En ces temps d’élections présidentielles et de choix de candidats représentants des programmes de vie commune, le vote lui aussi s’invite de plus en plus dans les institutions muséales.

 © Free2Choose maison Anne Frank, Amsterdam

 

Ainsi, au Centre National de la Mer, le Nausicaa de Boulogne-sur-mer, est proposé une animation thématique « M’îles et un îles ». Elle est dédiée aux groupes scolaires de cycle 3 (8 à 10 ans) et collège. Durant une heure, les jeunes élèves sont immergés dans une aventure dont ils sont les héros. Cette animation pédagogique est développée sur le Plateau TV, où grâce à des boîtiers-réponses, les enfants peuvent donner leurs avis mais surtout voter pour la suite de leurs aventures en direct ! C’est ce qu’on appelle le power-vote.

Initialement conçue pour les conventions d’entreprises, les salons, les shows mais aussi l’enseignement et la formation, cette méthode de participation s’insère dans le paysage culturel.

À Amsterdam, c’est à la maison Anne Frank que l’on retrouve ce dispositif au travers de l’installation « Free2Choose ». Des écrans diffusent des reportages gravitant autour de la vie d’Anne Frank et sur des sujets de sociétés tels que la clandestinité, la déportation, ou encore le racisme. Le public peut réagir à des questions en relation avec ces vidéos. À vrai dire le résultat importe peu au final, car ce qui est essentiel c’est que le public prenne le temps de réfléchir et d’affirmer son point de vue en votant, puis enfin en réagissant : prise de parole, débat, discussion.

Ce principe de médiation remporte un vif succès auprès d’un public notamment qui n’est pas à l’aise avec le milieu muséal qui peut sembler parfois rigide et prétentieux. Avec le vote, une interaction directe entre le public et le contenu scientifique s’opère. En effet, ici le visiteur devient spectateur, mais aussi acteur. La quête de la réponse ou du choix du scénario permet d’augmenter la satisfaction de l’électeur, il se sent impliqué : il fait l’expérience.

Il est clair que ce procédé fait référence aussitôt à la télé-réalité et ces shows où il faut voter à tout prix pour sauver « son acteur » favori. Mais au-delà de cette référence populaire il est question de l’autonomie du public : tout en restant vigilant sur le fait que le visiteur doit comprendre et pas que s'amuser (car oui l’interactivité des boîtiers décoince la réceptivité du contenu muséal dans un esprit de divertissement), la technologie et la médiation humaine se complètent, permettant une capacité de conceptualisation supérieure aux méthodes traditionnelles (fiches synthétiques, audioguide…)

© The participatory Museum,
 Nina Simon

 

Voter au musée, comme si on le visitait en assumant pleinement ses choix de découvertes, c’est admettre que le musée peut être participatif, peut être accessible à tous tel que le décrit la scénographe américaine Nina Simon dans son ouvrage « The Participatory Museum » : découverte, interaction, participation, collaboration, rencontre.

Bien-sûr le contenu muséal et scientifique est réalisé par des professionnels de la culture, cependant il est livré non pas à tous d’une manière figée, mais de façon ludique permettant à tout à chacun d’y venir pas à pas, selon ses acquis, ses expériences.

Cette relation de proximité et d’implication de la part du public au musée fait écho avec la création des écomusées de George Henry Rivière dans les années 60-70. Car si le public local des écomusées se sent lié avec ce dernier, le power-vote réalise une connexion entre un contenu, des visiteurs et un personnel.

Or, on le sent, ce type de médiation s’adresse particulièrement à un public qui n’a pas tous les codes nécessaires à la réception d’une exposition « classique » et qui n’est pas fidèle à ce loisir culturel. Et c’est tant mieux !  Car les musées malgré leurs efforts souhaitent depuis les années Malraux s’ouvrir à tous, ce qui est loin d’être le cas.

Cependant le power-vote ne peut s’appliquer à toute sorte d’exposition, ni à toute sorte de public. A défaut de présenter et de préparer le public au contenu, n’y a-t-il pas une perte de ce dernier ? Puisqu’il y a une interaction face à un contenu numérique, n’y a-t-il pas un danger pour le contenu physique ?  Est-ce que cette nouvelle approche permettra de fidéliser un nouveau public, ou surfe-t-elle simplement sur une tendance ?

 

Romain Klapka

 

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