En 2018, une fois encore, ils ont été nombreux à ouvrir, comme le musée Camille Claudel à Nogent-sur-Marne ou dernièrement, l’Envol des Pionniers le 22 décembre à Toulouse. Chaque année de nouveaux musées apparaissent sur notre territoire. Souvent ce sont des merveilles, pensés pour magnifier une collection, parfois de véritables vaisseaux futuristes sortis du sol et un peu vides. J’ai voulu savoir ce que les futurs musées nous réservent. En ce début d’année 2019, voici un tour d’horizon des musées ouvrant en 2019, en 2020 et au-delà.
L’attractivité de l’art moderne et contemporain par ses collectionneurs
Une des ouvertures les plus attendues de 2019 est la Collection Pinault - Paris, situé dans l'ancienne Bourse de Commerce à Chatelet, aménagée par l’architecte japonais Tadao Ando et accueillant la collection personnelle de l’homme d’affaires, François Pinault. Selon le site internet, ce nouveau lieu d’exposition de la collection après l’ouverture en 2006 et 2009 de deux espaces à Venise, “présentera des accrochages thématiques et des expositions monographiques, mais aussi des productions nouvelles, des commandes, des cartes blanches et des projets in situ. Ouverte à tous les publics et à toutes les disciplines artistiques, la Bourse de Commerce propose des programmes pédagogiques, des conférences et rencontres, des projections et concerts, des performances”. Propriété de la ville de Paris depuis 2016, le bâtiment a été concédé à la famille Pinault pour 50 ans et le futur musée, dont le coût de chantier et de gestion de l’établissement avoisine les 108 millions d'euros est financé entièrement par une société créée par la famille Pinault et ne sera donc pas soumis au statut de fondation.
Toujours à Paris, au printemps 2019 et dans le cadre de l’appel à Projet « Réinventer La Seine » de la Mairie de Paris, Fluctuart verra le jour du côté du Pont des Invalides. Ce centre d’art urbain flottant de 1000 m² sera gratuit, ouvert à tous et toute l’année et réunira de jeunes artistes émergents du street-art, des pionniers historiques comme Futura 2000, ou des artistes mondialement reconnus. Il réunira une collection permanente des grands noms du street-art, trois expositions temporaires par an, une librairie spécialisée, des évènements et des résidences d’artistes.
Projet de Fluctuart, Paris © Seine Design
Autre grande amatrice de street-art, Agnès B ouvrira dans le courant de l’année 2019, La Fab, fondation Agnès b. d'art contemporain. Situé au rez de chaussée de logements sociaux conçus par l’architecte Augustin Rosenstiehl, ce lieu du 12e arrondissement de Paris se trouve au n°1 de la place Jean-Michel Basquiat, inauguré le 29 septembre 2018. Ici, point d’exposition permanente mais des présentations temporaires pour accueillir les 5000 oeuvres de sa collection comme dans sa célèbre “Galerie du Jour” fermée depuis janvier 2018. Le lieu se veut être un espace culturel ouvert à tous, la collectionneuse souhaite que "les gens ne se soient pas intimidés à la Fab", que les jeunes s'y sentent chez eux". Elle compte organiser en collaboration avec le centre d'art Le Point Éphémère des concerts, des lectures, des moments de danse et de poésie.
Du côté de l’art moderne, c’est en 2020 que sera inauguré le musée d’art moderne de l’Abbaye de Fontevraud en Maine-et-Loire créé suite à un don à l’automne 2017 des époux Cligman d’une partie de leur collection d’œuvres d’art. En plus de cinquante ans, l’ancien industriel du textile Léon Cligman et son épouse, la peintre et sculpteure Martine Martine ont acquis une collection composée d’oeuvres de grands noms de la peinture des XIXe et XXe siècles : Delacroix, Toulouse-Lautrec, Derain, Van Dongen, Degas, César… mais aussi dessins, des verreries, des tapisseries de Jean Lurçat, des objets antiques. Le nouveau musée de 1 200 m2 accueillera quelque 1000 oeuvres données à la Région et l’Etat et seront installés dans le bâtiment de la Fannerie de l’Abbaye dont l’extérieur a déjà été rénové. Le coût des travaux d’aménagement du lieu, estimé à 8,6 millions d’euros, est financé par la Région et l’Etat et par une donation de 5 millions d’euros de Léon et Martine Cligman.
