Tout commence en octobre 2013, lorsque cinq étudiantes de master 1 s’approprient le projet Le travail en corps encore, qui n’avait pas encore de nom avant de les rencontrer.
"Le travail en corps encore" : une immersion dans le Théâtre d’Arras © Sabrina Verove
Tout commence en octobre 2013, lorsque cinq étudiantes de master 1 s’approprient le projet Le travail en corps encore, qui n’avait pas encore de nom avant de les rencontrer. Elles l’ont dorloté jusqu’à lui faire voir le jour. L'éclosion de ce projet est le fruit d’une collaboration entre les étudiantes, l’Art de Muser et le Tandem (le Théâtre d’Arras et l’Hippodrome de Douai) pour une exposition en deux lieux. Nous vous présentons ici l'Acte qui prend place à Arras.
Aux quatre coins des rues d’Arras des affiches vous invitent à venir au théâtre. Vous êtes-vous demandés pourquoi des affiches sont présentes chez le coiffeur, chez le boucher ou encore à la pharmacie ? Et bien, cette exposition touche chaque travailleur et chaque futur travailleur, peu importe leur domaine d’activité.
Six artistes ont répondu à l’appel à projet et se sont questionnés sur le rapport entre le travail et le corps, les séquelles morales et physiques que le travail peut engendrer, le lien entre le travail et le domicile, la vision que chacun a sur certaines activités.
En franchissant les portes du théâtre, le public a pour surprise de découvrir une exposition.
Le parcours est agréable, l’exposition débute dans le hall puis se prolonge dans l’espace bar-détente. Ce partage des espaces la rend attractive.
Effectivement, le parcours est libre et fluide,les œuvres peuvent être associées comme dissociées et ceci dans un sens de visite aléatoire.
Les œuvres trouvent parfaitement leur place dans ce lieu. Les murs blancs et le sol pourpre soulignent les œuvres, leur plasticité et l’esthétisme des gestes, ainsi que le message qu’elles portent.
Cette exposition amène à se questionner, partager des avis, découvrir des artistes. Elle permet aux visiteurs de vivre un moment chaleureux autour d’un thème quotidien.
Le visiteur conclut l’exposition en exprimant les conditions de son corps au travail grâce à trois tampons (une personne heureuse, une personne satisfaite et une personne en colère).
Afin de permettre la découverte des œuvres, les étudiantes, chargées du projet, proposent des visites durant toute la durée de l’exposition : pour le public scolaire ou le public individuel, le public de l’hôpital de jour ainsi que tous les curieux. Chaque personne peut partager ses expériences professionnelles, son ressenti face à ce thème et échanger autour des œuvres. Prêts à en savoir plus sur ces photographies, ces dessins ou ces chaises ?
Commençons par la première œuvre rencontrée : Corps de ballet (2014) de Marion Poussier.
Elle se compose de trois photographies représentant trois femmes, située dans des espaces différents, prenant des postures gracieuses. Leurs corps prennent part à une danse, sont révélés àtravers des gestes qu’elles pratiquent au quotidien. Ces femmes sont agents d’entretien.
Un groupe face aux Corps de Ballet © Sabrina Verove
L’artiste lutte contre les stéréotypes et préjugés envers des métiers bien trop souvent dévalorisés. Ici elle met en lumière ces femmes avec poésie.
Les visiteurs échangent sur le corps et son aspect artistique, sur ce métier indispensable. Ils ont l’occasion de participer à cette recherche gestuelle en prenant un balai et un chiffon et en effectuant des mouvements. Ils répètent ces mouvements sans ces objets. Le corps devient autre, la fonction sensorielle prend le pas sur la fonction utile.
Le travail à l'heure de la technologie © Sabrina Verove
A cette œuvre font écho deux photographies de la série Technomades (2008) de Christophe Beauregard, ou deux personnes sont représentées également sans leur outil de travail. Leurs costumes de bureau et leurs postures amènent immédiatement à deviner que les outils qu’ils ont en mains sont technologiques : un téléphone et peut-être une tablette numérique.
