Les preuves sont là, les visiteurs d'uneexposition prennent plus le temps de lire les textes du début de l'exposition qu'à la fin (cf : Noémie Drouguet et André Gob, Muséologie).

L'équipe Troadeus
© Quentin Chevrier

 

Comment faire alors lorsque les œuvres ne sont pas toutes faciles d'accès sans médiation comme au musée gallo-romain de Lyon Fourvière ? Cette question nous offre deux types de possibilités : un système de médiation avec un guide conférencier (option qui malheureusement reste coûteuse) ou la mise en place de solutions interactives qui absorbent l'attention des visiteurs par d'autres moyens.

Museomix propose de joindre l'utile à l'agréable ! Petit rappel pour ceux qui ne connaissent pas  : il s'agit d'un travail collaboratif, un brain-storming culturel et scientifique pour créer des nouvelles médiations au sein des musées grâce aux innovations technologiques. C'est dans cette ébullition d'idées qu'est né le projet de l'équipe Troadeus qui « remixe » la célèbre Table Claudienne.

Elle tient son nom de l'Empereur Claude qui prononça un discours en l'an -48 avant Jésus-Christ dans le but d'intégrer les notables de la Gaule dite Chevelue au sénat romain. Le texte a été retranscrit sur cette imposante table en bronze en mémoire de la générosité de Claude. Cette œuvre, pièce magistrale est pourtant difficile d'accès. En effet, elle est écrite en latin ce qui a priori peut sembler rébarbatif pour le visiteur non-latiniste. L'inscription gravée est lisible mais incompréhensible si le visiteur n'est pas latiniste et le cartel très long. Autrement dit, cette œuvre malgré son apport évident à l'histoire nécessite un type de médiation spécifique pour le public qui, jusqu'à présent, passait devant sans vraiment la comprendre.


Emile Zola appparissant sur la table claudienne
© Quentin Chevrier

 

L'équipe Troadeus, composée de sept membres, travaille surun projet commun afin de mettre en valeur cette table avec la mise en place d'un prototype de médiation muséale. Il s'agit d'intégrer le visiteur à une expérience immersive en lien avec le discours politique qui, d'une part est le sujet de la table et qui, d'autre part, peut s'affilier avec les discours politiques d'aujourd'hui.

L'équipe prend le parti de jouer avec la déambulation du spectateur et de créer une interaction entre ce dernier et cette plaque de bronze. 

Lorsque le visiteur marche dans le musée, il déambule pour voir les œuvres. La Table Claudienne est placée au bout d'une allée depuis laquelle on perçoit la table depuis une bonne dizaine de mètres. De loin, cette plaque intrigue et suscite un questionnement. Il approche alors et le prototype prend le relais pour attirer le visiteur plus près et provoquer un échange. On entend une voix en latin récitant le texte de Claude et donnant aussi un aspect vivant à cette langue morte.

Chaque pas en direction de la table déclenche dessus (grâce à une kinect située sous le discours en bronze) l'apparition d'une projection d'une figure politique ou historique associée à l'une de ces phrases phares. Martin Luther King se dévoile avec une phrase de son discours « I have a dream » plus il disparaît trois pas plus loin pour laisser poindre Emile Zola, faisant lui-même référence à son engagement politique. Des discours forts sur des thèmes d'intégration, d'altérité issus du19ème et 20ème siècle qui reflètent des problématiques similaires au discours de Claude.


Explication du projet de la Table Claudienne
© QC

 

D'un point de vue technologique, le tout fonctionne assez simplement, la kinect détecte les mouvements et les positions du visiteur. Elle les transmet ensuite à un programme MAX/MSP (ici réalisé par le développeur du groupe) qui envoie l'ordre au vidéo-projecteur d'envoyer les différentes diapositives en fonction d'où il se trouve. Il s'agit donc d'un prototype qui utilise une technologie combinée assez simple, mais qui demande toutefois de bonnes connaissances en développement informatique. Bien sûr ce prototype neremplace pas la lecture du cartel ou même la présence d'un médiateur mais elle intrigue le visiteur et provoque son arrêt.

Le seul point faible de ce prototype réalisé en 3 jours par l'équipe Troadeus participant à Museomix, c'est que le temps ne leur a pas permis de réaliser un système capable de gérer un groupe de visiteurs. La kinect détectant trop d'informations à la fois venant de différents endroits. Il était difficile pour le prototype de fonctionner normalement à cause de l'afflux massif de personnes venant découvrir toutes ces innovations, afflux qui ne correspond pas à la fréquence de visite normale. Cependant, il faut noter qu'avec un brin de temps supplémentaire, le problème est facile à résoudre.

Ce dispositif devait initialement rester une semaine dans le Musée gallo-romainde Lyon-Fourvière, sera finalement resté près de trois semaines, du fait de son succès.

Un grand merci à Franck Weber, artiste sonore et membre de l'équipe Troadeus, qui a fait face à mon ignorance en matière de développement de programme et qui a pris le temps de répondre à mes questions.

 

Camille Françoise