L’Ardèche regorge de curiosités et d’histoire, et en ces fortes périodes de chaleur les grottes accueillent les visiteurs dans des températures avoisinant les 14°C. Alors nous avons décidé de visiter la Grotte Chauvet, ou plutôt la Caverne du Pont d’Arc, réplique de la grotte ouverte au public en 2015. Oui, une reconstitution, mais faisons comme si nous nous replongions 36 000 ans dans le passé, au temps des Aurignaciens, en laissant de côté nos avis mitigés réservés sur ces murs de béton implantés sur une colline non loin de la véritable Grotte Chauvet. Après tout, il s’agit là du pacte passé avec le médiateur culturel à l’entrée de la caverne.

C’est donc sous un porche à l’entrée de ce gigantesque bloc de béton que les groupes de visiteurs s’entassent en attendant de voir leur tour arriver. A ce moment-là nous ressentons un mélange d’émotions. Tout d’abord la chaleur s’abat sur nous ! 35°C à l’ombre et une très grande envie de pénétrer les murs de la fameuse caverne qui nous promet un réel rafraichissement. L’attente au milieu de tous ces visiteurs ayant réservé leur parcours sur internet nous laisse perplexe. Quelques jeunes femmes en talons hauts, des enfants nerveux, des parents tentant de les calmer … laissons ces premières images de côté. C’est avant tout la petite voix enregistrée qui appelle les groupes de visiteurs par leur horaire de passage qui donne le ton de la visite. « Le groupe de 12h10 ! » … « 12h15 » … . Des visites chronométrées toutes les cinq minutes, cela promet un chahut à l’intérieur de la caverne. 12h20 tapante, c’est notre tour ! On nous distribue des casques, quelques tests et consignes et c’est parti. Nous faisons partie d’un groupe de vingt visiteurs mais nous apercevons déjà à quelques mètres de nous le groupe qui nous précède, et celui d’avant, et encore celui d’avant. Le médiateur s’adresse à nous adoptant le ton d’une voix préenregistrée. La consigne à suivre : « sur chaque passerelle, formez un arc de cercle, les petits devant et les grands derrières », consigne entendue une bonne dizaine de fois au cours de la visite. Trêve de médisance !

 

peintures murales, pont d'arc

 

Peintures murales dans la caverne du Pont d’Arc

 

C’est sur ces jugements hâtifs que nous démarrons donc la visite. Le médiateur, réel passionné de la préhistoire nous propose de déambuler sur des passerelles agencées de telle sorte que non seulement nous puissions profiter de chaque fresque aux murs mais également pour que les groupes de visiteurs gardent la distance nécessaire au bon déroulement de la visite. Précisons que la reconstitution de la grotte faisant 3 000 m² au sol, elle est nettement plus petite que la véritable grotte. Les peintures sont donc bien plus rapprochées afin d’avoir une vision d’ensemble au cours d’une visite d’une heure. Jules (le médiateur) nous explique l’histoire de la découverte de la grotte par trois archéologues dans les années 90. Régulièrement il établit des comparaisons avec les répliques de la grotte de Lascaux sur la découverte des peintures qui y ont été faites. Nous sommes déjà émerveillées par ce lieu, calme, malgré le nombre de visiteurs, et ressemblant réellement à l’intérieur d’une grotte.

Je n’ai pu m’empêcher de toucher l’un des murs et c’est là que la reconstitution a pris tout son sens. Moi qui m’attendais à voir une reconstitution en plastique avec les traces des coulures de colle, je me suis bien trompée. Des lumières éclairent les peintures, Jules nous en explique les moindres détails en insistant sur le fait que les Aurignaciens étaient dotés des mêmes capacités intellectuelles qu’une personne vivant au 21ème siècle et que chaque dessin était préalablement pensé. Tout comme son emplacement dans la grotte. Nous découvrons alors des jeux de perspectives, des renfoncements ou des volumes permettant de mettre en relief chaque animal. La visite devient passionnante, et c’est sur ce ton enjoué que nous avançons sur les traces des Aurignaciens. Quelques crânes de loups au sol, de gigantesques trous représentant l’empreinte des ours en hibernation, des peintures dessinées à la paume de la main et encore une fois la trace des éléments vivants qui se sont appropriés cette grotte au fil des millénaires. En effet, Jules ne cesse d’évoquer des anecdotes permettant de valoriser l’histoire de ce lieu. Sensibles à la cause animale nous retenons la trace au sol du petit ourson qui a glissé dans ce que les chercheurs appellent la « pouponnière à oursons », ou encore les griffures des ours qui viennent compléter les dessins des hommes.

La visite se termine sur quelques échanges avec le médiateur (nous découvrons un peu plus sa réelle passion pour le sujet) suivis de quelques remerciements et un grand sentiment de satisfaction quant à la visite et à la véracité de cette reconstitution.