Après avoir quitté le travail, celui-ci peut nous suivre jusqu’à notre domicile par divers moyens. L’artiste questionne ici le pouvoir de la technologie aujourd’hui dans notre vie personnelle.Lisez-vous vos emails une fois les chaussures ôtées à la maison ? Votre téléphone et votre ordinateur professionnels sont-ils toujours à vos côtés ? Le surplus de technologie isole, enferme dans une bulle.
Comme ce thème actuel touche chacun, le public s’exprime facilement sur le sujet, prend conscience de certains actes. Les langues se délient.
La nature au centre de la pensée © Sabrina Verove
Estelle Lebrun apporte sa réflexion sur les pensées qui nous traversent sur le chemin entre notre domicile et notre travail. Sur la trajectoire de paysages, à l’épreuve du dessin (2013/2014) se compose de sept dessins sur papier,en noir et blanc, doux et mystérieux. Ils permettent l’évasion et la libre imagination.
L’artiste observe les paysages qu’elle voit dans le train sur son trajet maison-travail, travail-maison. Elle prend des photographies de bosquets, d’éléments floraux qui bordent la voie de chemin de fer et les adapte en dessin. Ces œuvres sont en mouvements, s’adaptent à la vitesse du train. Ce travail questionne aussi le métier d’artiste et les gestes qu’ils peuvent répéter au quotidien.
À quoi pensez-vous sur le chemin entre votre domicile et votre travail ? Au dossier que vous n’avez pas terminé,à la dernière réunion avec votre patron ou bien détendez-vous en pensant à votre dernier week-end ?
Les visiteurs de l’hôpital de jour ont participé à un atelier en écrivant sur une feuille un mot ou un dessinant ce à quoi ils ont pensé sur la route les menant à l’exposition. Les réponses sont variées,poétiques, humoristiques.
Jean-Louis Accettone intrigue les visiteurs à travers Une expérience éternelle de plus(2007). Ses deux chaises placées contre un mur invitent le public à s’y asseoir.
À première vue à quoi vous fait penser une chaise ? Au repos ? Au travail ? À l’attente ? L’artiste prend en compte ces trois avis. Une chaise permet de flâner, d’attendre confortablement et entraîne des douleurs au travail.
Dès lors qu’une personne s’assoit sur une chaise, une bande sonore démarre. Étrange et envoûtante elle nous parle d’attente, cette attente que nous avons tous vécue, dans un parc, une gare, un restaurant.
L’artiste a choisi la chaise comme un objet quotidien de certains métiers. Le saviez-vous ? En moyenne une personne passe cinq heures assise sur une chaise au cours d’une journée et certaines reproduisent constamment le même geste. De nos jours dans les métiers à la chaîne les postes tournent afin qu’une personne ne répète pas un seul et même geste tout au long de la journée.
Lorsque l'outil de travail devient une oeuvre d'art © Sabrina Verove
Puis le public fait face à deux photographies. Par leur apparence nous pouvons percevoir que les espaces présentés sont des chambres d’aspect accueillant : colorées, décorées et vives.
Que fait-on dans une chambre ? Le public intervient : « On y travaille, on lit des romans, on regarde des films, on se repose, on écoute de la musique etc. » Quel métier ces chambres peuvent représenter ? « Un peintre, un maçon, un agent d’entretien etc. » Une seule image amène plusieurs histoires.
Le doute plane, les personnes qui travaillent dans ces chambres sont absentes. Qui sont-elles et pourquoi ne se dévoilent-elles pas ?
Dans Der Mannergarten (une crèche pour les hommes) (2010-2011) Fabien Marques évoque un métier légal ou illégal selon les pays. C’est le métier de prostituée, où le corps est marchandé, où il est outil de travail.
Dans l'antre d'un métier controversé © Sabrina Verove
Cette exposition, dans un lieu original, est une belle réussite. Les œuvres se répondent et se saisissent du travail sous ses aspects les plus pénibles comme les plus harmonieux. Le public en ressort ravi et voit sous un nouvel angle ce que nous faisons endurer à notre corps au travail.
Curieux d’en savoir plus ? Les étudiantes vous attendent également à l’Hippodrome de Douai !
Lilia Khadri
A découvrir jusqu'au 21 février 2015 au théâtre d'Arras
En savoir plus :- Agenda de l'exposition
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