La maison de la Vache qui rit a réouvert ses portes depuis le 2 juin 2018 après quelques mois de fermeture pour renouveler sa muséographie et proposer un lieu « hors du temps » selon Laurent BOURDEREAU à la conférence régionale du tourisme de Bourgogne-Franche Comté (juin 2018).
« Nous avons travaillé à la non définition d’un lieu, afin qu’il soit incubateur d’idée, laboratoire, centre aéré, centre d’art, atelier cuisine et Fab lab. »1
Curieuse, très bon public des musées d’entreprise et de marque, et séduite par la présentation du directeur de la Maison la Vache qui rit, je prends un ticket pour la planète rouge de la vache qui rit. Ayant déjà poussé les portes de cette maison, en 2013, mes attentes et envies étaient grandes. Quelles étaient les nouveautés ? Est-ce que je pourrais retrouver certains objets de collections ?
Ouvert en 2009, la maison de la vache sur l’ancien site de fabrication des premières portions, La Maison de La Vache Qui Rit était conçue comme un espace d’échanges pour les familles. Le groupe BEL avait décidé de partager tous ses secrets : de sa fabrication à sa promotion en passant même par ses imitations. « Au fil de la visite de La Maison, chaque génération peut retrouver ses propres souvenirs ou expériences et découvrir les évolutions de la marque, toujours aussi présente dans le quotidien de millions de personnes en France et dans le monde ».
Mais pourquoi la Maison de la Vache qui rit s’offre-t-elle un lifting et une rénovation du site, 9 ans après son ouverture ?
Selon les articles parus dans la presse, la muséographie se devait d’évoluer pour répondre au mieux aux valeurs de la marque du groupe et de son actualité :« La maison de La Vache qui rit a eu une première vie, celle d’un musée d’entreprise assez statique dans sa présentation. Elle est aujourd’hui un véritable incubateur, un laboratoire d’idées pour le groupe BEL, en prise avec ses différents produits et les valeurs qu’ils véhiculent, l’innovation, le partage, la bienveillance. »2
Il semble important pour l’équipe du musée de porter un projet culturel et sociétal et d’être plus qu’un magasin d’usine. Dans ce nouveau concept le mode d’appréhension des publics a été au cœur de la réflexion. On devrait pouvoir partager et fabriquer.
A l’arrivée, une banderole bleu blanche, clin d’œil à la petite tirette rouge de l’emballage, un parvis jardin se dessine.
© C CARON
L’aménagement des espaces est comme dans mes souvenirs la banque d’accueil au centre d’un espace vitré qui conduit aux caves et à l’étage de la maison. Trois espaces sont bien distincts : l’espace café, les collections historiques et à l’étage les nouveaux espaces muséographiques, l’actualité du groupe.
Le thème de l’exposition est la Saga BEL et le parti pris est la réussite de cette entreprise et son rôle actuel dans la société et dans le quotidien des consommateurs. Le registre est historique, le ton ludique et contemporain afin de mieux présenter les valeurs de la marque.
© C CARON
Je suis invitée à commencer par les caves, lieu historique de l’usine ou Léon BEL lancé sa production de fromage.
Le sas d’entrée me plonge dans la planète BEL avec quelques affiches publicitaires, arbre généalogique et un petit dessin animé mettant en scène la vache qui rit de la préhistoire à nos jours tantôt héroïne, tantôt Joconde. Les affiches et le petit film d’animation sont une manière ludique de faire appel aux souvenirs du public.
(Aménagement 2018) - © Maison de la Vache qui rit
(Aménagement 2013) © Maison de la Vache qui rit
Immersion dans la collection permanente, le visiteur découvre six îlots retraçant l’histoire de la famille BEL, la saga de cette aventure répartie comme sur la photo en deux salles. Une frise de boîtes et étiquettes de 1921 à nos jours fait le tour des deux caves. Le parcours est donc dirigé et intuitif même si le visiteur doit tourner dans le sens contraire des aiguilles d’une montre autour des îlots.
Contrairement à l’ancienne scénographie, le mobilier invite à moins de recul et de déplacement au sein de l’espace. Le mobilier choisi permet aux visiteurs d’ouvrir quelques tiroirs et de découvrir des objets de la collection
Ce nouvel aménagement invite plus à prendre connaissance de l’histoire et des grandes périodes de cette aventure. Si on retrouve bien l’épopée de cette vache qui rit : sa création, son apport d’innovation (la portion), son illustration et l’aventure publicitaire, le parti pris est axé sur l’entreprise, les fondateurs, le personnage. Cette nouvelle muséographie n’interpelle plus le visiteur sur le produit, la qualité du produit. L’ensemble des îlots est séquencé et relié par la chronologie des périodes.
