En octobre 2015, M. Bruno Maquart, nouveau président de la Cité des sciences et de l’industrie nommé 3 mois auparavant, demande à l’équipe de muséographes en charge de la future exposition « TERRA DATA » d’intégrer le public à son processus de conception. L’équipe de concepteurs est alors en train définir le préprogramme muséographique ; elle planifie, pour 5 mois plus tard¹, un débat participatif organisé pour le grand public.

 

Un groupe de participants © J-P. Attal / EPPDCSI

 

Cette consultation publique très en amont, en phase de définition des contenus de l’exposition, a-t-elle modifiée les intentions des concepteurs ? En quoi cette méthode innovante a-t-elle bouleversé les usages et la perception du media exposition par les citoyens ?

Pour cette expérience inédite, la Cité des sciences et de l’industrie a sollicité un cabinet de conseil en stratégie et en ingénierie de la concertation publique, le cabinet Res publica. Souvent utilisées dans des débats concernant des questions de vie locale, les méthodes consultatives visent habituellement à trouver un consensus entre deux parties ; les élus et les citoyens, par exemple. Dans le cas de notre exposition culturelle, la démarche consultative a eu pour objectif de mieux comprendre quels rapports les citoyens entretiennent avec le terme Big Data et quelles sont les attentes qu’ils peuvent formuler dans un contexte technologique et économique en mutation. Il s’est agi plutôt d’évaluer des niveaux de connaissances et d’identifier des questionnements récurrents afin d’adapter le futur contenu de l’exposition aux besoins du public.

Dans ce but, le cabinet de conseil Res publica a collaboré étroitement avec l’équipe projet. Fort de son expérience, il a guidé l’équipe projet dans la formulation des questions qui devaient faire émerger un matériau répondant aux objectifs fixés (que nous détaillons ci-dessus). Du point de vue organisationnel, le cabinet de conseil a préconisé un plan de communication et d’invitation destiné à récolter des inscriptions de participants volontaires. En outre, il a fait bénéficié l’équipe-projet de son expérience en matière d’optimisation des ressources (temps, personnes) : répartition des groupes, timing de réflexion / échange / synthèse / restitution, mise en scène spatiale, etc.

Après la diffusion d’un appel à participation par voie d’affichage dans les lieux publics de la Cité des sciences, via les réseaux sociaux et par e-mailing auprès des fichiers d’abonnés de la Cité des sciences, cent-quarante-sept inscriptions ont été enregistrées².

Le jour J, samedi 26 mars 2016 (week-end de Pâques !), soixante-dix personnes se sont présentées et ont été regroupées par huit autour de tables rondes. Le débat, animé par Res Publica assisté de l’équipe projet, s’est déroulé en plusieurs séquences entre 14h30 et 17h30. Les modalités d’interrogation ont été de trois ordres : trois questions individuelles auxquelles il fallait répondre par écrit, en début de séance et que l’on remettait entre les mains de l’organisateur. Ensuite, une série de questions thématiques (une thématique différente à chaque table) à laquelle on répondait d’abord individuellement par écrit puis que l’on partageait avec ses compagnons de table.

Ceci était le point de départ des échanges d’opinions, dans un ordre libre, avec pour seule contrainte de produire une synthèse des différentes réflexions de groupe, dans leur diversité autant que dans leur consensus. Chaque table désigne alors un représentant chargé de lire à voix haute la synthèse des réponses collectives de sa table. Enfin, les participants ont été invités à prendre la parole, s’ils le souhaitent, pour insister sur un élément, poser une question, formuler une recommandation.

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Le badge distribué à chaque participant © V. Marta

 

À l’issue de cette journée, quels ont été les apports du projet aux vues de son coût financier ?

Premièrement, cette concertation publique a mis en lumière un intérêt réel de la part du public pour les contenus liés au Big data. L’investissement intellectuel de tous les participants, l’enthousiasme des comportements ont montré que le public souhaitait faire partie du débat et se situer dans leur rapport aux données. Cela a encouragé l’équipe-projet à préparer une exposition manifestement très attendue.

Deuxièmement, les sujets discutés correspondaient à ceux qui sont alors prévus dans le pré-programme de l’exposition : données (personnelles et publiques) ; protection, partage, collecte, interconnexions, traitements, usages ; algorithmes : définitions et applications ; lois ; objets connectés et santé ; éducation et informatique ; formation. Cela a donc conforté les co-commissaires dans leurs parti-pris éditoriaux. Et ce, d’autant que le public présent était à parité homme-femme et toutes les tranches d’âges et de sensibilités se trouvaient représentées. Les avis étaient assez variés et ambivalents (progrès/vigilance), différentes tranches d’âges et professions étaient représentées. Ce panel constituait donc un échantillon fiable des publics fréquentant les expositions.

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Des débats animés © V. Marta

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L’âge des participants allait de 17 ans à 82 ans ! © V. Marta

 

Concernant les participants qui s’étaient déplacés spécialement pour cet atelier, ils ont largement apprécié la méthodologie employée par Res publica. Un grand nombre d’entre eux ont manifesté une grande joie de rencontrer d’autres personnes physiquement pour discuter de sujets de société. En outre, le fait que cela se déroule dans une institution comme la Cité de sciences semblait renforcer leur sentiment d’être « des citoyens importants », au cœur de la cité matérialisée par le lieu : une institution publique prestigieuse. À cet égard, l’inclusion du public au tout début de la création d’une exposition est perçue dans le même temps, comme un honneur et comme une désacralisation du musée, qui, une fois n’est pas coutume, se met à l’écoute de ses visiteurs.

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Le plan de salle ; des tables rondes de 8 personnes ne se connaissant pas © V. Marta

 

En conclusion, la réorientation du propos de l’exposition suite à cette journée n’a pas été radicale, comme l’ajout d’un nouveau thème, par exemple. Néanmoins, la richesse des questions et la variété des réponses qui y ont été apportés ont été un complément intéressant à la phase de recherches académiques menée par l’équipe de conception (documentation, encontre d’experts). Selon moi, il s’agit de s’imprégner d’un autre savoir, moins académique ; celui de la doxa. L’opinion publique, même si elle manque par définition de l’objectivité scientifique mise en valeur à la Cité des sciences, présente l’avantage de mesurer les sensibilités, les représentations, qu’elles soient justes ou irrationnelles, pour mieux y faire écho dans l’exposition. Bref, cette rencontre entre les citoyens et l’institution permet d’ajouter une dimension humaine à la future exposition. Ainsi, à l’issue de cette journée, il a été décidé de placer en fin de parcours de l’exposition, près de la sortie, un audiovisuel de 8 minutes livrant certains extraits de ces discussions citoyennes pour que chaque visiteur puisse y trouver un miroir de ses propres interrogations.

 

Véronique Marta

#Conceptionparticipative

#TerraData

#CSI


¹ L’après-midi de concertation du public s’est tenu, à la Cité des sciences et de l’industrie, le 26 mars 2016.

² L’inscription s’est faite via internet (site internet Universcience et renvoi sur le site J’enparle de Res publica).  

Pour en savoir plus :

Cabinet Res Publica

http://www.respublica-conseil.fr/#/

Exposition Terra data - Nos vies à l’ère du numérique

À visiter à la Cité des sciences et de l’industrie

Du 4 avril 2017 au 7 janvier 2018

http://www.cite-sciences.fr/fr/au-programme/expos-temporaires/terra-data/