En 2022, exposer ses oeuvres quand on est collectionneur mais qu’on n’a pas la place de tout admirer et pas l’argent pour se faire construire un musée, ne sera plus un problème avec l’ouverture prévue d’un étonnant Musée des collectionneurs à Angers. Cet immense espace est conçu par l’architecte Steven Holl pour accueillir les expositions de collectionneur d’art privé du monde entier. Ce lieu, sans collection propre, fonctionnera en réseau avec d’autres musées de collectionneurs à travers le monde. A suivre...
Projet du Musée des Collectionneurs, Angers © COMPAGNIE DE PHALSBOURG / Architectes : Steven HOLL / Franklin AZZI.
La gastronomie et l’art de vivre à la française ont le vent en poupe
Depuis l’inscription du repas gastronomique français au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco en 2010, l’Etat doit mettre en oeuvre la création de la cité de la Gastronomie. En 2013, c’est donc non pas une, mais quatre villes qui ont été choisies sur tout le territoire français pour obtenir le label “gastronomie”.
La première à ouvrir en 2019, sera la Cité de la gastronomie de Lyon dans l’enceinte de l’Hôtel-Dieu, profitant de la réhabilitation de cet ancien hôpital monumental. La cité occupera 3 700 m2 des 50 000 m2 des bâtiments classés qui s’étirent le long du Rhône. Lyon a choisi, dans cet ancien hôpital, de s’intéresser aux relations entre gastronomie et santé. Au programme, deux expositions permanentes, deux expositions temporaires par an, des ateliers de cuisine, des démonstrations, des conférences…. En 2020, ce sera la Cité de la gastronomie et du vin de Dijon, puis en 2024 la Cité de la Gastronomie de Paris-Rungis près du célèbre marché et enfin la Cité de la gastronomie de Tours dont on ne connaît pas encore la date d’ouverture. Parallèlement, on pourra découvrir en 2020, l'Hôtel de la Marine, bâtiment du XVIIIe siècle sur la place de la Concorde, ancien Garde-meuble de la Couronne qui a comme volonté de valoriser la gastronomie et l’art de vivre à la française selon Philippe Beleval, président du CMN. À travers un parcours historique on découvrira les appartements des Intendants et les salons d'apparat. Sur les 12 700 mètres carrés du bâtiment, la moitié sera ouverte au public. Les intérieurs, rénovés avec soin, seront meublés et une expérience immersive est promise avec une mise en place de la médiation numérique, des effets sonores et même olfactifs. Une salle d’exposition de 400 mètres carrés accueillera également l’exposition de la collection privée de l’émir du Qatar, la collection Al Thani pendant 20 ans. La première exposition temporaire sera dédiée aux arts de la table au XVIIIe siècle. Un restaurant, un café et un salon de thé occuperont le rez-de-chaussée de l’hôtel. Une école de cuisine pourrait également y être implantée.
Les métiers d’art et les savoir-faire du luxe à l’honneur
L’ancien musée des arts et traditions populaires, situé dans le bois de Boulogne, fermé au public depuis 2005 a été choisi par LVMH pour installer la Maison LVMH/Arts-Talents-Patrimoine, un centre culturel dédié au métiers d’art et de l'artisanat dont l’ouverture est prévue en 2020. Le bâtiment, concédé par la mairie de Paris pour 50 ans sera modernisé par l’architecte Frank Gehry déjà concepteur de la Fondation Louis Vuitton située à deux pas. Les métiers d’art auront alors un lieu permanent où montrer l’excellence des savoir-faire et les liens qu’ils entretiennent avec les industries du luxe. S’y retrouveront une salle de concert, une salle de 680 m² consacrée à des manifestations ou des expositions, des ateliers d’artistes en collaboration avec la Fondation Louis Vuitton et une académie des métiers d’art et des savoir-faire composés d’un centre de documentation sur les métiers d’art et des ateliers recevant des artisans d’art. Du côté de Chanel, l’entreprise renforce aussi son engagement envers ses métiers d’art avec la création en 2020 d’un site dédié à accueillir ses créateurs, la Manufacture de la mode. Le bâtiment servira avant tout à accueillir près de 600 artisans d’art travaillant pour la marque de luxe mais selon le président de Chanel Bruno Pavlovsky, “un espace de 1000 mètres carrés sera ouvert sur la ville avec des expositions et des ateliers participatifs”.