Le dernier îlot permet aux visiteurs l’appropriation de cette boite et de cette vache qui rit « On est tous Vache qui rit ».
Les objets de collections, plus de 600, montre aux visiteurs la passion des collectionneurs et l’évolution graphique et marketing de la célèbre vache. Le visiteur peut alors voir sur panneaux lumineux, des papiers, juxtaposés d’entreprises, des illustrations de Benjamin Rabier, des photos de la famille et de des ravitaillements de la guerre, article de presse (principalement des facs similé), les premiers objets de marchandising donnés aux revendeurs et les goodies élaborés pour les consommateurs (protèges cahiers….).
L’illustration est au cœur de la partie historique, elle est un message lorsque le personnage de la vache est représenté, communication de la marque mais également une image témoin pour authentifier la saga et reconstituer une atmosphère de cette aventure entrepreneuriale. A l’étage, le parcours est thématique et indépendant. Le visiteur se déplace au gré de son envie. C’est ici que la nouveauté est palpable.
Les deux espaces sont à mes yeux totalement indépendants pour la lecture du parcours même si le fil conducteur « la saga du groupe BEL » est perceptible. Les caves revêtent vraiment d’une ambiance historique, l’étage se concentre sur les missions modernes du groupe, c’est la touche de contemporanéité.
© C CARON
L’étage est divisé en plusieurs ambiances :
- Maquette d’une chaîne de production
- Espace de jeux numérique et créatif
- Espace de projection d’un film illustrant l’exportation du produit la vache qui rit dans le monde entier
- Espace de jeux
- Fondation d’art
- Produits du groupe BEL
Ces items traduisent les valeurs de la Marque et son emprise
Pour les visiteurs habitués, l’espace nouvellement conçu ne fait plus écho aux affiches publicitaires, humoristiques, aux figurines, l’illustration fait place aux questions sociétales du groupe.
Aménagement 2013 © C CARON
Le partis pris de l’équipe muséale, d’un espace immersif où l’on propose de nouveaux modes d’appréhension tout en transmettant les valeurs de marque à la société semble réussi ! le ton de l’exposition est d’ailleurs dans l’émotion (la fierté, l’échange, le jeu, la famille, la gourmandise, grandir). Mobilier moderne, scénographie assez épurée, médiateurs disponibles pour nous accompagner dans des ateliers et répondre à toutes questions. Le site propose peu d’écrans et tablettes numériques, seulement 3 à disposition des enfants des jeux numérique. La volonté d’un musée familial pour échanger et partager semble être une des explications.
Pour l’ensemble des espaces, le visiteur est acteur de sa visite, il choisit ou non de lire les îlots, d’ouvrir ou non les cachettes ou même de s’arrêter sur les hublots de la frise. A l’étage, il peut décider de traverser la plateforme comme se poser pour jouer, fabriquer.
La dimension ludique a été mon fil conducteur, j’ai pu grâce à l’épopée de l’illustration de Benjamin Rabier à la dimension 3D, aux ateliers vivre une visite.
Le dernier espace est l’atelier de cuisine et l’exposition temporaire consacrée, cette année au Sénégal « NAK BOU BEG ».
© C CARON
Cette exposition permet d’évoquer la présence du Groupe au sein de ce pays mais plus largement l’international. L’exposition temporaire invite au voyage et à la découverte d’artistes du Sénégal, artistes peintres, sonore, sculpteur, tricoteuse et graphiste qui se sont rencontrés autour de ce projet. Quel est le point d’orgue de ma visite ? L’écran 180° évoquant l’implantation de la vache qui rit dans le monde (une forte présence humaine, la description des quartiers, des villes en image et l’idée de regard croisé) ? L’atelier de cuisine permettra d’accueillir les ateliers enfants et goûters propose par le service des publics. Ces derniers sont tournés sur la nutrition, la gourmandise et le développement durable. La définition du directeur « Nous avons travaillé à la non définition d’un lieu, afin qu’il soit incubateur d’idée, laboratoire, centre aéré, centre d’art, atelier cuisine et Fab lab. », semble prendre tout son sens dans ces espaces comme l’illustre le concept de l’exposition temporaire.
Camille Caron
1 Laurent BOURDEREAU
2 Explication de Laurent BOUDEREAU dans Connaissance des Arts
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