Le lieu incontournable lors d’une visite de la capitale du Cambodge, Phnom Penh est le musée Tuol Sleng. Ce musée, unique, est chargé d’histoire, de souffrance et les visiteurs en ressortent bouleversés.
Une école transformée en prison avant de devenir un musée
Le musée Tuol Sleng a avant tout été le lycée, Tuol Svay Prey, de la ville de Phnom Penh. C’est seulement avec le début de l’époque du « Kampuchéa démocratique », et en particulier la prise de la ville par les khmers rouges en 1975, que le lycée fut transformé en prison par Pol Pot. Plusieurs dispositions furent apportées sur le site, tel que l’ajout d’une clôture électrique mais aussi de légères modifications des bâtiments. La prison fut connue sous le nom de S-21 ou Tuol Sleng.
Sous ce régime chacun risquait de se faire emprisonner. Il suffisait qu’une personne, cambodgienne ou étrangère, ressemble trop à un intellectuel pour qu’elle soit incarcérée avec toute sa famille à Tuol Sleng. Dans certains cas, porter une paire de lunettes était suffisant pour être considéré comme trop cérébral. Les têtes pensantes contre ce régime étaient bien sûr la cible première.
Une fois prisonnières, ces personnes furent photographiées, puis enfermées dans les pires conditions. Les gardiens les torturaient afin de leurs arracher des faux aveux, tel que leur appartenance à la CIA ou à d’autres organisations qui ne suivaient pas les idéologies du Cambodge démocratique. En moyenne une personne était emprisonnée pendant trois mois si elle survivait aux tortures.
C’est en 1979, lors de l’invasion du Cambodge par les armées vietnamiennes que le régime des Khmer Rouges fut interrompu. De tous les prisonniers de Tuol Sleng assassinés lors de l’invasion, seuls sept survécurent.
A peine un an plus tard, en 1980, le site de la prison de Tuol Sleng fut transformé en musée grâce à toutes les archives et photographies qui y ont été retrouvées.
Tuol Sleng © MV
Ce musée possède une atmosphère particulière due à son environnement et à son histoire. En effet, pratiquement aucune construction mise en place par les khmers rouges n’a été modifiée pour le musée, la scénographie est donc d’autant plus impressionnante de par sa simplicité et son atmosphère sombre.
Lorsque le visiteur découvre la prison, il voit en premier des petits monuments commémoratifs en mémoire des dernières personnes décédées entre ces murs. Il découvre aussi un panneau sur lequel sont décrites les règles que devaient suivre les prisonniers. Cette introduction plonge directement le visiteur dans l’atmosphère lourde et douloureuse du lieu.
Sur ce site le visiteur parcourt trois types de salles. Les premières, les petites individuelles très sombres, dans lesquelles le visiteur découvre tout simplement un lit métallique auquel était enchainé le prisonnier. Les secondes sont les anciens bureaux des khmers rouges, dans lesquels sont exposés une grande partie des photographies des anciens détenus, tout comme les habits qu’ils portaient à ces moments. Le visiteur peut même y admirer les tableaux du prisonnier peintre Vann Nath, lequel a pu survivre à son emprisonnement précisément grâce à ces tableaux qu’il était obligé de peindre pour les khmers rouges. Enfin, les grandes salles d’emprisonnement y étaient soit pratiquement vides, soit remplies de petits enclos qui séparaient légèrement les prisonniers. Aujourd’hui ces salles ont toujours cette même structure et donnent l’impression de se retrouver lors de cette époque lorsque le visiteur s’y promène.
Le but du musée est bien de dénoncer les crimes génocidaires accomplis par les khmers rouges, mais très peu d’affiches informatives ou de cartels figurent dans ce lieu. Par contre, des audio guides peuvent être empruntés, lesquels apportent toutes les informations sur la prison et l’histoire du Cambodge. Il est même possible d’écouter les témoignages des quelques survivants.
Choeung Ek : Le camp d’exécution
Suite à la visite du musée, le visiteur peut se rendre au camp d’exécution, aussi connu sous le nom de « Killing Field », lequel se trouve à quelques kilomètres en dehors de la ville. Les prisonniers ayant survécu aux tortures y étaient emmenés pour être tués.
Malgré un soleil éblouissant, les visiteurs y découvrent un lieu sinistre et douloureux. Dès l’entrée ils aperçoivent différentes fosses, dans lesquels des centaines de corps sont enterrés. Elles étaient dédiées aux différentes catégories de prisonniers. Certaines étaient par exemple attribuées aux femmes.
La sobriété est de mise : deux arbres ont une force symbolique : Le « killing tree » (= l’arbre tueur) permettait de tuer les enfants. Le « magic tree » (=l’arbre magique) permettait aux prisonniers de ne pas entendre les cris des mourants, grâce à des haut-parleurs accrochés dans les branches de l’arbre.
Le Killing Tree © SP
Un lieu de mémoire ou une attraction ?
Vous l’aurez compris, Tuol Sleng est un musée bouleversant, qui témoigne de l’histoire et de la souffrance qu’ont vécu des milliers de personnes lors de la période des khmers rouges au Cambodge. Conscients de l’histoire du lieu, nous ne saurions confondre ce lieu de mémoire avec une « attraction ». Malheureusement ce n’est pas le cas de tous. En effet, si vous cherchez sur les sites de conseils touristiques, tel que tripadvisor, les lieux culturels à découvrir à Phnom Penh, le musée et le camp d’exécution sont décrits en tant qu’attractions principales à expérimenter lors d’un voyage en plus des danses traditionnelles, de spas, et même des parcours en quad. A cause de cela, certains touristes peuvent imaginer participer à une « attraction » hors du commun, pour revivre plus ou moins le même parcours que les anciens prisonniers, de l’arrivée à l’exécution.
Nonobstant, ce n’est pas le cas pour la majorité des visiteurs qui comprennent que Tuol Sleng a été transformé en musée afin de dénoncer les crimes génocidaires. Ce lieu de mémoire est destiné dans un premier temps aux Cambodgiens, raison pour laquelle ils bénéficient de la gratuité sur ce site. Pour les touristes, ce lieu de mémoire permet principalement d’apprendre l’histoire du Cambodge et de découvrir les crimes qui ont eu lieu dans ce pays. C’est pour cette raison que les visiteurs peuvent rencontrer sur le site l’un des derniers survivants. Un Cambodgien, vient régulièrement sur le site, malgré les mauvais souvenirs qui le lient à ce lieu, afin de témoigner de tout ce qu’il a vécu. Il se présente aux Cambodgiens mais aussi aux touristes, malgré la barrière de la langue. La force du témoignage fait que cette ancienne prison est sans nul doute un lieu qu’on ne saurait confondre avec des attractions touristiques. C’est du moins ce que ce lieu et son témoin nous font ressentir.
Stupa rempli des ossements des prisonniers décédés © SP
Sarah Pfefferle
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Lien internet :
Photographies des prisonniers
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