Du jeu vidéo, à la médecine en passant par la publicité, la réalité virtuelle touche tous les domaines et le monde muséal est loin d’être en reste. Si on recense de nombreuses expériences de réalité virtuelle dans les musées ces deux dernières années, il s’agit souvent d’expérimentations à l’occasion d’événements temporaires. Le but de cet article n’est pas de proposer une liste exhaustive des différents dispositifs de réalité virtuelle proposés par les institutions culturelles, mais de s’interroger sur les gains et les limites que peut avoir ce type d’expérience pour ces lieux.
Pour commencer, je dirais que le grand intérêt de la réalité virtuelle pour une institution culturelle tient en deux mots, INNOVATION et IMMERSION. L’innovation technologique, encore et toujours, est un très bon moyen pour dépoussiérer une image un peu vieillotte d’un musée. Entre nous, proposer des expériences innovantes permet de détourner le regard du visiteur (et surtout des médias) des espaces permanents, surtout quand ceux-ci n’ont pas bougé depuis 20 ans. Alors un musée à la pointe de la technologie, c’est un très beau coup de pouce pour l’image! Et il faut dire que la réalité virtuelle est un terrain fertile pour toutes les institutions qui veulent affirmer leur position de « musée innovant ».
Avec la réalité virtuelle, les musées proposent aux utilisateurs une expérience immersive dans des lieux ou des espaces temps inédits. L’immersion, c’est véritablement la plus-value de la réalité virtuelle. En recréant et restituant virtuellement des lieux, des espaces, des personnages historiques ou des espèces animales disparues, les musées permet au visiteur de découvrir ce qu’il n’aurait jamais connu en dehors de la réalité virtuelle. C’est aussi proposer une expérience inédite, une exploration virtuelle du réelle à travers des points de vues privilégiés et surréalistes. C’est enfin, affirmer le musée comme un lieu de délectation et d’innovation.
Alors outil de communication ou médiation culturelle ? Les expériences de réalité virtuelle muséales peuvent tour à tour porter les deux casquettes selon l’utilisation que l’institution en fait. La réalité virtuelle peut être une ambassadrice d’un musée aussi efficace qu’une bande annonce avec ce petit quelque chose en plus qui tient de l’expérience.
Ces expériences de réalité virtuelles s’inscrivent dans la programmation du lieu culturel et sont mises en place en parallèle d’une exposition, d’une commémoration ou de l’ouverture d’un espace. Le château de Versailles, en partenariat avec la Fondation Orange, propose une expérience de réalité virtuelle à l’occasion de l’exposition « Visiteurs de Versailles ». L’expérience intitulée « Vivez Versailles » est une immersion dans le Versailles de Louis XIV, en 1686. L’utilisateur suit le cortège de l’Ambassade de Siam et croise sur son chemin l’architecte Jules Hardouin-Mansart, domestiques, nobles et bourgeois avant de se retrouver devant Louis XIV en personne. Cette expérience didactique et historique arrive à point nommé pour palier à l’absence totale de dispositifs interactifs dans l’exposition…
« Vivez Versailles », aperçu de l'expérience Ambassade de Siam, 1686 © EPV / Make Me Pulse
La réalité virtuelle peut aussi répondre à des enjeux d’accessibilité. Si l’expérience virtuelle n’a pas vocation à remplacer une visite in situ, elle peut permettre de rendre accessible des espaces qui ne le sont pas dans la réalité. Bien sûr, cette accessibilité est toute virtuelle mais elle a le mérite de proposer une découverte et une immersion lorsque certains espaces ne sont pas accessibles aux PMR. Si l’expérience de réalité virtuelle est diffusée gratuitement, elle peut alors s’adresser à l’ensemble des lieux et des personnes qui possèdent un équipement de VR, dans toutes les régions du globe.
Alors sur le papier, la réalité virtuelle au musée peut paraitre une expérience géniale. Et elle peut réellement le devenir si le l’institution culturelle arrive à élucider la question de l’installation in situ. Car la VR c’est plutôt encombrant. Il faut au minimum un casque, deux manettes, deux capteurs, sans conter l’ordinateur qui fait fonctionner l’ensemble. Alors, il faut de la place et surtout du personnel pour accompagner le visiteur dans l’expérience, sans parler de la question de la maintenance.
Cabinet de Réalité Virtuelle au Museum national d’Histoire naturelle © MNHN - A. Iatzoura
Certains musées ont dédié une salle à la réalité virtuelle. C’est le cas du Museum national d’Histoire naturelle de Paris et son cabinet de réalité virtuelle, première salle dédiée à l’expérience dans les musées français. Il s’agit d’une expérience pédagogique qui délivre un contenu scientifique sur l’ensemble des espèces animales et végétales. Si l’institution a résolu la question de l’installation, elle a aussi résolu la question du coût. Ne nous mentons pas, la VR à un coût élevé qui tient parfois plus à sa mise en place sur site qu’à la conception globale de l’expérience. Car les partenariats et mécénats ne sont pas rares entre lieux culturels et fondations ou autres partenaires technologiques.
Nul doute, la réalité virtuelle, par ses propositions innovante et immersive, est un outil très intéressant pour la démocratisation culturelle. Mais avant de se lancer dans un tel projet, gardons en tête que l’expérience présente aussi quelques contraintes techniques qui, à ce stade des expérimentations, sont loin d’être élucidées.
Pour un tour du monde des expériences de réalité virtuelle dans les institutions culturelles : http://www.club-innovation-culture.fr/tour-monde-expos-visites-realite-virtuelle/