Projet pour la Manufacture de la Mode, Paris © Chanel
Ça baigne pour les musées maritimes
Bordeaux s’empare de son patrimoine maritime, en le rénovant avec la création en 2022 des Bassins des Lumières par Culturespaces dans l’ancienne base sous-marine ou en le créant avec l’ouverture du Musée de la Mer et de la Marine dont la salle d’exposition temporaire accueille déjà des expositions depuis cet été et qui ouvrira définitivement avec son parcours permanent à l’été 2019. L’édifice dessiné par l’architecte Olivier Brochet (Musée de l’Homme) s’étend sur 13.000 m2 dont 6.500 m2 de salles d’exposition et 3.000 m2 de jardins suspendus. Il a souhaité un lieu ouvert et moderne autour d’une approche chronologique de la navigation, faisant la part belle aux grandes explorations et traversées mais aussi à l’histoire et au devenir du milieu naturel maritime. Il y aura une partie hors les murs avec des bateaux renavigables, restaurés grâce à des partenariats, notamment avec la fondation Hermione à Rochefort et une antenne du musée à la citadelle de Blaye qui participera à la connaissance du milieu naturel de l’estuaire de la Gironde. De plus, d’ici 2021 un aquarium mêlant espèces protégées destinées à la reproduction et installations numériques ouvrira également ses portes non loin du musée.
Projet pour le Musée de la Mer et de la Marine, Bordeaux © Brochet Lajus Pueyo
Monaco accueillera de son côté en 2020, le Centre de l’Homme et de la Mer. Sur près de 5000 m2, les visiteurs profiteront de l’exposition permanente sur la collection de l’archéologue sous-marins Franck Goddio et un espace d’exposition temporaire dans un bâtiment en forme de raie manta dessiné par Rudy Ricciotti (MUCEM). La tendance est loin de s'essouffler avec l’ouverture prévue du Musée Maritime de Saint-Malo en 2022 designé par l’architecte japonais Kengo Kuma qui a pour but d’accueillir les visiteurs "au coeur de la ville et représenter toute l'histoire maritime de la ville. Celle d'hier, d'aujourd'hui et de demain", selon Claude Renoult, le maire de la ville.
Projet pour le Musée Maritime, Saint-Malo © Kengo Kuma
Les musées de figures majeures
En plus du centre de l’Homme et de la Mer, Monaco ouvrira en 2020 le musée Grimaldi dans le même bâtiment, qui parlera de l’histoire de la famille royale. Suite à une exposition itinérante sur la défunte princesse Grace Kelly, l'exposition sera pérennisée dans ce lieu. À Vif et à Poissy, les lieux sont déjà existants, c’est la création d’un musée qui est nouvelle. La Maison Champollion, propriété du frère de l’égyptologue à Vif en Isère, accueillera un musée départemental qui sera dédié à l’égyptologie à travers les figures des deux frères Champollion. Ce lieu a été ouvert seulement quelques mois en 2004 lors de la IXème conférence internationale d’égyptologue à Grenoble et sera donc à présent pérennisé en 2020. À Poissy, ce ne sera pas avant 2022 que l’on pourra visiter le Musée Le Corbusier construit près de la Villa Savoye une des maisons les plus connues de l’architecte. L’idée est d’en faire un centre majeur sur l’architecte où seraient réunies les archives, les esquisses, les peintures et l’expertise de l’architecte et où s’installerait la Fondation Le Corbusier.
Et de la diversité !
