L’Historium de Bruges guide ses visiteurs pendantune heure dans les dédales de la Bruges médiévale. Cela suit l’histoire d’unjeune apprenti du peintre Van Eyck qui doit aller chercher une jeune femme etun perroquet vert pour le dernier tableau de son maître. L’histoire, pleine depéripéties, est racontée en séquences qui intègrent, chacune, une vidéo et unereconstitution physique des lieux de l’action.


Séquence dans l’atelier de van Eyck @Trip Advisor

 

L’Historium est un projet qui met en collaborationdes familles nanties de Flandre occidentale, une brasserie, la BNP ParibasFortis et le gouvernement flamand. Il a ouvert en 2012 avec un objectif derentabilité élevée envers ses investisseurs. Cela explique en partie le prix dubillet (12 euros) mais aussi la nécessité d’accueillir toujours plus devisiteurs. Comment, dans ce cas,atténuer l’effet de « foule » ? Comment faire croire au visiteurqu’il est le seul ici, ou presque ?

 

Cheminer en groupe

La solution est une histoire de flux : l’Historiuma choisi de segmenter les flux de visiteurs en petits groupes qui se suiventmais ne se voient ni ne se croisent ! Chaque groupe vit l’expérienceindépendamment. Pour ce faire, les créateurs de ce système se sont inspirés desattractions touristiques : pensez aux longues files qui sont ensuiteséparés en petits groupes pour rentrer dans la maison hantée ou le petit train.Une fois séparés, les visiteurs sont guidés dans un cheminement précis.

 

Suivre

Ce cheminement est visible au sol par des traces depas blanches. Ces traces, comme autant de petits cailloux blancs nous indiquentpar où se fera la sortie dans chaque salle. Il n’y a qu’un parcours possibleparmi ces salles. Par contre à l’intérieur des salles les déplacements sonttrès différents. La reconstitution et la vidéo s’accordent de manière variée :

-      Dans une salle ronde avec des voutes la reconstitution conduit à tourner autour du pilier central, découvrant la vidéosur plusieurs petits écrans comme autant de fenêtres sur les murs.

-      Dans un espace en couloir représentant le marché, la vidéo est le long du mur, comme si le visiteur regardait la scène par la fenêtre d’une maison, depuis la rue.

-      A un autre endroit, il faut lever les yeux quand, en haut d’un escalier, une porte s’ouvre qui révèle sur un écran une autre pièce, l’atelier du peintre, où se déroule la scène.

-      Enfin, pour une scène de repas, le visiteur entre dans une pièce sombre et l’écran est inséré dans une grande table centrale. La scène est filmée en plongée ce qui donne vraiment l’impression deregarder la vidéo par-dessus l’épaules des personnages.


La pièce reconstituée : Atelier du peintre @Historium

 

Afin de ne pas perdre le spectateur et de rythmer son parcours, l’audioguide qui diffuse le son de la vidéo intègre des consignes « dissimulées » : l’apprenti nous dit « viens, suis-moi », « allons vers le marché » ou encore « il fauts e dépêcher ! ».

 

Déambuler dans les coulisses

Après l’histoire de Jacob, l’apprenti de Van Eyck, et sa folle journée à travers Bruges, le visiteur entre dans un espace d’exposition plus classique. Il y trouve des informations scientifiques et historiques sur la Bruges médiévale avec des cartels, des manipulations et des tests sur des écrans interactifs.

Dans cet espace où le temps n’est pas compté, ladéambulation est laissée libre. C’est un espace de « coulisses »après la représentation. C’est aussi là qu’est, d’ailleurs, présenté un making of du film. Les audioguides nepassent plus automatiquement d’une piste à l’autre : il faut taper desnuméros pour déclencher un commentaire.

 

Visiter sans bouger

Point d’orgue de ce cheminement, l’Historium nous propose un voyage immobile. En effet, après la visite, ceux qui le souhaitent peuvent expérimenter 10 minutes d’immersion totale dans un monde virtuel reconstituant la ville au Moyen Âge. Nos yeux et nos oreilles sont monopoliséspar un masque (l’oculus rift) et un casque. L’expérience est très réussie : nous sommes libres de bouger la tête et  découvrons la reconstitution non seulement à 360° mais aussi au-dessus et au-dessous de nous. Pour plus de mouvement, nous sommes placés dans une barque qui avance. L’arrivée aux portes de la ville est spectaculaire !


Logo de l’Historium @Historium

 

En liberté conditionnelle ?

Au terme de ce voyage je m’interroge : ai-je été l’otage consentant du cheminement chuchoté par l’Historium ? Je n’avais la plupart du temps ni le choix de mon parcours ni celui de mon rythme (la petite salle d’exposition mise à part). Pourtant la sensation est plutôt celle d’avoir été une invitée privilégiée de ce voyage où tout s’est accompli pour mes yeux uniquement, ou presque.

Après réflexion, je pense identifier deux ficelles à ce tour de magie : le conte et la nouveauté.

- Personne ne se lasse des histoires qui, depuis notre enfance, nous tiennent en haleine jusqu’à leur résolution. Suivre Jacob est facile quand il nous raconte son histoire : nous retrouvons les repères familiers que sont les différents personnages, l’unité relative de lieu, un début et une fin (de fait « Jacob et Anna vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ».). 

- La nouveauté et la découverte renforcent l’estime du visiteur valorisé par la technologie développée pour lui et les surprises qu’elle réserve, de l’oculus rift à la curiosité de savoir où sera l’écran dans la prochaine salle ? Y aura-t-il encore de la neige qui tombe du toit ? etc.

Le gout de l’innovation : on ne se voit pas mouton parce qu’on découvre. Soit découvrir la technologie soit découvrir la salle avec ses sons, ses bruits, ses décors, son film.

 
Eglantine Lelong

 

PS : Je ne résiste pas à vous dire que, selon le site internet de l’Historium, durant la première journée de tournage les deux bébés acteurs ont fait pipi sur la cape de l’héroïne, Anna, à huit reprises.

#Bruges 

#Voyage 

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Pour en savoir plus : https://www.historium.be/fr