Durant deux mois, de la mi-septembre à la mi-décembre 2012, le Quai de la batterie, atelier et galerie d’art contemporain de l’Hôtel de Guise d’Arras, offrait au public la chance de découvrir l’exposition « Estampes de la Fondation Calouste Gulbenkian ». Cette exposition, répartie sur les deux niveaux du bâtiment, proposait à tous, une vision éclectique des différents types d’estampes originales, provenant de la riche collection de la fondation portugaise. Au rez-de-chaussée, 45 d’entre-elles étaient regroupées par genres et par auteurs, dans « Regard sur une collection », donnant ainsi un aperçu global de la multiplicité des techniques employées.

Jeune-public-au-mucem ©Diego_Ravier

© Quai de la Batterie

 

A l’étage, le second pôle : « Corps Imprimés et Petites Histoires » s’adressait en priorité aux enfants. Dans une salle sombre entièrement toilée de décors célestes bleus nuits, le jeune public était invité à entrer au royaume multicolore des artistes les plus prestigieux. Dans ce décor théâtral, inconsciemment les voix se baissent, les enfants découvraient les yeux écarquillés qu’ils étaient les personnages principaux de la pièce. La grande diversité des œuvres stimulaient l’imaginaire enfantin, qui, en ébullition se mettait à créer une multitude de petites histoires. De Niki de Saint Phalle, à Pablo Picasso, en passant par Alberto Giacometti, les petits visiteurs comme les plus grands voyageaient entre les représentations abstraites du corps humain réalisées par ces maîtres du dessin.

Les 23 œuvres présentées étaient mises à la hauteur de l’enfant, celui-ci pouvait alors s’approcher au plus près de ces images d’art imprimées et se plonger dans son imaginaire. L’art était donc à sa portée, accessible et désacralisé. Pour l’enfant la valeur matérielle n’a pas d’importance, il ne contemple pas le travail réalisé par tel ou tel artiste, célèbre ou non, mais ne juge le dessin que par sa sensibilité.

Les couleurs vives et chatoyantes attiraient le regard, absorbaient le visiteur dans un univers fabuleux, haut en couleur, où l’esprit se promenait entre les allées du rêve et celles la réalité. Installées sur des petites tables plaçaient devant chaque œuvre, ou à même le sol sur des cousins incitant à la contemplation, les petites têtes blondes peuvent se laissaient guider par leur créativité et déployer, à leur tour, toute leur habilité artistique lors de la réalisation de dessins. Ils devenaient alors acteurs de leur visite, l’exposition évoluait donc en un lieu de création. C’était à la fois un espace de jeu intellectuel et matériel, puisque leur énergie débordante était, elle aussi, canalisée grâce à une sculpture tentaculaire, telles les créatures polychromes de Niki de Saint Phalle.

Pour une des rares fois, la scénographie obligeait l’adulte à se soumettre aux contraintes du monde des petits. Pour apprécier les oeuvres dans toutes leurs dimensions physiques et esthétiques, il devait s’abaisser, s’agenouiller, faire l’effort d’aller à la rencontre de l’œuvre, ce qui est loin d’être habituel. Le choix avisé et le nombre restreint d’œuvres poussaient le visiteur à s’intéresser à chacune d’elles. Souvent séduit par la démarche, il prenait la peine de se plier à ce qui, pour certains, pouvait représenter une contrainte, et qui à mon sens était plutôt un parti-pris innovant où il fallait aller chercher l’œuvre, essayer de la décrypter, avec les codes adéquats, pour pouvoir la comprendre.


© Quai de la Batterie

Lors de la venue d’un groupe d’enfants, un médiateur les guidait dans cet univers de rêverie. Il commençait par les laisser entrer seuls dans l’exposition. Se sentant affublés d’une certaine confiance, les petits se voyaient devenir grands. Les œuvres étaient en suite décrites grâce à une approche didactique et surtout ludique, où le jeu est à la base de la communication et donc de la connaissance. Malheureusement, ces jeux se répétaient lors de la description de la plupart des estampes, les enfants devenaient alors très vite inattentifs et se baladaient à leur guise dans la salle. De plus, les cartels, leurs étaient difficilement compréhensibles puisqu’ils ne possèdent pas encore les connaissances nécessaires pour les appréhender. Ils ne prêtaient alors que très peu attention à ces panneaux explicatifs, même situés à leur hauteur. Il aurait alors été plus judicieusement de les placer à une hauteur intermédiaire, facilitant ainsi le confort de lecture des différents publics. On peut également regretter que le texte introductif du parcours ne s’adressait pas du tout aux enfants ; le discours comportant des formules bien trop complexes pour qu’ils puissent en comprendre le sens. La ligne directrice, chère, au scénographe est presque respectée tout le long de l’exposition, même si elle aurait pu être plus approfondie, notamment au niveau de la médiation, où la prise en main des enfants est encore balbutiante.

Cette proposition artistique a la volonté d’éduquer le regard des enfants, en les immergeant dans un univers de création, à la fois intellectuel et manuel, rendant ainsi la compréhension plus accessible.

Boris Boulanger