Qui a dit que les porcelaines étaient vieillottes ? Allez ne me dites pas que vous n’y avez jamais pensé ! Oui, on connait tous la petite porcelaine blanche de grand-mère dans le beau meuble de la salle à manger. Et c’est vrai, elle n’est pas toute jeune ! (Je parle de la porcelaine, je ne dis pas que votre grand-mère est vieille).
En vérité, le monde de la porcelaine est passionnant ! Peut-être que j’exagère mais il y a tellement plus que la petite porcelaine du placard de mémé.
Alors je vous embarque là où j’ai été agréablement surprise, au pays de la porcelaine ! Et vraiment, continuez à lire, ça va être sympa.
Pour commencer, une mise au point s’impose. Pour ceux qui ne distingueraient pas la porcelaine de la céramique, voici la différence. Tidam ! La céramique, mélange d’argile et d’eau (pour simplifier), peut être cuite de plusieurs façons, ce qui donne la porcelaine lorsque la température est élevée : jusqu’à 1400°C. Il y a aussi le grès, la faïence et la poterie qui sont d’autres techniques de la famille de la céramique.
Un musée de porcelaines
Cette année, j’ai eu l’occasion de visiter plusieurs musées de beaux-arts, dont ceux d’Arras et de Tournai. Devant les collections de porcelaines, je me suis sentie privilégiée d’observer ces services de table. Et puis, alors qu’il y a quelques temps je me trouvais à Limoges chez mes grands-parents (elle est là ma mémé), il m’a semblé évident que je devais aller visiter un musée de porcelaine : le Musée National Adrien Dubouché de Limoges.
Pourquoi Limoges ? Qui est Adrien Dubouché ? C’est parti pour la minute tourisme ! Considérée comme la capitale des arts et du feu, Limoges s’inscrit dans une tradition de travail de l’émail et de la porcelaine. Quant à Adrien Dubouché, il fut directeur du musée à partir de 1865 et porta un intérêt tout particulier à la partie céramique, qu’il enrichit grâce à des dons comme ceux d’Albert Jacquemart ou des achats par exemple de Paul Gasnault, ancien conservateur du Musée des Arts Décoratifs de Paris. Pour permettre une production artisanale, une Ecole Nationale des Arts Décoratifs est créée juste à côté. Il fallait bien que les apprentis s’inspirent des collections pour se former artistes et artisans ! D’autant que les manufactures de porcelaines connaissent à cette période un fort engouement ; rien qu’à Limoges on comptait une vingtaine de fabriques et une vingtaine d’ateliers de décors en 1848. Ainsi, Limoges est devenu un des principaux centres de fabrication de porcelaine en France dès le 19ème siècle.
Un parcours chronologique
Le musée s’attache évidemment à l’histoire de cette fabrication et le début de la visite propose de comprendre les techniques utilisées. Tout le processus de la conception en passant par la réalisation puis en tournant vers le décor pour finir sur l’usage est expliqué. Les machines et les matériaux utilisés sont mis en valeur par une scénographie qui se veut évocatrice de l’univers industriel en jouant sur les volumes des socles, des machines, des matériaux et des œuvres. Et si l’on veut toucher de la porcelaine, il suffit d’effleurer les cartels en porcelaine. C’est plutôt approprié et unique !
Cartel « modelage : coulage » dans la salle Mezzanine des techniques © L.L.
Le parcours chronologique nous invite à traverser les salles de l’Antiquité au 18e siècle où les petites porcelaines sont installées en famille dans une enfilade de vitrines de 1900 jusqu’aux salles contemporaines où trônent des vitrines colorées dans une salle, alvéolées et osées dans une autre ! Ces deux partis muséographiques fonctionnent-ils ? Certains visiteurs sont familiers de musées datant du 20e siècle dans lesquels les vitrines d’origine sont encore présentes. Le musée ancre ses origines : c’est le musée tel qu’il a été pensé à ses débuts. En revanche, l’inconvénient majeur de ces vitrines est leur disposition qui induit un parcours de visiteur gauche-droite-gauche-droite, la salle possédant une entrée et une sortie. Toutes ces vitrines disposées ainsi peuvent décourager le visiteur qui se contentera de marcher au centre et de tourner la tête. Toutefois, une fois convaincue - « Allez ! Courage ! Il y a peut-être une œuvre incroyable à ne pas louper ?! » -, me voilà surprise par la richesse des collections, non pas uniquement des porcelaines de Limoges mais aussi de Chine, d’Allemagne, d’Italie. Cela permet de faire des comparaisons de formes, de couleurs, de motifs et d’images.
