Ces dernières années ont été marquées par la ludification du musée. Entre les escape games, les chatbots et l’usage de la réalité augmentée, les nouvelles technologies n’ont pas fini de jouer avec le patrimoine.

 

Depuis le confinement causé par la pandémie du COVID-19, un autre dispositif ludique est plébiscité : l’exposition virtuelle. Par définition, il s’agit d’une exposition diffusée sur internet, mais selon les moyens employés, il existe une grande hétérogénéité des formes. Allant du simple « slide » aux reconstitutions immersives, voici quelques exemples :

 

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Exposition « Louis XIV et Nicolas Fouquet, une histoire de goût », du Château de Versailles, créé spécialement pour le web, sous forme de slide multimédia (images, textes, audio…)
© Château de Versailles http://www.chateauversailles.fr/decouvrir/ressources/expositions-virtuelles#louis-xiv-/-nicolas-fouquet-:-une-certaine-histoire-du-gout

 

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Exposition « L’Estuaire de la Seine, l’invention d’un paysage » par le Musée d’art moderne André Malraux. Un moyen de “faire perdurer” cette exposition en publiant sur le site du musée un corpus de textes et d’œuvres.
© MuMa Le Havre http://www.muma-lehavre.fr/fr/expositions/lestuaire-de-la-seine-linvention-dun-paysage

 

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Une mise en page dynamique pour l’exposition « Les Nadar, une légende photographique », de la BnF. Le contenu se « déploie » à mesure que l’on parcourt la page.
© BnF http://expositions.bnf.fr/les-nadar/

 

Il existe même des expositions dans lesquelles des environnements entiers sont simulés. C’est précisément le travail de l’UMA, l’Universal Museum of Arts, fondé par l’historien de l’art Jean Vergès : un musée fictif qui collabore avec les “ vrais musées ” pour réaliser des expositions gratuites sur internet.

 

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Captures d’écran de diverses entrées d’expositions © UMA https://the-uma.org/fr

 

La page d’accueil liste les expositions en cours et celles à venir. En cliquant sur l’exposition de notre choix, nous voici dans un environnement pensé par un architecte contemporain. Selon le propos de l’exposition, la scénographie va de la plus classique (type ancien palais réhabilité) à la plus ambitieuse (architecture totalement fantasmée). Pour naviguer dans l’espace, il faut maintenir le bouton clic enfoncé et bouger la souris, ou utiliser les flèches directionnelles qui apparaissent sur l’écran. Si l’on n’utilise pas souvent d’ordinateur où que l’on ne joue pas aux jeux en ligne, cette manipulation peut demander un petit temps d’adaptation.

 

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Navigation dans un espace d’exposition © UMA

 

Lorsque nous cliquons sur une œuvre qui nous intéresse, une fenêtre d’information apparaît. Elle contient le cartel de l’œuvre, un commentaire descriptif ainsi qu’un propos lié à l’exposition.

 

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Fenêtre d’informations © UMA

 

L’implication d’un musée dans ce genre de projet varie. Ainsi, l’exposition « Chats dans l’histoire de l’art » lancée le 7 juillet 2018 a été imaginée par la Réunion des Musées Nationaux-Grand Palais, alors qu’une des prochaines expositions intitulée « De la Renaissance au XXème siècle » nécessite pour les musées concernés, un simple envoi de photos à l’UMA. Dans tous les cas, les expositions de l’UMA ne sont pas un simple rassemblement d’œuvres en haute qualité car elles s’accompagnent bel un bien d’un propos scientifique. L’UMA fait appel à des spécialistes qui ont champ libre sur la sélection des œuvres.

 

Quel est l’intérêt d’exporter les expositions en ligne ? Le premier argument qui nous vient est celui de la démocratisation : avoir accès à une exposition gratuite, à tout moment. D’autant que la tendance actuelle défend de plus en plus le partage des biens communs, dont les œuvres d’art (les créations de Microfolies, les versements sur wikimédia…). Avec les expositions virtuelles, le musée se montre également garant de la qualité d’image, de la « bonne version » de l’œuvre, car les prises de vues retouchées sont nombreuses sur le net.

 

Sur un support numérique, il y a la possibilité de zoomer sur des détails tels que la touche d’un peintre. Vous ne verrez jamais la Joconde aussi près que depuis un écran, c’est un fait. « Le contact avec l’œuvre physique est unique et irremplaçable. Mais nous sommes convaincus que la reproduction d’une œuvre peut émouvoir, intriguer et enthousiasmer... Au même titre que l’écoute d’un artiste sur Spotify nous pousse à aller voir son concert ! » explique l’UMA.

 

Autre argument fort en faveur de l’exposition virtuelle, le pouvoir de créer une exposition sans les contraintes qu’imposent la matérialité : pas de problèmes d’espace, pas de convoiements, pas d’assurances, pas de risques de conservation préventive… On réunit ce qu’on veut ! Une utopie réalisée qui fera sourire les amateurs d’arts. « Cela n’a donc rien d’un musée ! » dirons les réfractaires. Encore une fois, l’UMA n’entend pas remplacer le musée mais « diffuser son image et renforcer l’affirmation de sa pertinence actuelle ».

 

Faire des expositions en ligne, est-ce vraiment une manière de démocratiser l’art ? Pas vraiment, puisque l’UMA précise jouer un rôle complémentaire. Ce qui veut dire que dans la réalité, ce concept tombe dans les mains d’un public averti. Autre exemple, le géant Google Arts & Culture, qui est une mine d’or de ressources, n’a jamais transcendé les foules, jusqu’à ce qu’ils lancent une fonction permettant aux gens de trouver leur sosie en peinture grâce à leur selfies. C’est plutôt ce genre d’actions culturelles qui « démocratisent »l’art et donnent aux gens l’envie de s’intéresser aux musées.

 

Un conseil aux établissements qui souhaitent développer des expositions virtuelles : exposez l'inexposable ! L’exposition « Chats dans l’histoire de l’art », aussi adorable soit-elle, peut être réalisée dans n’importe quel musée. Il serait plus pertinent d’exposer des sujets sensibles, complètement décalés, que les musées ne sont peut-être pas encore prêts à accueillir…

 

B.O

 

#expositionvirtuelle

#democratisation