J’ai visité deux expositions, très différentes l’une de l’autre, qui exposaient des pratiques considérées comme « amateurs ». Dans la définition juridique, l’amateur est « toute personne qui pratique seule ou en groupe une activité artistique à titre non professionnel et dont elle ne tire aucun revenu ». Mais cette question recouvre des réalités et des enjeux complexes et protéiformes. Et comme le dit Annie Chevrefils-Desbiolles, « Les scissions entre culture savante et culture populaire, professionnels et amateurs ont façonné les politiques culturelles et la définition même de la culture. »
Quel est le rôle des musées vis à vis de ces pratiques ? L’institution n’a a priori aucune raison de ne pas les encourager. Doit-elle cependant les accompagner voire les exposer ? Dans différents musées se tiennent des ateliers avec divers niveaux d’engagement. Des plus classiques destinés aux enfants à des formes plus singulières comme à La Manufacture Musée de la Mémoire et de la Création textile, lieu particulièrement attentif aux liens avec les publics, soucieux d’être un espace de vie, qui accueille le « Gang des Tricoteuses ».
Petit à petit à partir d’un café tricot qui réunit au départ, en 2010, une vingtaine de femmes de tous âges, travaillent ensemble sur des projets ayant une dimension artistique. L’objectif de partage d’expérience et de convivialité a évolué en des buts plus précis, exigeants tout en continuant à créer du lien social. Le seul reproche que l’on pourrait peut-être leur faire est le manque de parité, mais c’est là un tout autre défi... Le Gang des Tricoteuses participe à présent à des projets artistiques. Que se passe-t-il quand l’« amateur » est exposé ? Parle-t-on encore d’amateurs ou de collectifs de création ?
De façon plus générale, les musées pourraient-ils aller jusqu’à exposer les pratiques amateurs ? Prenons l’exemple du centre d’art la Villa Pérochon, à Niort, qui a une activité d’exposition, de résidence d’artiste-festival (les Rencontres de la Jeune Photographie Internationale) mais également d’éducation à l’image. Dans ce cadre, Question d’Images est le résultat du travail d’un groupe de 12 personnes, très différentes, avec 12 réunions annuelles. Ne sont exposés qu’une partie des projets réalisés : travaux relativement autonomes, avec parfois l’aide d’autres participants et un travail de suivi par et pour le groupe. Et le résultat est à la hauteur ! Les travaux sont tous de qualité malgré les différences d’expériences. Les thèmes et résultats plastiques confirment la diversité des participants.
Ces expériences posent donc la question de la frontière entre amateurs et professionnels qui peut être plus floue qu’au premier abord... Les amateurs forment un « groupe » très hétéroclite aux niveaux des connaissances et d’expériences extrêmement variables. Hormis la question de la gratuité, du but non lucratif, en quoi un amateur engagé dans sa pratique diffère-t-il d’un artiste ? Le fait de ne pas en faire profession,nous dit-on. A l’inverse, nombre d’artistes ont une autre activité professionnelle qui leur assure un revenu.
Les expositions comme celle de la Villa Pérochonne sont-elles pas le reflet de l’évolution de la culture muséale et institutionnelle ? L’héritage de l’éducation populaire qui rejoint la culture muséale ?
Salambô Goudal
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