Après une pause nous nous replongeons dans la lecture de la brochure du site. Très bien faite par ailleurs puisque qu’elle propose un plan et un descriptif détaillé des espaces à visiter, des activités et des ateliers.

 

plan caverne

 

Plan de la Caverne du Pont d’Arc

 

Le site est immense et les chemins en terre permettent d’arpenter le lieu en appréciant la flore de la région. Nous nous dirigeons alors vers l’espace d’exposition, la Galerie de l’Aurignacien.

La visite débute par un film de quatre minutes, dans lequel on voit un petit groupe d’Aurignaciens découvrir l’existence de la grotte et y laisser leur empreinte. Puis, les portes à l’arrière de la salle de cinéma s’ouvrent sur l’espace d’exposition. Pour le plus grand plaisir des plus jeunes nous découvrons la reconstitution de l’espace il y a 36 000 ans, un lion empaillé, un rhinocéros laineux et toutes sortes d’animaux sauvages prennent la pose dans un décor plutôt réaliste.

 

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Espace d’exposition « La combe et la grotte du pont d’Arc » ©AE

 

Le parcours est ponctué de bornes interactives permettant l’accès à différentes informations. Quelle était la faune à l’époque, à quoi ressemblaient les Aurignaciens, quelle était la place de l’art dans leur culture, comment chassaient-ils etc.

En poursuivant la visite nous découvrons un ensemble d’espaces d’expositions proposant une scénographie et une muséographie élaborées. Une carte interactive au mur, plusieurs tables tactiles devant lesquelles les enfants s’émerveillent, un parcours enfant avec des jeux sur tablettes, des témoignages de chercheurs permettent de répondre aux questions des visiteurs …

 

dispositifs interactifs

 

Dispositifs interactifs ©AE

 

dispositifs interactifs, pont d'arc

 

Dispositifs interactifs ©AE

 

On ne s’ennuie pas. Les panneaux explicatifs sont d’ailleurs bien pensés puisque les textes sont concis. Nous remarquons cependant beaucoup de répétitions, pas seulement avec ce qui nous a été dit par le médiateur de la caverne mais également avec les informations des autres espaces d’expositions. Autre problème, plusieurs dispositifs interactifs ne fonctionnent plus. Nous fermons les yeux dessus, mais ce n’est pas le cas de tout le monde ! Un homme passant derrière s’exclame « Ah ! C’est bien une muséographie à la française ! Rien ne fonctionne ! ». Passant notre chemin nous arrivons dans la dernière salle, des colonnes centrales permettent une fois de plus de visionner des témoignages. Aux murs plusieurs écrans tactiles nous proposent de dessiner comme un Aurignacien. Il ne m’en fallait pas plus pour me réjouir, mais là encore aucun écran ne fonctionne.

 

vous êtes l'artiste, pont d'arc

 

Ecran « vous êtes l’artiste » dans l’espace d’exposition ©AE

 

Sur cette note mitigée nous décidons de quitter le lieu et de nous rendre vers les reconstitutions des habitats, des tentes en peau devant lesquelles sont postés plusieurs médiateurs afin de réaliser des démonstrations ou plutôt de donner des explications sur le mode de vie d’un Aurignacien. Cinq ou six tentes sont donc disposées dans le parc, à quelques mètres les unes des autres. Nous découvrons alors les outils de la chasse, la fabrication d’un vêtement en peau, les « instruments de cuisine » etc. Puis, à quelques pas de ces tentes se trouvent d’autres habitats où des médiateurs donnent les mêmes explications en anglais. Le site est parfaitement accessible à un public étranger mais également au public en situation de handicap.

 

tentes, reconstitutions, pont d'arc

 

Démonstration des instruments de musique ©AE

 

Alors oui, la réflexion que nous nous faisons est que nous pouvons retrouver ces reconstitutions dans n’importe quel site de ce genre. Mais le constat est que cela fonctionne puisque le lieu compte plus de 600 000 visiteurs par an et développe son offre d’activités chaque année. Ainsi des ateliers variés sont proposés durant les vacances scolaires et c’est non sans regret que nous renonçons à assister à l’atelier d’étude des étoiles au microscope le soir-même.

Il y aurait donc des choses à redire sur la dimension de parc d’attraction de la Caverne du Pont d’Arc qui brasse des visiteurs, sur certains éléments d’exposition qui ne fonctionnent pas ou encore sur la répétition du discours à certains moments de la visite, mais nous arrivons facilement à faire abstraction de tout cela pour apprécier le contenu de ce parcours. Le public familial étant particulièrement bien représenté, nous pouvons nous demander quelle serait par contre la réception du discours transmis lors de la visite pour un chercheur ou un visiteur aguerri.

 

Anna Erard

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