Du 2 octobre 2019 au 24 février 2020, à l’occasion du vingtième anniversaire de la mort de Charlotte Perriand la Fondation Louis Vuitton met en lumière une architecte femme oubliée de l’histoire de l’architecture.

 

« Le monde nouveau de Charlotte Perriand » est-il réellement nouveau ?

C’est avec une grande curiosité que nous allions à cette exposition enfin consacrée à une architecte et une artiste femme du 20e siècle. Pourtant c’est avec surprise que nous découvrons les premières salles. Car croyez-le ou non, vous ne découvrirez pas essentiellement du Charlotte Perriand lors de cette exposition, bien au contraire. C’est l’univers artistique masculin au sens large qu’il faut s’attendre à explorer.

 

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Bannière de l’exposition, Octobre 2019 © Anaïs Verdoux

 

En effet, dès la bannière à l’entrée de l’exposition plusieurs noms d’architectes et d’artistes attirent notre attention : Léger, Miró, Picasso, Calder, Braque, Le Corbusier, Delaunay, etc… Le mot d’ordre est lancé, aujourd’hui nous ne verrons pas seulement du Charlotte Perriand.

Plusieurs sens peuvent être donnés au terme « monde nouveau ». Les cinq commissaires d’expositions - Jacques Barsac, Sébastien Cherruet, Gladys Fabre, Sébastien Gokalp, et Pernette Perriand - révèlent l’importance de cette architecte dans un domaine où peu de femmes trouvent leurs places au 20e siècle. Ce qui rend inédite cette exposition. Cependant le « monde nouveau » auquel fait allusion les commissaires est celui de l’implication de Charlotte Perriand dans l’univers des artistes et des architectes. Comment expliquer que cette femme ait autant collaboré avec Fernand Léger, Picasso ou Le Corbusier et que son nom soit si peu connu ?

L’interrogation se confirme pendant que nous franchissons les premières salles. Face à cette première partie « Construire la modernité » où le mobilier de l’artiste se confronte aux œuvres monumentales de Fernand Léger et de Pablo Picasso « Le monde nouveau de Charlotte Perriand » révèle l’univers artistique dans lequel elle baigne tout au long de ses créations. Voilà posé le choix du commissariat d’exposition.

« Mon rôle à l’atelier n’est pas celui de l’architecture mais « l’équipement de l’habitation ». Le Corbusier attendait de moi avec impatience, que je donne vie au mobilier. »

Nous découvrons de manière chronologique sa carrière. Tout d’abord, Charlotte Perriand entre dans le cabinet d’architecture de Le Corbusier, puis le Japon l’inspire lors de son voyage ou encore quand elle collabore avec Fernand Léger. Proposer d’autres œuvres au sein des salles met en lumière ses différentes inspirations pour concevoir le nouvel intérieur moderne des années 30. Tâche où elle excelle. Le visiteur découvre la création de son bar pour le Salon d’Automne de 1929, puis le Fauteuil Grand Confort trop souvent attribué à Le Corbusier. Charlotte Perriand est véritablement actrice de la modernité au sein des arts et de l’architecture au début du 20e siècle.

 

Exposer de l’architecture et du mobilier : un exercice complexe

Comprendre le design, l’architecture, lors d’une visite n’est pas toujours évident. Ici, par l’agencement des espaces, le visiteur découvre progressivement plusieurs installations qui permettent d’expérimenter la réflexion architecturale de Charlotte Perriand. Dans l’un des premiers espaces, une reconstitution de l’atelier de Saint-Sulpice nous immerge dans ses créations. Le mobilier nous apparaît pleinement lorsque nous arrivons dans la reconstitution de l’appartement moderne du Salon d’Automne (1929) réalisé par Le Corbusier, Pierre Jeanneret et Charlotte Perriand. Le visiteur est invité à contempler cette réplique et à s’asseoir sur les différentes répliques de sièges, laissant le loisir d’appréhender le mobilier.

 

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Appartement moderne conçu par Le Corbusier, Pierre Jeanneret et Charlotte Perriand, 1929 © Anne Chepeau / Radio France. 

 

Suite à l’accumulation de petits espaces d’architectures, le visiteur plonge dans des espaces plus ouverts et aérés propres aux expositions de la Fondation Louis Vuitton. Une nouvelle fois les œuvres de Charlotte Perriand sont confrontées aux œuvres plastiques de Fernand Léger, Pablo Picasso, ou Le Corbusier, dans un réel dialogue entre le mobilier et les peintures. 

Ce dialogue s’estompe progressivement dans les espaces suivants révélant de plus en plus le design et l’architecture de Charlotte Perriand.

