« Enraciner davantage à la terre nos frères paysans, leur donner raisons des grandeurs et leurs métiers1 »

Et pour y parvenir, le moyen était un musée de type musée de Plein Air, c'est-à-dire « un ensemble de bâtiments, généralement des maisons de paysans ou d'artisans, démontés et reconstruits dans un parc, qu'on peut aisément visiter ensemble sans pour cela faire le tour d'une province 2 ».

Sandrine Guillaume travaille au service conservation du Musée de Plein air de Nancray, son métier ? « C’est les mêmes missions que dans un musée :  on entretient, inventorie, on effectue des veilles sanitaires, on étudie, et on renseigne les bases de données, c’est à une échelle un peu démesurée, on parle de fourchette mais aussi de maisons et bâtiments annexes ».3

Mais qu’est-ce qu’un musée de plein air ?

Pour Georges Henri Rivière :

« Les musées de plein air sont des musées de maisons extraites de leur milieu et transférées dans des enceintes exploitées muséographiquement »

Face aux demeures en péril, deux options prévalent : la sauvegarde in situ, préférée par le service des monuments historiques et la Fondation du patrimoine, ou le sauvetage des constructions menacées de disparition par le démontage et remontage sur un même site, c’est l’option des musées de plein air de Nancray.  

Au Musée des Maisons comtoises : en voulant rassembler sur un site vierge tous les types de l’habitat comtois, les fondateurs du musée ont fixé là un objectif redoutable. La diversité des types est vaste, les matériaux mis en œuvre dans les maisons sont le plus souvent lourds ; les unités écologiques et ethnologiques sont bien séparées.

Au regard de la définition du musée de société donnée par la FEMS, on s’aperçoit que le musée, s’il valorise bien le patrimoine de la région, a aussi une mission dans la participation à la vie active (réflexion, débats, expérimentations) et dans les liens avec la recherche.

Les collections :

L’originalité de musées de ce type tient dans la nature des collections à la fois mobilière et immobilière puisque les maisons (des XVII, XVIII et XIX e siècles) sont des pièces de collections à part entière et auxquelles il faut ajouter les collections accessoires de végétaux et d’animaux.

Comme la plupart des musées de plein air, le musée de Nancray a opté pour le principe du démontage intégral d’une maison et de son remontage sur le site en respectant scrupuleusement leurs techniques de constructions, ne remplaçant que les pièces défectueuses.

 

nancray

 

 © C CARON

 

Le musée possède environ 20 000 objets dont la moitié sont inventoriés. Seuls 15 % sont exposés.

Depuis la création du musée en 1983, les acquisitions se sont toujours faites par donations spontanées au Musée. Aujourd’hui faute de place, la politique d’acquisition est suspendue. Seuls les dons de petits objets sont étudiés. L’autre élément d’explication est que le projet scientifique est culturel n’a pas donné de prospective d’enrichissement des collections. Toutefois le service ressent la nécessité d’acquérir des objets postérieurs à 1950.

Camille : Pourquoi ce musée est-il particulier ?

Sandrine : « Il y a quelque chose de particulier, ce musée c’est chez moi, il y a les objets de chez moi, les maisons, le fonctionnement des pièces, les odeurs… c’est toute mon enfance (originaire de franc-comtois et plus précisément du Haut Doubs) : Tout y est concentré ! »

 

Pouvez-vous expliquer le démontage, remontage d’une maison ?

Le remontage, c’est un puzzle géant, un mécano, toutes les pièces sont numérotées. Après les difficultés du remontage dépendent de la maison. A l’époque l’abbé Garneret4 était notamment aidé par des régiments militaires, aujourd’hui le musée fait appel à des association de chantier de réinsertion entre autres. Chaque procédure dure entre deux et quatre ans.
L’ancienne conservatrice a défini des micro régions, le musée ne devait pas être un village. C’est une ballade en Franche Comté, comme le souhaitait l'Abbé Garneret. On a reconstitué les paysages des régions. Aujourd’hui on écarte pas mal de dons car on possède un édifice qui caractérise toutes les microrégions. Il nous manque la maison vigneronne et une fontaine lavoir. 5

Il faut que l’on s’attache à réfléchir à l’enrichissement des collections (qui s’arrête à 1950), il faudrait que l’on collecte du contemporain comme un poste de douane.

 

nancray

 

 © C CARON

 

Comment réalise-t-on une veille sanitaire d’une maison de collection ? Comment valoriser, protéger une maison de collection ?

