Dernier jour pour voir une exposition. J’y vais. C’est après une bonne demi-heure de queue que je découvre l’exposition « al-‘Ulâ : Merveille d’Arabie ». Entre le bruit, les piétinements et la vieille dame qui passe devant tout le monde, je me demande ce que je fais là. Mais … à l’entrée de l’exposition, mon agacement s’efface.
Une immersion réussie
L’espace est totalement plongé dans le noir. Devant moi un dispositif audiovisuel saisissant me transporte à al-‘Ulâ en Arabie Saoudite. L’exposition s’ouvre avec cet imposant écran partant du sol qui happe quiconque s’en approche. Je me transporte dans les magnifiques prises de vue de Yann Arthus-Bertrand qui a eu la chance de filmer ce site exceptionnel. Ces vues aériennes me mettent en apesanteur au-dessus du désert. Le monde s’arrête, je suis déjà loin. Les merveilles d’Arabie s’ouvrent à moi.
Ce site archéologique de 7 000 d’histoire se laisse découvrir grâce à un autre dispositif. Une table au centre de la pièce nous permet de comprendre les différentes phases d’occupation de la vallée d’al-‘Ulâ. Le dispositif est ingénieux, la table est un fait un plan-relief en résine de couleur blanche sur lequel est projetée depuis le plafond l’évolution d’al-‘Ulâ. En quelques minutes 7 000 d’histoire s’offrent à voir, le tout de façon claire et efficace. Je suis conquise. Dans cette salle un dispositif scénographique m’interpelle : la reproduction de gravure rupestre sur une cimaise. Ce dispositif tactile très réussi, permet de se rendre compte des entailles dans la pierre de ces lointains ancêtres.
Vue de la « table-relief », exposition al-‘Ulâ, IMA. ©Axelle Gallego-Ryckaert
Je ne suis pas au bout de mes surprises lorsque j’entre dans la salle dédiée aux oasis d’al-‘Ulâ. Une nouvelle plongée immersive dans les images de Yann Artus-Bertrand est encore plus saisissante qu’à l’entrée de l’exposition. Devant moi des plantes caractéristiques de l’oasis continuent de sécher tranquillement sous leur vitrine. Mais surtout je suis transportée par une douce odeur. Un dispositif olfactif m’emporte dans ses jardins verdoyants à la senteur enivrante de datte, de grenade et de figue. Mes sens sont en alerte.
De surprise en surprise
Je quitte cette agréable atmosphère pour en apprendre plus sur l’histoire de la vallée d’al-‘Ulâ. D’imposants vestiges archéologiques témoignent de la richesse des royaumes qui ont fait prospérer cette vallée. Une table tactile me permet de découvrir par l’intermédiaire d’un guide saoudien, les différentes peuples et royaumes de la vallée. L’image couplée des paysages et du guide donnant des explications me donnent la sensation d’y être.
Vue d’un dispositif audiovisuel, exposition al-‘Ulâ, IMA. ©Axelle Gallego-Ryckaert
Cet art millénaire et parcellaire dans ce coin de désert est une belle découverte. Des colosses en grès rouge témoignent de l’influence de l’Égypte antique et du carrefour commercial qu’était la vallée d’al-‘Ulâ. Cette salle est aussi l’occasion de découvrir les croyances des habitants de la vallée avec ces dieux païens oubliés.
Avec les échanges commerciaux, les habitants d’al-‘Ulâ s’inspirent de l’architecture funéraire rupestre de Pétra. C’est l’occasion de comprendre comment ils ont creusé des tombeaux dans les falaises abruptes du désert. Une petite animation montre comment les tailleurs de pierre partaient du haut des falaises pour y tailler en négatif la façade de la tombe monumentale.
Puis je me retrouve en tête à tête avec un squelette de femme soigneusement protégé derrière une vitrine. C’est le moment de parler de rites funéraires. Projetée au mur, une animation montre les différentes étapes de préparation du corps avant d’être déposé dans son tombeau. Devant le mur, une projection sur une table montre les méthodes de fabrication ancestrale des éléments constitutifs du rite funéraire comme la fabrication d’un collier de dattes.
Vue d’un dispositif audiovisuel présentant les rites funéraires nabatéens, exposition al-‘Ulâ, IMA. ©Axelle Gallego-Ryckaert
Puis vient le moment de tester mes connaissances en alphabet arabe. J’apprends alors que la vallée d’al-‘Ulâ et le peuple des nabatéens qui y habitaient ont joué un rôle dans la constitution de la langue arabe. C’est l’interview de la co-commissaire de l’exposition qui nous l’apprend. Dans le même temps est projeté sur un mur un film sur l’évolution de l’écriture arabe à partir du mot « paix ».
A mi-parcours, une salle aborde l’époque des pèlerinages. La vallée d’al-‘Ulâ se trouve sur la route entre la Jordanie, La Mecque et Médine, s’est donc un important lieu de passage où les pèlerins pouvaient se réfugier dans des caravansérails et venir se rafraîchir dans les oasis d’al-‘Ulâ. Une nouvelle vidéo présente la ville ancienne d’al-‘Ulâ et ses ruelles étroites. Un autre guide explique les techniques de construction des maisons, l’histoire de la construction de la forteresse, la distribution de l’eau aux habitants grâce à un cadran solaire, etc.
Désenchantement
A ce stade de mon parcours tout va pour le mieux, même si je sens la fin arriver. Je m’engage dans un long et trop large corridor. Ce dernier présente à travers une longue frise des villes-gares, dont al-‘Ulâ fait partie, qui desservaient la voie ferrée entre Damas et Médine. En effet, l’empire ottoman installé dans cette région de l’Arabie depuis le XVIe siècle avait besoin d’infrastructure pour relier les grandes villes de son territoire. Une histoire qui aurait pu beaucoup m’intéresser si la muséographie et la scénographie avaient été plus abouties. Les cartels étant mal placés, ils étaient difficiles à relier à chaque photographie qu’ils présentaient.
Enfin, j’arrive dans la dernière salle nommée « Une région vivante » je comprends alors que l’exposition fait partie d’un plan de communication de l’Arabie Saoudite pour mettre en valeur son patrimoine riche et millénaire. Puisque l’Arabie Saoudite prépare « l’après pétrole » en voulant développer le tourisme.
Le parcours se clos avec un dispositif de bornes audiovisuelles, qui montre des interviews des acteurs du tourisme de la vallée. Ils expliquent, entre autres, comment le site a été aménagé pour être accessible, quel a été leur plan d’action pour développer le tourisme, etc. Au mur, les sites les plus remarquables sont présentés à la façon d’un guide du Routard. Entre les lignes, l’exposition encourage donc les visiteurs à devenir de futurs touristes. L’exposition « al-‘Ulâ : Merveille d’Arabie » était donc le fer de lance de ce pays en quête de reconversion économique.
Je ressors de l’exposition avec un sentiment mitigé, à la fois éblouie par les dispositifs de muséographiques très réussis, par l’éclairage magistral des pièces archéologiques, par mon immersion totale dans cette oasis verdoyant grâce aux images de Yann Arthus-Bertrand, mais à la fois déçue par une fin de parcours inaboutie et par la conscience d’avoir été à mon insu spectatrice d’une publicité expographique pour me donner envie d’aller découvrir cette splendeur du désert. Ce qui m’énerve encore plus, c’est que ça a marché ….
Axelle Gallego-Ryckaert
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Comme je vous l’ai dit au début de l’article, l’exposition est désormais finie, je vous laisse quand même en compagnie de Yann Arthus-Bertrand pour vous présenter la vallée d’al-‘Ulâ.