Dans l’optique d’une nouvelle mise en valeur des collections de la Cité internationale de la dentelle et de la mode de Calais, les universités locales, ULCO, l’Université du Littoral Côte d’Opale, et LISIC, le Laboratoire d’Informatique Signal et Image de la Côte d’Opale, offrent aux visiteurs la possibilité de se glisser dans les plus belles pièces de collection en dentelle grâce à leur surprenante cabine.

 

« Passeport personnalisé de mensuration » recto-verso
© DR Cité Internationale de la dentelle de Calais

 

Osez vous-y mesurer !

Ne vous enthousiasmez pas outre mesure, il est hors de question, ne serait-ce que de frôler et encore moins de froisser une des magnifiques tenues exposées à la Cité de la dentelle. Celles-ci sont beaucoup trop fragiles et précieuses. Les essayages sont évidemment virtuels. Grâce à la cabine de mesure, installée dans le hall de la Cité de la dentelle, il est possible de créer un avatar à son image et de lui faire revêtir les dentelles de Calais.

Cette cabine, qui est en réalité un scanner géant, parcourt de ses rayons lumineux le corps des visiteurs qui auront osé ôter leurs accoutrements du quotidien pour que puisse s’effectuer la prise de leurs mensurations. Mensurations à partir desquelles sera créé leur avatar qui revêtira, au gré de leurs envies, les costumes d’une rareté exceptionnelle, répertoriée dans la base de données prévue à cet effet.

Si la cabine est innovante, elle en effraye plus d’un dont la pudeur ne saurait être surpassée. En effet, pour que s’exhausse le rêve de devenir modèle pour parures extraordinaires de dentelle, il faut braver ses complexes et accepter d’entrer en sous-vêtements dans cette cabine de mesure. Pourtant, la personne en charge de l’accueil vous rassure en insistant sur le fait qu’aucune image n’est visible depuis son poste, qu’elle ne voit à son écran qu’une silhouette bigarrée dénuée de détails.

L’expérience n’est pourtant pas si intimidante, les cabines d’essayages sous-entendent bien, en général, qu’il est possible de se dévêtir à l’abri des regards. Le principe est le même. Et la suite est tout à fait appréciable. (Bien que les avatars ne soient pas toujours le parfait reflet de la réalité, en atteste un des membres du personnel du musée qui trouvait que les fesses de son avatar étaient plantureuses au regard de ses courbes véritables. Et pour ce qui requiert de ma propre expérience, elle a dû être renouvelée une deuxième fois car mon avatar avait plus des allures de Schwarzenegger que d’une jeune femme qui est bien loin d’être une adepte du bodybuilding !)

Une fois l’avatar créé, il est répertorié dans une base de données. Undispositif est installé non loin de la cabine où il est nécessaire de taper le numéro identifiant, délivré sur le passeport attestant de votre passage dans la cabine, pour que votre double apparaisse à l’écran. Ce dispositif n’est pas irréprochable : le temps de charge est long, l’écran tactile manque de réflexes et il est nécessaire d’appuyer avec insistance pour que l’opération fasse suite. Lorsque notre avatar est prêt, que nous avons convenu de la couleur des yeux et des cheveux, nous avons l’opportunité de parcourir la garde robe numérisée et de choisir les ouvrages qui nous ont marqués lors de notre visite, ou que nous trouvons tout simplement à notre goût, dans le cas où nous testions la cabine avant la visite. Grâce à cette invention, il n’est plus nécessaire de s’impatienter durant la mise en place de la crinoline : les robes se cliquent en un coup de pouce !

Peut-être aura-t-on eu l’idée de placer sa tête au sommet d’un buste dans le reflet d’une vitrine et on se sera admiré, s’imaginant au XVIIème siècle parmi les marquis et les marquises. Ou peut-être aura-t-on profité du dispositif au sein du parcours de visite où l’on peut placer sa tête dans l’orifice prévu à cet effet et pris une photo nous projetant quelques instants à l’écran dans les jupons d’une autre époque.

Avec un peu d’imagination, il est tout à fait possible de se voir revêtir les œuvres de la Cité de la dentelle, mais la cabine, elle, promet une expérience à long terme, contrairement aux dispositifs disséminés tout au long du parcours de visite. Bien qu’il soit pour l’instant impossible de retrouver son avatar sur le site indiqué, un projet de conception de visite virtuelle est sur le point de voir le jour. Dans la veine des « SIM’S », le célèbre jeu de rôle où l’on crée son personnage et sa vie virtuelle, la Cité internationale de la dentelle permettra bientôt à nos avatars de se promener à l’instar des SIM’S dans leur monde virtuel, au musée virtuel de la Cité de la dentelle. Mais elle permettra aussi de revêtir les plus beaux costumes et de devenir créateur de mode en assemblant les échantillons numérisés disponibles sur la plate-forme depuis notre domicile. Et ce sera surtout l’occasion d’interagir avec d’autres avatars, créant ainsi une énième communauté virtuelle, qui elle, sera liée par l’intérêt commun de la mode et de la dentelle.

Cette innovation, qui s’inscrit dans l’ère numérique actuelle, est révolutionnaire du point de vue du visiteur, à qui l’on offre la possibilité de manipuler les collections mais surtout à qui l’on donne l’illusion de les revêtir. La cabine de mesure est également innovante d’un point de vue scientifique car cette base de données permet de présenter les collections sans les abîmer.

Cependant, si l’idée est probante, le rendu laisse à désirer. Les pixels, faussant les courbes des avatars et la coupe des costumes, nous rappellent que la vitesse de l’évolution des nouvelles technologies est certes ahurissante, mais elle est loin de la perfection à laquelle nous aspirons qui devrait calquer avec justesse la réalité. Nonobstant ces défauts numériques, l’application est intéressante dans l’idée d’exporter chez soi l’avatar et la collection au-delà du musée grâce au passeport personnalisé de mensurations. Malheureusement, l’adresse indiquée sur le passeport est invalide. Il n’est pas non plus possible, pour l’instant, de « se retrouver » depuis le site du musée.