De ce fait, l’espace « Dialogue des cultures » renoue avec des espaces architecturés dont l’ampleur est bien plus imposante que les espaces précédents. En continuant la visite, l’amatrice de tapisserie que je suis ne pouvait être que ravie. Il n’est plus question de peintures mais d’un médium dont les origines sont liées à l’architecture. Les œuvres de Charlotte Perriand dialoguent avec différentes tapisseries de Fernand Léger, de Pablo Picasso ou de Miró. Ces espaces nous bercent entre architecture, lumière et matière.

Cependant que regardons nous, l’expérimentation du mobilier de l’artiste ou davantage les différents Picasso, Léger exposés ? Différentes répliques de sièges et de bancs sont répandues tout au long du parcours, les visiteurs s’assoient, admirent les peintures et oublient le mobilier de Charlotte Perriand. L’espace « un nouvel art de vivre » dédié à la Galerie Steph Simon (1956-1972) en fin d’exposition illustre cette perte d’attention donnée à l’artiste. Jusqu’à quel point la découverte par l’expérience du monde de Charlotte Perriand s’arrête-t-elle ? 

Nous terminons sur les différentes propositions et créations architecturales qui ont fait connaître l’architecte tel que les Arcs en Savoie ou la reconstitution de la Maison de thé de l’UNESCO. Reconstitution qui est impatiemment attendue tout au long de l’exposition.

 

Retour sur une artiste engagée

 

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Vue de l’exposition, espace galerie 1 « Une femme engagée » © Idboox

 

Nous l’apprenons très tôt, Charlotte Perriand était une femme engagée pour différentes causes à la fois politiques, féministes et environnementales. Cet espace la montre en militante pour l’Espagne Républicaine et pour une société plus juste et libre. Son engagement pendant la guerre d’Espagne est présenté à travers la réinterprétation de Guernica sur une table basse destinée au salon de l’homme politique Jean-Richard Bloch (1884-1947). Son œuvre est écrasée par l’imposant carton de tapisserie de l’œuvre Guernica.

« Si je délaisse le "métier d’architecte" pour me diriger sur les questions plus directement dans la vie, c’est afin de voir plus clair avec mes problèmes, c’est aussi et surtout parce qu’il y avait un plafond, un mur dans notre travail […] Le mur s’est fissuré, et au-delà il y a tout un monde nouveau qui nous intéresse au plus haut point, car enfin le « métier d’architecte » c’est travailler pour l’homme » Lettre de Charlotte Perriand à Fernand Léger, 1936.

Pendant l’exposition, montrer la vision engagée de Charlotte Perriand passe également par sa perception de la nature, de son « art brut » : ces photographies de vies, de natures qui lui permettent de concevoir d’une nouvelle manière l’habitat. Ce terme d’ « art brut » est utilisé par l’artiste elle-même pour caractériser ses œuvres et photographies en lien avec la nature. Pour l’artiste la photographie est le médium de toutes les libertés. Outre la nature, sa relation avec la culture japonaise modifie profondément sa perception de l’architecture. 

Ainsi la carrière de l’artiste n’est plus seulement associée à Le Corbusier. Elle continue d’évoluer à l’international notamment pendant ses années au Japon. Charlotte Perriand crée un mobilier et une architecture qui s’adapte aux modes de vies modernes qui émergent afin de promouvoir l’art pour tous.

Une exposition à FLV : Forcément un succès ?

Une exposition à la Fondation Louis Vuitton est souvent un succès : par les œuvres connues qui font la popularité de l’exposition, ou la diversité des espaces dévoilés au visiteur. Mais avoir visité « Le nouveau monde de Charlotte Perriand » me laisse en demi-teinte. Si l’exposition fait effectivement voyager dans l’univers artistique de l’architecte, la présence incessante des œuvres d’artistes tels que Picasso ou Léger effacent l’existence des œuvres de Charlotte Perriand. Cette impression se renforce nettement par l’aspect IKEA de la présentation des modules d’architectures dans les espaces « Dialogue des cultures » et « Synthèses des arts ».

 

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Reconstitution de la Maison de Thé de l’UNESCO © Marc Domage

 

Cependant cela demeure une joie de découvrir Le monde nouveau de Charlotte Perriand qui retrace les enjeux « contemporains autour de la femme et de la place de la nature dans notre société ». Écouter le podcast réalisé par l’émission Le réveil du culturel sur France Culture, "Charlotte Perriand, architecte d’un nouvel art de vivre et d’habiter le 20e siècle" éclaire profondément sur sa personnalité et cette exposition.

 

Anaïs

 

#CharlottePerriand

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https://www.franceculture.fr/emissions/le-reveil-culturel/charlotte-perriand-architecte-dun-nouvel-art-de-vivre-et-dhabiter

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