Salle La céramique de l’Antiquité au XVIIIe siècle © L.L.
Pour le deuxième type de vitrines, je vous laisse un aperçu en images. Les couleurs apportent un réel atout à la pièce et rend les œuvres (même les cartels !!) élégants. Il est vrai que la porcelaine est riche en couleurs et cette salle témoigne de l’éclectisme des arts décoratifs à partir des années 1850. Là aussi le parti-pris de ces couleurs et formes géométriques contemporaines est assez osé, il accroche l’œil curieux du visiteur.
Salle La céramique du XIXe siècle à nos jours © L.L.
Enfin, les vitrines alvéolées. Jamais je n’avais vu pareilles choses ! Vous êtes surpris vous aussi ? Ces vitrines de formes très contemporaines exposent les collections de la Porcelaine de Limoges.
Salle La Porcelaine de Limoges © L.L.
Alors, reprenons, si je vous dis porcelaine, attention fermez les yeux, 1, 2, 3, qu’est-ce que vous voyez ? Oui ? Une tasse ? Pas très original. En effet, notre inconscient nous renvoie à une image que l’on a intériorisée, la céramique étant présente dans notre quotidien. Pour ma part, la tasse fait directement référence à la Belle et la Bête (vous savez cette petite tasse ébréchée qui parle !).
La préservation d’un art
La porcelaine n’est pas seulement un ensemble d’objets bien sagement présentés et dont l’usage est décontextualisé. Ils sont là parce qu’ils ont vécu et ont outrepassé les générations. Et si nous, êtres humains mourront, l’art évolue mais ne meurt pas. Pourtant, en quelques secondes cette tasse peut tomber et se fracasser au sol, en mille petites pièces. Celles qui sont encore là le sont parce que nous avons compris qu’en les préservant, elles préservaient l’humanité et les générations précédentes. Evidement il n’y a pas que la porcelaine, mais notre patrimoine quel qu’il soit mérite qu’on le dorlote. Et les œuvres contemporaines seront aussi à leur tour conservées.
Vitrine de la salle La céramique du XIXe à nos jours, œuvres de Ettore Sottsass, 1987 © L.L.
Tout évolue. La porcelaine, les toiles, la mode, la gastronomie en témoignent. Comme le futur est inconnu, c’est aujourd’hui que l’on doit montrer nos richesses, y compris la porcelaine mise en avant dans nos musées Beaux-Arts ! En plus, une multitude de parallèles sont possibles : porcelaines plus anciennes, thèmes iconographiques, pop culture, porcelaines étrangères, etc.
Après la minute tourisme, voici la minute actu : à Lyon, le Salon International de Peinture sur Porcelaine attire du monde et s’est tenu durant quatre jours en mars. A Limoges du 15 juin 2018 au 30 mars 2019 se tenait à la Fondation d’entreprise Bernardaud l’exposition « Sans les mains ! » où des artistes exposaient leurs œuvres (attention vous n’êtes pas prêts) réalisée en porcelaine à l’aide de machines numériques, telle que la machine 3D. Il est merveilleux n’est-ce pas de voir que la céramique puisse encore vivre de nouveaux jours ! Toujours à Limoges se tient cette année la 8e édition de la Biennale Toques et Porcelaine, mélange d’art de la table et de gastronomie. Ces évènements témoignent d’une part, d’une véritable identité de territoire, de Limoges, mais aussi l’envie de partager une technique artistique.
Tous ces événements visent à rendre la porcelaine, plus vivante et contemporaine.
Mais je laisse les derniers mots à ma mémé dont les jeux préférés sont les mots-croisés.
L.L.
#Porcelaine
#Anosgrandsmères
#Artcontemporain
Pour en savoir plus :
http://www.musee-adriendubouche.fr/
https://www.youtube.com/watch?v=Ujg16ItuUEE
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