne.

© Katja Novitskova, Pattern of Activation, installation, 2014

 

Le résultat n'est que très rarement un objet physique, et majoritairement un objet virtuel sans indication de source et de techniques utilisées qui donneraient un repère à l'internaute : l'artiste joue entre la réalité et le virtuel, le matériel et l'immatériel, si bien que vous ne savez si plus si l'artiste est l'auteur ou non de la photo retravaillée, ou élaboré et peint à même l'espace.

Notons aussi la pluridisciplinarité engendrée par ses nouveaux outils de création artistique.

De plus le Post-Internet art pose des questions sur l'utilisation massive des réseaux sociaux, le flux continu d'informations et d'images, des liens entre les ressources qui ne sont plus évidentes, et une liberté d'utilisation à la convenance des personnes qui en font un outil de la création contemporaine.

 

Scénographie et dispositifs

Imaginons ici un parallèle entre La Galerie du Temps et le Post-Internet art au regard de la scénographie.

La scénographie prend le parti de créer une grande étendue laissant libre cours à l'expérience, que ce soit de circulation, de points de vue, d'approches concernant l'ensemble des œuvres. Du côté des artistes post internet la création de variations d'un même objet dans une reproductibilité infinie affirme un principe d’ouverture, loin de tout état fixe.

Le parcours propose un long cheminement à travers les œuvres du Louvre retraçant l'Histoire de l'art, de la naissance de l'écriture au 4e millénaire avant notre ère,jusqu'à la révolution industrielle.

Les œuvres ne sont pas classées dans une salle peinture ou une salle sculpture, la scénographie mélange les médias et crée un ensemble pluridisciplinaire entre les périodes, les techniques et les civilisations.

Selon un même principe de décloisonnement, les objets et images post-internet sont développés avec un intérêt particulier pour la matérialité des techniques, les outils et médias ainsi que la variété des méthodes de présentation et de diffusion.

Si le Post-Internet art questionne quant au respect des droits d'auteurs, les cartels dans l'exposition, eux, ne manquent pas de rappeler que les œuvres sont la propriété du Louvre.

La salle offre différents points de vue, renouvelés et réinventés à chaque déplacement du spectateur.  D’où un renouvellement annoncé par le Louvre (qui promet une rotation d’œuvres), qui reste cependant bien plus figé qu'internet, avec son flux d'informations nouveau chaque jour.

Sous vitrine,sur socle, rond, carré, rectangulaire, estrade, groupé ou seul, à l'horizontal ou à la verticale, ou sur table : la profusion de dispositifs de soclage s'adapte à l’œuvre et aux médias, et intensifient le groupement de données que l'on retrouve dans cette esthétique particulière du post internet.

Cette scénographie a le point positif de réellement mettre en action le visiteur.

Les vitrines sont rares et certaines sculptures sont à hauteur d’homme, mais il ne faut pas s'appuyer sur les socles ou autres dispositifs mis sous alarme... une mise à distance contraire à  l’accessibilité sur le web.

© C. Camarella, la Galerie du Temps, dispositifs scénographiques

 

Et le visiteur ?

Le spectateur déambule, au gré de ses envies, tout droit, en diagonale, tourne en rond, fait demi-tour, s'arrête, repart. Le seul élément semblant maintenir l'ordre est une frise chronologique du Temps sur le mur. Il choisit, pioche les informations,sans pression historique. Cette liberté rappelle certains comportements lorsque nous surfons sur internet. Nous serions dans un musée d'hyper connexions ?

Un click, un retour, une lecture, une autre page. L'avancée du visiteur au long de l'exposition dans un espace linéaire se compare à une page internet qui défile,un arrêt devant cette œuvre, un click sur cette page, ce qui renvoie à une autre œuvre et une autre page dans un flux d'images et d’œuvres en perpétuel mouvement.

© C. Camarella, capture d'écran retravaillée, Galerie d'images

© SANAA - Kazuyo Sejima - Ryue Nishizawa,retravaillée sur photoshop, Plan Galerie du Temps

Si le chemin du visiteur devait être tracé, on le verrait comme une souris de clavier qui se déplace dans une galerie d'images sur internet.

 

Comment l'espace d'exposition et les œuvres sont-elles finalement abordées ?

Le Post-Internet art est un mouvement artistique qui s'ancre aussi dans un contexte social comprenant les évolutions des technologies, l'accessibilité à internet et le monde tramé par les réseaux.

Pas de quartiers, les œuvres et médias se mélangent pour créer un ensemble à disposition des points de vue dans une seule échelle du temps. Il n'y a pas de médium plus ou mieux présenté qu'un autre, toute forme d'art se vaut. C'est cette ensemble montré qui construit le Temps et l'histoire des arts.

Acteur principal, le visiteur est autonome, c'est lui qui accorde de l'importance à telle ou telle œuvre. Cherchant habituellement à échapper au parcours prévu,une avancée vers le fond de la salle, les recoins, objets cachés, dénivelés sont appréciés. Le visiteur fera autant attention à ces détails qu'aux œuvres.La scénographie joue avec les œuvres et les visiteurs.

Dans un réseau, la perte de rationalité et de repère est inévitable entre toutes les informations.La démocratisation des outils et médias nous donne pour le moment de nouveaux champs d'actions et la possibilité de faire évoluer les caractéristiques ancrées que ce soit dans les dispositifs muséaux, les idéologies ou doctrines communes par rapport à l'art et ses représentations.

                                                                 Charlène C. 

#LouvreLens

#Post-Internet art

#scénographie

#médias


Pour en savoir plus :

Marisa Olson : http://we-make-money-not-art.com/how_does_one_become_marisa/

La Galerie du Temps au Louvre Lens : http://www.louvrelens.fr/galerie-du-temps