En 2019 et 2020 de nombreux autres musées et lieux d’expositions vont ouvrir sur des thématiques étonnantes. Le premier d’entre eux à ouvrir avant l’été 2019 sera sûrement Citéco, la cité de l’économie de la Banque de France située dans l’ancien hôtel Gaillard, bâtiment classé de 1882 dans le 17e arrondissement de Paris et succursale de la Banque de France de 1923 à 2006. Lieu de découverte et d’approfondissement des mécanismes de l’économie, Citéco a une vocation pédagogique et ludique avec des expositions interactives et numériques mais qui mettra également en avant des collections en lien avec la monnaie et la salle des coffres sera préservée et ouverte à la visite. Selon Marc-Olivier Strauss-Kahn, en charge du projet, ce serait "un musée de troisième génération, comme il n’en existe aujourd’hui qu’à Mexico" (le MIDE, Museo interactivo de economia): "le maître mot, c’est l’interactivité. Le visiteur va vivre une expérience unique. Il pourra gérer un budget sur une machine à sous, poser un objet sur un scanner d’aéroport pour découvrir la provenance de tous ses composants, assister à un conseil des gouverneurs de banques centrales… Nous reprendrons certains des outils qui ont fait le succès de notre exposition "Krach, boom, mue", organisée en 2013 à la Cité des sciences et de l'industrie".
Projet de scénographie à Citéco, Paris © Citéco
Toujours en 2019, ouvrira le Centre européen du livre et l’illustration de Colmar dans l’enceinte de la bibliothèque patrimoniale des Dominicains remis aux normes et modernisé. Colmar conserve une riche collection avec le deuxième fond d’incunable de France jusqu’à des illustrations contemporaines. Ce sont plus de 400 000 documents qui sont conservés dans l’ancien cloître des Frères Prêcheurs avec notamment un livre plus rare encore que la première édition imprimée de Gutenberg, un des trois derniers exemplaires de la « Bible à 49 lignes » de Johann Mentelin, éditée en 1 460 et conservée dans un état remarquable. Le lieu se destine à mettre en valeur ses collections, proposer des expositions temporaires et devenir un lieu de ressources pour les chercheurs.
Puis en 2020 c’est la Maison des Mathématiques qui ouvrira ses portes dans le 5ème arrondissement de Paris, projet lancé par le mathématicien et député Cédric Villani et adossé à l'Institut Henri-Poincaré (IHP) dirigé depuis 2018 par Sylvie Benzoni. Chercheurs et grand public cohabiteront dans ce lieu avec un espace muséographique, des salles de recherches et d’échange avec des conférences, des rencontres dont le but est de montrer les liens des mathématiques avec la société d’aujourd’hui. NarboVia, le musée de la Narbonne antique ouvrira aussi ses portes en 2020 et retracera l’histoire de l’une des premières colonies antiques de la Méditerranée. Le bâtiment de 800m2 conçu par l’architecte Norman Foster accueillera des espaces d’exposition, des salles de travail et des réserves pour ces collections, dispersés dans différents musées de la ville qui n’ont jamais bénéficié d’un lieu de conservation et de présentation mutualisé.
En résumé, en 2019-2020, au moins une quinzaine de nouveaux lieux culturels vont ouvrir en France. Que ce soit des établissements publics ou des institutions privés, les thèmes abordés sont nombreux et si certains semblent novateurs et avoir une réelle envie de transmission et d’éducation, d’autres témoignent d’une volonté de développement touristique. D’énormes structures apparaissent avec des ”gestes architecturaux” forts avant même de savoir exactement ce que l’on va mettre à l'intérieur et cache les nombreux musées qui doivent fermer chaque année faut de moyens et de visibilité (Musée d’art africain de Lyon, musée des Tissus de la même ville tout juste sauvé). De nombreux lieux arrivent aussi à perdurer grâce à des rénovations, nombreuses ces dernières années : Musée Carnavalet, Musée Ingres, Museum de Bordeaux ou par de grands travaux pour les monuments pour accueillir toujours plus de visiteurs comme avec la fermeture et rénovation du Grand Palais entre 2020 et 2024 ou le chantier de reconstruction de la flèche de la basilique Saint Denis, commençants en 2020, ouvert au public pendant onze ans. Aujourd’hui, la culture se monnaie, se privatise mais jusqu’à quand ? Ne perd-on pas le côté “sans but lucratif, au service de la société et de son développement” de la définition du musée par l’ICOM, pourtant si essentielle ? Alors en attendant, meilleurs voeux culturels à tous et profitons de nos musées ouverts !
Cloé ALRIQUET
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