Cependant, la rubrique « Monde communautaire » du site de la Cité de la dentelle, vous met en haleine quant à cette prochaine visite virtuelle du musée que vous pourrez effectuer avec votre avatar que vous trépignez d’impatience de retrouver. Une sortie « imminente » qui nous fait durer le suspens au risque d’en décupler les attentes et peut-être d’en décevoir certains.

 

Katia Fournier

 

Le déshabillé au musée, une innovation osée !


© Nordlittoral

 

Inaugurée en septembre 2011 à la cité internationale de la dentelle et de la mode de Calais, la cabine de mesures 3D vous examine sous toutes les coutures ! Grâce au principe de numérisation, elle crée un avatar à l'image des mensurations du visiteur. Connecté à la cabine, l'ordinateur modélise et affiche la silhouette. Une fois sortie de la cabine, le visiteur peut personnaliser son profil grâce à une tablette située non loin de là. Il pourra ensuite déambuler virtuellement dans le musée, enfiler, assembler les pièces de collections exposées à sa guise. Cette innovation est présentée comme un outil de médiation, un moyen de rendre accessible les collections textiles tout en les préservant. L'objectif est de poursuivre un lien entre l'institution et le visiteur une fois qu'il a quitté les lieux. Toutefois, ce n'est pas une franche réussite pour cette innovation et nous tentons de comprendre pourquoi...

        Accessible sur certains sites web de musée, les visites virtuelles permettent en principe d'inciter l'internaute à venir visiter l'institution. Étonnamment ici, on parcourt virtuellement le musée après y avoir mis les pieds ! L'accent mis sur les outils de communication pour offrir une bonne visibilité à cette innovation laisse à penser que l'on a souhaité faire de cette cabine un évènement pour inciter à visiter le musée. Proposition attractive, notamment auprès des jeunes publics, la cabine pourrait peut être permettre d'atteindre l'objectif du nombre de visiteurs espéré depuis l'ouverture récente du musée. Curieusement, la cité internationale de la dentelle n'a pas fait de cette nouveauté phare un élément incontournable de son parcours.

        En effet, la novation de la cité de la dentelle prend place... dans le hall du musée. Endroit étrange pour implanter une innovation technologique ! La machine nécessitant la présence d'un personnel qualifié et en l'occurrence des agents d'accueil explique peut être l'insertion de la cabine si près de l'entrée.  Le fait que la cabine ne soit pas intégrée au parcours muséographique constitue un problème majeur.  L'innovation est utilisée uniquement comme un gadget et ne vient en aucun cas renforcer le propos scientifique. Pensée a posteriori mais surtout indépendamment du parcours, elle semble naufragée dans le hall.

        Concurrencée, la cabine de mesure 3D a du souci à se faire. Où ? Au sein même de la cité de la dentelle! Une cabine d'essayage est déjà présente au sein de l'espace permanent. Celle-ci prend également la forme des nouvelles technologies. Renvoyant au traditionnel dispositif de fête foraine, le visiteur place sa tête entre un vêtement et un accessoire de son choix et prend une photographie. Contrairement à la cabine de mesure 3D, le visiteur se voit immédiatement. S'il le souhaite, le visiteur s'envoie les photographies par mail. La possibilité d'utiliser la cabine d'essayage à plusieurs et sa simplicité explique en partie le succès de ce dispositif auprès des publics, contrairement à la cabine de mesure 3D.

        Effectivement, la cabine 3D ne remporte pas le succès escompté. Ce constat observé à l'intérieur de l'institution révèle de nombreux défauts. Cette nouvelle technologie est régulièrement en panne. Techniquement encore, le scanner demande une position statique si ce n'est robotique du corps. Il arrive fréquemment que les parties du corps du visiteur se confondent. Ne vous vexez pas donc si votre avatar ressemble à un hybride !

Si l'on tend vers un musée de plus en plus participatif, se déshabiller fait rarement partie des actions quel'on réalise au musée ! De ce fait l'expérience est donc dédiée aux adultes et aux mineurs munis d'une autorisation parentale. Tout le monde n'est pas aussi à l'aise avec son corps pour se mettre en sous vêtements comme l'ont fait récemment les trois mannequins au musée d'Orsay pour la marque Etam. Rassurez-vous, vous n'êtes pas au milieu du musée mais bien dans une cabine matérialisée par une box qui est toutefois non fermée en hauteur. Vous entendez donc les conversations extérieures et l'agent d'accueil qui vous indique comment positionner votre corps. Bien que cette dernière ne perçoive qu'une silhouette sur son écran, elle vous parle tandis que vous êtes en sous-vêtements...Le fait de se déshabiller est un réel frein pour tester cette cabine.

        Dommage que cette innovation soit un échec. Ouverte en 2010 la cité de la dentelle nous a toutefois conquis par le parcours muséographique à la fois thématique et chronologique. Nous avons été ébloui par la scénographie contemporaine révélant la finesse, la transparence de la dentelle et la pesanteur, l'aspect "brut" des métiers à tisser Leavers. Entre l'absence totale ou l'utilisation à outrance des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC) dans l'espace muséal, il apparaît nécessaire d'utiliser ses nouveaux outils à bon escient. Modifiant notre rapport au musée et aux objets, les nouvelles technologies sont encore trop souvent une transposition sous une autre forme, un autre support de ce qui existe déjà. Elles sont toutefois à considérer comme des outils innovants, acteurs du musée d'aujourd'hui et de demain.

 

Rachel Létang