Il y a deux temps (ouvert 7 mois)

Veille hivernale :

On se rend dans les maisons tous les quinze jours, on fait le tour.
On regarde, on observe, comme un petit objet, les fissures, les moisissures...

« La maison de collection, je la traite de la même manière qu’une fourchette. Cela demande évidemment plus de travaux de réparation, de valorisation. »

  • Le niveau d’ensablement : Faut-il décaisser la maison à cause du piétinement.
  • Les pierres ont-elles bougé ?
  • La lambrichure
  • La charpente
  • Les champignons
  • Les fuites de toit : On regarde beaucoup le toit, car c’est un point noir dû à l’âge des maisons, et que celle-ci sont non habitées (elles se dégradent plus facilement).  C’est notre préoccupation en hiver !
  • Les volets dégondés
  • Les serrures
  • Les vitres cassées
  • Les arbres et l’environnement proche.  

 

Puis, on établit une liste de priorités qui sera arbitrée au moment du budget.

En saison la veille est sur les objets, la plupart reste dans les maisons, accessible au public. Cette veille est hebdomadaire.

 

Comment se réalisent les restaurations ? Comment cela se décide-t-il ?

« Le site a trente-cinq édifices. Ça dépend des travaux. On est sur un budget d’investissement donc on peut se permettre un peu plus de latitude.

C’est aussi compliqué, on peut faire des réparations courantes mais sur certaines maisons, nous n’avons pas le Savoir -faire, il faut contacter des spécialités qui ont des agendas à trois ans. Il donc important d’anticiper. Tout ça demande du temps, de l’argent. Le temps que nous mettions cela en place la procédure, la maison continue de se dégrader. On ne peut pas mettre les éléments en quarantaine comme un tableau. C’est cet aspect qui est vraiment différent. On est à l’extérieur, on ne peut pas lutter contre les éléments. Quelle précaution prendre selon les restaurations, les dégâts ? »

Les maisons, qui sont des objets de collections ont été démontées, remontées soit en respectant les matériaux d’origines ou les techniques et savoir-faire d’origine, mais comment faites-vous pour conserver ce patrimoine (pertes des savoir-faire, indisponibilité des matériaux) ?

C’est tout le débat, lors du remontage fin des années 70, début des années 80, choix architecturaux pris. Aujourd’hui, on ferait plus. On réfléchit aux matériaux ou aux techniques

Si les artisans disparaissent demain, les services techniques peuvent compenser mais ce n’est pas leur corps de métier. Effectivement dans les années à venir cela va être compliqué.

Cette problématique est souvent évoquée à la FEMS car les musées de plein air ont des petits budgets. Et cela rejoint la question primordiale : C’est quoi un musée de plein air ? Vis-à-vis d’un édifice même si tu reconstruis à l’identique, avec les techniques, tu crées des problèmes structurels qui prend des portions importantes au fil du temps.

 

nancray

 

 © C CARON

 

Et dans Trente ans… ?

« Bonne question ! Je ne sais pas  

  • On peut envisager plusieurs solutions : la construction de nouveaux bâtiments, qui seront les lieux d’expositions
  • On peut vider les maisons et les faires visiter comme œuvre à part entière
  • On peut imaginer regrouper collections dans des lieux moins dégradés.

Nous n’avons pas fini dans le mouvement d’œuvres. Il est difficile de se projeter à trente ans ».

 

Camille Caron

 

#museepleinair
#nancray

1 L’abbé Jean GARNERET

2 Extrait du programme scientifique et culturel rédigée par Marie SPINELLI FLESCH

3 Quelle est la mission du service de conservation d’un musée de plein air ?

4 L’aventure de L’abbé Garneret : https://www.maisons-comtoises.org/fr/musee-nancray-grand-besancon/historique

5 Cependant, si l’édifice est pertinent, on revient pour une deuxième visite avec un architecte, le CAUE et des spécialistes. Si l’action peut être faite, on enclenche un long processus d’études (de faisabilité, élaboration de budget, enquête auprès des habitants, découverte de l’architecture (est-ce, une architecture qui a rayonné sur les villages ? ), de l’environnement  paysagers des édifices. On essaie de recréer les conditions. On réalise plusieurs inventaires pour retrouver les objets correspondants et on se pose la question de la muséographie. A quelle époque doit-on muséographier la maison ?